Condi
Ce qui est beau, dans la réélection de Bush, c'est le sourire impérial de la foi évangélique. Vous doutiez de l'existence de Dieu, vous aviez tort. Il est là, il s'est incarné dans ce petit bonhomme d'acier qui prétend contrôler la planète entière. Mais il y a plus beau encore : la figure de Condoleezza Rice, « Condi ».
Bush embrasse sur les deux joues cette mince et étrange femme pour laquelle il est tout, père, frère, mari, amant imaginaire, loi, ordre, sécurité, progrès, prophète inspiré, pureté, vérité, surhumanité. Elle est noire, elle est belle, elle a cinquante ans, elle est célibataire, sans enfants, sans liaison connue, entièrement dévouée, jour et nuit, à la nouvelle croisade contre le mal. « Dame de fer », à son sujet, paraît faible. C'est une extraterrestre, un laser. Bush qui, pourtant, n'est pas catholique, a trouvé là sa Vierge noire immaculée. Attention, elle peut jouer du piano, pas du Haydn ou du Mozart, non, ni du jazz, mais du Brahms (on voit ses beaux bras romantiques surplombant un clavier, avec le violoncelliste Yo-Yo Ma, lors d'un concert, en 2002, à Washington).
Condoleezza, son prénom, lui a été donné par sa mère à partir de l'expression italienne con dolcezza, avec douceur. Rice veut dire riz, elle s'appelle donc « Riz avec douceur ». Voilà sa nature profonde, au-delà du secrétariat d'État et du ministère des Affaires étrangères. Elle fait la guerre, pas l'amour, on sent qu'elle a pris pour modèle définitif sa spécialité, l'étude du monde communiste ancien (c'est une très brillante soviétologue). Un journaliste américain la décrit ainsi : « Rice, non seulement croit en elle, mais elle croit en la foi en tant que force capable de tout balayer. Le doute, l'ambiguïté et la prudence ne font tout simplement pas partie du paysage. »
Si on regarde trop ses jambes, elle tire immédiatement sur sa jupe. Elle n'aime pas ce genre d'équivoque française. C'est elle qui a décidé de « punir les Français », à cause de leur peu d'enthousiasme pour la guerre en Irak. Être puni par Condi, je dois l'avouer, peut provoquer un rapide fantasme masochiste. Puni avec une certaine douceur, s'entend. Comme j'apprends à l'instant qu'elle vient de subir une petite intervention chirurgicale (fibrome dans l'utérus, tumeur bénigne), j'ai très envie de lui proposer une franche explication, tout en douceur, lors d'un week-end à Venise. Je lui fredonnerai du Brahms. Je choisirai moi-même son risotto. Pas un seul photographe, bien entendu. Discrétion absolue. Une convalescence de rêve. Notre rapprochement avec les États-Unis est à ce prix.
28/11/2004