21 avril

La gauche française a subi, il y a un an, un syndrome respiratoire aigu sévère. Elle essaie de reprendre son souffle, elle peine, elle ne sait pas trop quoi dire, elle suit Chirac sur l'Irak, elle est antiaméricaine, se défend d'être antisémite, elle peut rêver d'un mai syndical, et puis quoi ? Jospin parle, il ne parle pas vraiment, explique qu'il ne reviendra pas et qu'il reviendra pour le dire, se définit comme un « homme libre », mais comment peut-on être un homme libre si on reste militant d'un parti ? Vous préférez vraiment Poutine à Blair ? Raffarin en Chine vous étonne ? Sarkozy se faisant huer au sujet du voile vous paraît, à juste titre, courageux ? Vous rêvez au bon temps des caisses noires tournantes d'Elf, aux évaporations des opérations, au divorce de Le Floch-Prigent supervisé par Mitterrand, trente-deux millions de francs pour le silence de Fatima, une histoire d'amour exemplaire ? Autant assister, une fois de plus, au show obscène de Le Pen, qui vient de fonder le LPPF, Le Pen-Père-et-Fille. Cette pente du père à la fille est en train de prendre un tour grotesque : après Mazarine, Marine. Après la brune pétrifiée, nigaude et pseudo-philosophe, la blonde épagneule bouffie. Vous me direz qu'on progresse dans la légitimité, de la fille cachée, puis dévoilée, à la fille moderne officielle. Mazarine, Marine, ça rime. Ce qui persiste est quand même une forme spéciale de sénilité. Mon père, mon tonton, mon Dieu, ma grenouille, mon grand-père, ma grand-mère, ma fille, ma Jeanne d'Arc, ma France, mon clocher, ma république, ma force tranquille, mon Poitou, ma mairie, mon Debray, mon Ferry. À propos du dernier livre de Milan Kundera, L'Ignorance, on pouvait lire récemment, dans un magazine branché, sous la plume d'un critique hyperbranché, la perle suivante : « La rencontre amoureuse est ratée, mais au sens où tous les amours le sont, puisque aucun ne nous libérera de nous-mêmes. » Puisqu'on vous le dit.

27/04/2003