CHAPITRE XLVI
L’AVÈNEMENT D’UN ROI
Vous les hommes de Landesfallen, qui étiez autrefois ennemis, vous êtes révélés de véritables amis. Je vous fais don de votre vie et de votre liberté. En échange, je ne vous réclame que votre vigilance éternelle.
Fallion l’Audacieux, à la formation de la Gwarde
Fallion s’éloigna lentement de Port-Garion. Il faisait des arrêts toutes les quelques lieues pour permettre à son graak de se reposer et, de manière générale, laissait Vankriss prendre son temps.
Il venait juste de sortir du couloir taillé par les Gwardeens à travers les pierrebois. Devant lui, ses troupes volaient très bas en suivant les contours de la vallée.
Les graaks étaient si gros qu’un guetteur vigilant pouvait les repérer à cent lieues de distance – mais seulement s’ils volaient à découvert. Or, les Gwardeens étaient experts dans l’art du camouflage.
Les troupes de Fallion filaient le long d’une rivière en rasant la cime des arbres. Cette manœuvre n’avait pas que l’avantage de les dissimuler : couplés à la densité supérieure de l’air en basse altitude, les courants thermiques tièdes qui s’élevaient des bois offraient plus de portance aux ailes des graaks.
Fallion regarda autour de lui. Des collines se dressaient dans toutes les directions. Personne ne repérerait ses troupes.
Le soleil était une boule dorée dans le ciel. Loin devant lui, à environ quatre lieues, les jeunes Gwardeens volaient vers leur cachette en une ligne irrégulière.
Arrivé à la lisière de la jungle, Fallion laissa sa monture se percher dans un pierrebois pour se reposer. Il attendit longtemps, guettant des bruits de poursuite. Il n’en entendit aucun.
Six lieues le séparaient désormais de la ville. Suivre les enfants à pied sur une telle distance eût été impossible. La jungle était presque impénétrable ; les énormes racines des pierrebois s’entremêlaient sur le sol, bloquant le passage.
Un puissant guerrier de force parviendrait peut-être à passer, songea Fallion. Mais le couloir à travers la végétation avait justement été conçu pour désorienter de tels poursuivants. Il passait au-dessus de falaises abruptes et de marécages remplis de sables mouvants, en décrivant des courbes telles que quelqu’un qui observerait les cavaliers du ciel par en dessous ne pourrait pas deviner leur véritable cap.
Néanmoins, le danger restait bien réel. Si les éclaireurs de Sermombre repéraient les Gwardeens, ceux-ci les entraîneraient vers leur cachette sans le vouloir, comme des abeilles regagnant leur ruche. Après avoir atteint l’Antre de la Reine Toth, Fallion n’aurait qu’un moyen d’assurer la sécurité de ses troupes : les garder à l’intérieur.
De gros nuages de fumée bouillonnante s’élevaient de Port-Garion. Apparemment, Sermombre avait mis le feu aux navires ancrés dans la baie – voire à la ville même.
Au-dessous de Fallion, les enchevêtrements de pierrebois cédaient la place à des caoutchoucs blancs de taille plus modeste, piquetés de bosquets de cirier. Plus loin, le vent avait sculpté les montagnes de grès rouge selon des configurations aussi étranges que magnifiques, au pied desquelles le jeune homme distinguait des pins royaux d’un vert bleuté le long des crêtes.
Là, le paysage s’ouvrait sur des champs de rocaille. Il n’y avait pas de fermes, pas de troupeaux domestiques broutant sur les collines, mais Fallion aperçut différents animaux qu’on ne trouvait qu’à Landesfallen – notamment, des rabouillers qui ressemblaient à des oursons du Rofehavan, mais qui avaient le pelage gris et ne mangeaient que de l’herbe. Ce fut à peine s’ils levèrent la tête au passage de Fallion, et ni la vision de l’humain ni celle de son graak ne parut troubler ces créatures placides.
Il y avait également des dizaines de rangits, allongés à l’ombre des caoutchoucs abattus. Quand ils se relèveraient et s’éloigneraient, le sol tremblerait sous eux, car ils avaient tendance à bondir et à retomber à l’unisson. Fallion avisa aussi des calièvres, apparentés aux rangits mais plus petits qu’eux, et plus rapides que des lièvres ordinaires.
Il vit des fourmiliers hérissés de piques qui balançaient leur lourde queue comme une massue. Une fois, il repéra même un flèchin : un énorme oiseau incapable de voler mais deux fois plus grand qu’un homme, carnivore cruel dont le bec pouvait aisément déchiqueter un rabouiller.
Devant lui se dressait un pic de roche rouge modelé par le vent. Il jaillissait du sol entre les arbres, et des marches semblaient taillées dans ses versants formés à partir de dunes de sable pétrifiées – des arêtes rocheuses qui créaient un escalier naturel.
Les Gwardeens avaient repris de l’altitude dans un canyon assez étroit, après avoir contourné la montagne afin que personne ne puisse observer leur ascension depuis l’ouest. Leurs graaks rasaient la cime des arbres qui escaladaient une pente de plus en plus raide.
Bientôt, des parois que l’érosion avait creusées pour former de hautes colonnes flanquèrent Fallion. Elles étaient si abruptes que seuls quelques pins royaux parvenaient à s’y accrocher. Quant au fond du canyon, il était occupé par un torrent à la surface blanche d’écume, qui s’engouffrait entre ses murs en rugissant. Personne n’aurait pu passer par là à pied.
Plus loin, un pont de pierre enjambait le canyon. Les graaks filaient droit vers lui. Ils connaissent le chemin, songea Fallion avec fierté, en lâchant la bride à sa monture.
Quelques minutes plus tard, il passa sous l’arche monumentale. Il savait qu’à partir de là, les éclaireurs ennemis (s’il en restait encore sur sa piste…) le perdraient de vue à cause des hautes crêtes qui encadraient le canyon. Celui-ci se sépara en deux, et Vankriss s’engagea dans la fourche de gauche.
En dessous, le terrain semblait toujours impraticable. Le torrent en crue bouillonnait dans son lit de roche, dont des colonnes torturées jaillissaient ça et là.
Peu de temps après, alors qu’ils approchaient de l’extrémité supérieure du canyon, les graaks commencèrent à se poser dans une crevasse obscure. Le refuge était presque complètement dissimulé, y compris depuis la voie des airs. Le vent et l’eau avaient sculpté les rochers alentour, leur donnant des formes hideuses de semi-hommes ou de gargouilles. La plate-forme d’atterrissage s’étendait dans leur ombre.
Le graak de Fallion se posa adroitement, devant l’entrée d’un tunnel plongé dans le noir. Le jeune homme sauta à terre alors que deux autres Gwardeens se portaient à sa rencontre pour prendre sa monture en charge. De part et d’autre de lui, des anneaux métalliques étaient sertis dans la roche pour y attacher les graaks par une patte.
À l’entrée du tunnel, la pierre rouge avait viré au noir, souillée par les sels minéraux de l’eau qui gouttait le long des parois depuis des siècles. Une très vieille fresque murale aux couleurs vibrantes – pourpre, corail et blanc titane – montrait une reine des Toths, créature à quatre jambes et à deux bras, portée comme en triomphe sur les épaules d’une foule de Toths mineurs. Ceux-ci étaient armés de longues massues métalliques, tandis que parmi leurs rangs, des sorciers brandissaient des bâtons en os pourpre transparent comme du cristal.
Fallion ignorait quelles batailles avait remporté cette reine, et il ne savait pas davantage pourquoi elle possédait une forteresse dissimulée ici, dans les montagnes. Mais pour la millième fois au moins, il espéra que son peuple avait bien disparu.
Près de l’entrée du tunnel s’ouvrait une vaste alcôve pleine de graaks. Plus loin, une douzaine de Gwardeens s’étaient rassemblés autour d’un feu de camp. Valya se trouvait avec eux.
Aucun des enfants auxquels Fallion commandait n’avait plus de douze ans. Ce n’était pas surprenant. Le seul moyen d’atteindre cet endroit, c’était à dos de graak, et aucun graak ne pouvait porter un adulte sur une distance significative.

 

Cette nuit-là, pelotonnés autour de leur petit feu, les enfants discutèrent avec animation.
— Moi, je dis qu’il faut rester cachés, affirma une adolescente, et ne pas sortir de cette caverne jusqu’à ce que l’armée de Sermombre soit partie.
— Tu veux donc qu’on crève de faim ? protesta un jeune garçon.
— Il y a de la nourriture dans les vallées alentour, répliqua Denorra, le Gwardeen qui avait tranché les cordes de la passerelle. Les fermiers doivent encore avoir des réserves.
Les enfants tenaient un conciliabule, une réunion durant laquelle tous les avis devaient être entendus.
— Elles ne dureront pas longtemps, fit valoir Fallion. La saison des semailles vient jute de se terminer ; les réserves ont dû être entamées cet hiver, et elles baisseront encore quand les troupes de Sermombre auront fini de piller et de brûler. Que ferons-nous alors ? Volerons-nous le pain de la bouche de notre peuple ?
Tous les enfants l’écoutaient attentivement. Il était leur capitaine et leur ami, et même s’il s’efforçait de mettre son autorité en veilleuse durant les conciliabules, sa voix comptait davantage pour les autres que celle des enfants les plus jeunes.
Fallion s’approcha du feu mais ne s’assit pas. Le Maître du Foyer Waggit lui avait appris à prendre une position supérieure lorsqu’il devait s’adresser à une foule.
— Il a raison, intervint Valya. Sermombre construit une flotte de navires du monde ; elle aura besoin d’esclaves pour ça. Elle va capturer les gens d’ici comme elle l’a fait à Syndyllian. Et ceux qui prendront le maquis ne pourront ni cultiver la terre, ni élever du bétail. Ils seront forcés de s’aventurer de plus en plus loin pour trouver à manger ; c’est alors que les hommes de Sermombre les prendront. Elle peut être très patiente quand elle veut.
Elle s’exprimait comme quelqu’un qui sait de quoi il parle, mais Fallion remarqua qu’elle restait sur sa réserve. Elle n’avait pas révélé aux Gwardeens que Sermombre était sa mère.
Je me demande si c’est seulement moi que Sermombre recherche. Peut-être veut-elle avant tout récupérer sa fille. Peut-être serait-elle même prête à verser une rançon pour elle… Évidemment, jamais Fallion n’aurait envisagé de vendre Valya, mais l’idée était intéressante.
Il y eut une brève agitation à l’entrée de la caverne comme un retardataire posait son graak.
— On n’est pas censés avertir quelqu’un si les Toths reviennent ? demanda une jeune Gwardeen de sept ans. Sermombre est une sorte de Toth, non ?
— Le roi de Mystarria, répondit quelqu’un. C’est lui qu’on doit prévenir. Mais comment faire pour le contacter ?
— Le roi de Mystarria se trouve déjà parmi nous, lança une voix dans les ténèbres.
Jaz, qui venait juste d’arriver, s’avança depuis l’entrée de la caverne et désigna Fallion du menton.
Fallion n’avait pas vu son frère depuis des mois. Il fut stupéfait de la vitesse avec laquelle son cadet avait grandi. Jaz était devenu grand et mince. Il jeta un sac à ses pieds. Le tintement si particulier des forceps se répercuta plus fort qu’il ne l’aurait dû dans la petite caverne ; deux fers s’échappèrent du sac et roulèrent sur le sol.
— Vous aurez besoin de ceci, Votre Altesse.
Les Gwardeens dévisagèrent Fallion, bouche bée d’incrédulité et de surprise. Se pouvait-il que leur capitaine soit vraiment un roi en exil ?
— Montre-leur ta chevalière, le pressa Jaz.
Fallion tâtonna dans la poche de sa tunique et en sortit sa chevalière – un anneau d’or antique sur lequel était gravée l’image de l’homme vert. Il ne l’avait montrée à personne depuis son départ de Mystarria.
La plupart des enfants se turent, impressionnés, ne sachant comment se conduire en présence d’un roi. Deux des plus âgés, qui étaient assis en tailleur, se redressèrent et mirent un genou en terre devant Fallion.
— Mais je croyais que c’était le Roi de la Terre, le roi de Mystarria, fit remarquer la petite Nix.
— En effet, acquiesça Fallion. Le Roi de la Terre était mon père. Mais il est mort. C’est en partie la raison pour laquelle je suis venu à Landesfallen : pour découvrir ce qui lui est arrivé durant ses derniers jours.
À leur tour, les plus jeunes enfants commencèrent à s’agenouiller, et Fallion fut quelque peu atterré de voir que même Jaz s’inclinait devant lui.
— Qu’allons-nous faire, milord ? demanda son cadet.
Sage question, songea Fallion. En la posant, Jaz encourageait subtilement les autres à se soumettre à la volonté de son frère.
À présent, tous les enfants le regardaient avec des yeux brillants d’espoir. Ils attendaient une réponse de sa part – une solution.
Je voulais une armée, et j’en ai trouvé une, réalisa Fallion. Mais ce n’est qu’une armée d’enfants. Que pouvaient-ils bien faire pour combattre Sermombre ?
— La plus proche forteresse de la Gwarde se trouve à la Cité des Morts, à quatre jours de marche d’ici, et elle n’abrite que quatre cents bons guerriers. Ça ne sera pas assez pour affronter Sermombre, loin s’en faut. (Fallion se tourna vers un des éclaireurs, le garçon qui l’avait prévenu que l’ennemi arrivait.) À ton avis, à combien d’adversaires avons-nous affaire ?
— J’ai vu vingt navires, des gros, et des tas de canots. Je pense que chacun d’eux pouvait contenir mille hommes.
Fallion savait que les autochtones ne parviendraient pas à repousser des envahisseurs si nombreux. Tous les habitants de l’île n’étaient pas des Gwardeens. La plupart d’entre eux étaient de simples fermiers. Certes, ils descendaient de hors-la-loi, et c’étaient des hommes rudes, mais pas nécessairement des combattants.
— Même si quelqu’un pouvait venir à notre secours, il lui faudrait une bonne semaine pour nous rejoindre, calcula Fallion.
— Mon père m’a dit qu’il existait dix mille Gwardeens, déclara une fillette de huit ans comme si c’était un chiffre phénoménal, une horde inimaginable dont l’évocation seule pourrait mettre l’ennemi en fuite.
De toute évidence, elle n’avait pas bien écouté le rapport de l’éclaireur.
— Oui, acquiesça Fallion, mais ils sont éparpillés à travers le territoire. Il nous faudrait une année entière pour les rassembler tous. Donc, nous ne pouvons pas compter sur eux. Nous n’avons pas de provisions. Nous ne tiendrons pas un an.
— Il y a autre chose, intervint Jaz. Des Éclats m’ont tiré dessus pendant que je volais pour vous rejoindre. Une de leurs flèches s’est plantée dans l’aile de mon graak. Ils se dissimulent parmi les arbres le long du fleuve, et ils guettent les cavaliers du ciel. Si l’un de nous sortait pour chercher à manger, il risquerait de se faire repérer.
Comme pour donner plus de poids à ses propos, un battement d’ailes résonna à l’entrée de la caverne, et un graak croassa pour annoncer sa présence. Un autre cavalier du ciel venait de se poser.
Fallion prit mentalement note d’examiner la blessure du graak de Jaz. Si la membrane était déchirée, elle risquait de s’infecter. Il faudrait la recoudre et laisser l’animal se reposer quelques jours.
— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda la fille la plus âgée. Tout le monde sait qu’il faut venir ici. Des cavaliers pourraient arriver toute la nuit.
Et si tout le monde sait qu’il faut venir ici, ce n’est pas une bonne cachette, songea Fallion.
Il se demanda s’ils ne devraient pas s’enfuir – se rendre d’abord à la Citadelle des Étendues Infernales et, de là, s’enfoncer plus avant dans les terres.
Mais même ce plan très simple n’était pas sans danger. En quittant l’Antre de la Reine Toth, ils risquaient de révéler leur position. Or, Fallion souhaitait la tenir aussi secrète que possible, car la valeur stratégique de cette cache était considérable.
Et puis, quel genre de vie mènerions-nous en tant que fugitifs ? Nous ne résoudrions rien. Waggit lui avait toujours recommandé de ne pas fuir les problèmes, mais de courir plutôt vers les solutions.
— Je veux une sentinelle à l’entrée pour cette nuit, et une autre une lieue plus bas dans le canyon, décréta-t-il. Si les éclaireurs de Sermombre tentent de monter jusqu’ici, j’entends être prévenu assez tôt pour pouvoir réagir. Selon leur nombre, nous choisirons de les affronter ou de leur abandonner les lieux.
— Et ensuite ? demanda quelqu’un. Nous ne pouvons pas rester éternellement ici sans rien à manger.
— On pourrait peut-être les éliminer en leur laissant tomber des pierres sur la tête, suggéra un garçon.
Fallion doutait qu’une telle attaque fasse beaucoup de dégâts, mais ce fut Denorra qui protesta le premier.
— On arriverait peut-être à tuer deux ou trois golaths en leur fendant le crâne, mais à quoi ça nous servirait ? Ça m’étonnerait beaucoup qu’on puisse avoir Sermombre. Si on se montrait, les autres se lanceraient à notre poursuite, et ils ne tarderaient pas à tous nous massacrer.
— Il existe d’autres moyens de se battre, suggéra Jaz.
Du menton, il désigna le sac de cuir posé sur le sol, celui qui contenait les forceps. Aux yeux des enfants, ces derniers marquaient le rang de Fallion bien davantage que sa chevalière, car qu’est-ce qu’un roi sans Dons ?
— Il est peut-être temps, dit Jaz en dévisageant son frère.
— Milord, je vous céderai un attribut, offrit Valya.
— Moi aussi, renchérit Jaz.
Fallion les regarda, le cœur si gros qu’il lui sembla qu’il allait exploser.
— Je refuse de prendre des attributs aux gens que j’aime, répliqua-t-il. Et puis, nous n’avons pas d’officiant. Nous devons trouver un autre moyen.
— Nous tenons peut-être une chance de frapper les Dédiés de Sermombre, avança Valya. Elle vient juste de piller une ville. Ce soir, elle va prendre des Dons et envoyer ses nouveaux Dédiés dans son donjon. Nous savons que par le passé, elle les faisait partir de Syndyllian en direction de l’est. Il est vraisemblable qu’elle les cache ici à Landesfallen, ou sur une île voisine. Il nous suffirait de suivre son navire. Nous pourrions faire une sortie en force et le chercher cette nuit.
Fallion se demanda si ça avait une chance de marcher.
Les autres enfants le dévisageaient, pleins d’espoir.
— Ce sera toujours mieux que rester assis sur notre séant en attendant de crever de faim ou de nous faire débusquer par l’ennemi, fit remarquer Denorra.
Se pouvait-il vraiment que ce soit si facile – monter ce vieux Vankriss jusqu’à l’endroit où Sermombre cachait ses Dédiés, et éliminer ceux-ci en même temps que leurs gardes ?
Mais Fallion n’avait pas d’armée pour attaquer le donjon de son ennemie, ou du moins, pas d’armée dont il soit prêt à risquer la vie. Il n’était pas question qu’il envoie des enfants au combat. Il ne pouvait compter que sur la force de ses propres bras, et il doutait que cela suffise.
Mais je m’entraîne en vue de cette bataille depuis ma plus tendre enfance, songea-t-il. Son expertise martiale était bien supérieure à ce que son âge et sa taille laissaient supposer. Et c’était sans compter le feu caché en lui, prêt à flamboyer.
Pourtant, Fallion n’avait pas de Dons, et il savait qu’en mettant le plan de Valya à exécution, il s’exposerait à un grand danger.
Je suis capable de trouver ses Dédiés. Je suis capable de les éliminer, se dit-il pour s’encourager. Après ça, tuer Sermombre elle-même ne serait pas difficile. Fallion connaissait une douzaine de bons guerriers qui pourraient y arriver.
Il ne lui restait qu’à saisir cette opportunité.
Jamais encore le jeune homme n’avait pris une vie humaine, et il n’était pas pressé de commencer. Mais il se souvenait des conseils du capitaine Stalker : le moment venu d’étriper quelqu’un, inutile de se lamenter, de proférer des menaces ou de s’excuser – il faut juste agir vite et sans bruit.
« C’est le genre d’homme que je veux que tu sois », avait dit Stalker. Fallion n’était pas sûr que ce soit une bonne idée, mais tous les autres choix qui s’offraient à lui étaient pires encore. Cette décision était la seule qu’il pouvait prendre.