Académie
On me dit, mais c'est probablement une méchante rumeur, que les Éditions de Minuit vont ajouter une plaque sur leur immeuble rédigée ainsi : « Académie française, section d'avant-garde ». La décision aurait été prise après l'élection triomphale d'Alain Robbe-Grillet. Comment ne pas se réjouir de cette percée du « nouveau roman » au cœur d'une institution aussi prestigieuse ? On me dit que Racine n'en revient pas, mais je n'en crois rien. Comme l'a dit Jean d'Ormesson dans une formule percutante dont il a le secret, publiée dans Le Figaro : « Il n'y a plus d'improbable puisqu'il n'y a plus d'impossible. » Forte maxime, digne de M. de Norpois dans La Recherche du temps perdu.
J'entendais l'autre jour le sympathique Pierre-Jean Rémy, de l'Académie française, avouer ingénument à la radio qu'il avait de « grosses lacunes ». Ainsi, disait-il, « je n'ai jamais lu la marquise de Sévigné ni le duc de Saint-Simon ». Qu'importe, il n'est pas le seul, et il n'est jamais trop tard pour s'y mettre. Robbe-Grillet vient bien d'ouvrir pour la première fois les Mémoires du cardinal de Retz.
Non sans la désinvolture qui lui est propre, un certain Guy Debord disait déjà, il n'y a pas si longtemps : « La décadence générale est un moyen au service de la servitude ; et c'est seulement en tant qu'elle est ce moyen qu'il lui est permis de se faire appeler progrès. » Sur quoi, Le Nouvel Observateur publie un article intitulé : « Peut-on critiquer Guy Debord ? » Mais comment donc, c'est même urgent, surtout de la part de ceux qui ont jugé préférable de ne pas le lire.
25/04/2004