Dante
Le 31 octobre 1871, période dramatique de l'histoire de France, Victor Hugo écrit une lettre ouverte aux rédacteurs du journal Le Rappel : « Le journal, comme l'écrivain, a deux fonctions, la fonction politique, la fonction littéraire. Les deux fonctions, au fond, n'en sont qu'une ; car sans littérature, pas de politique. On ne fait pas de révolutions avec du mauvais style. C'est parce qu'ils sont de grands écrivains que Juvénal assainit Rome et que Dante féconde Florence. »
Tout récemment, répondant à la question « Pourquoi dites-vous que la littérature engagée est un des fléaux de la littérature du XXe siècle ? », le Prix Nobel 2000, Gao Xingjian, déclare : « La littérature ne doit être au service ni d'un pouvoir ni d'un système de valeurs, et il y a toujours eu des écrivains, Dante pour n'en citer qu'un, qui se sont révoltés contre ça. C'est l'indépendance même de la littérature qui fait sa valeur. Le message le plus important que je veux transmettre dans mon discours de Stockholm, c'est que la littérature permet d'affirmer la volonté d'indépendance de l'individu. »
Étrange comme le nom de Dante vient naturellement sous la plume de Hugo vers la fin du XIXe siècle, et dans les propos d'un Chinois exilé, naturalisé français et nobélisé, à la fin du XXe siècle. Un poète du début du XIVe siècle peut donc service d'exemple au début du XXIe ? Dans un nouveau grand tournant du temps ? Si oui, pourquoi ? La leçon principale est que l'individu, et lui seul, est plus important que tous les pouvoirs et les entraînements collectifs. D'un côté l'enfer de masse, de l'autre le salut personnel.
31/12/2000