Pape II

Et maintenant ça continue. Conclave, cardinaux, agitation rouge et blanche, conciliabules, enfermement dans la chapelle Sixtine avec le Saint-Esprit (et toujours Michel-Ange en inspirateur). Que va-t-il se passer ? Est-ce que nous sommes bien dans la fantasmagorie du Da Vinci Code ou dans Anges et Démons du best-seller kitsch Dan Brown ? Quelle fumée va sortir par la cheminée ? Une conservatrice ou une progressiste ? Aura-t-on enfin un pape marié, ou, mieux, ouvertement homosexuel, ordonnant des femmes par milliers, des préservatifs plein les mains ? Un pape contraceptionniste vantant l'avortement et, pourquoi pas, l'utérus artificiel ? Un pape anticapitaliste, socialiste, révolutionnaire, près des pauvres, et vendant toutes les richesses enfouies dans les caves du Vatican ? Suspense.

Et, brusquement, l'épouvante : c'est Ratzinger, un Allemand, surnommé le « Panzercardinal ». Libération, qui, avec une exquise délicatesse, avait titré sur la mort de Jean-Paul II « La messe est dite », titre cette fois « Un pape en arrière ». Cette Église catholique et romaine, c'est un fait, n'avance pas. Elle se ferme, elle se bute, elle régresse. Elle est sourde à tous les appels qui montent vers elle, elle méprise la société, elle ne tient aucun compte, encore une fois, de la sexualité et de ses problèmes.

C'est une machine célibataire excluant les femmes, une officine obscurantiste qui ne veut pas voir à quel point nous avons rendu la sexualité attrayante à coups de cinéma, de publicité, de récits tragiques, d'embarras psychologiques incessants, de drames vécus, d'acrobaties diverses comme celle d'Édouard Stern et de Cécile Brossard, les criminels du jour. Ratzinger, le plus conservateur des conservateurs, est intelligent et cultivé, soit, mais quelle importance ? Est-ce qu'il ne lit pas en cachette les œuvres du penseur nazi Heidegger ? Moi, ça ne m'étonnerait pas outre mesure.

Ratzinger ! A-t-on idée ? Et le voici, cet Allemand, succédant au trône de Pierre après un Polonais, quelle obstination dans l'erreur. Un Africain, un Sud-Américain, un Indien auraient mieux fait l'affaire. Une Église un peu exotique et populaire serait de meilleur aloi. De plus, ce Ratzinger se fait immédiatement appeler Benoît XVI. Il y a donc eu quinze papes appelés Benoît avant lui ? Comme des Louis pour Louis XVI ? Cette brusque avalanche de siècles m'effraie.

Benoît XV, je connais un peu, c'est lui qui a essayé sans succès d'empêcher la boucherie de 1914-1918. J'ai vaguement entendu parler de Benoît XIV, au XVIIIe siècle, à qui Voltaire (Voltaire !) a dédié sa pièce injouable aujourd'hui, Mahomet. Mais du diable si je sais exactement qui est saint Benoît, fondateur des bénédictins, quelque part au VIe siècle, lequel, après avoir échappé à un empoisonnement féminin, a été décrété, en 1958, « père de l'Europe et patron de l'Occident ». Tiens, Ratzinger-Benoît XVI viendrait de voter européen ? En pleine crise française à ce sujet ? C'est probable.

30/04/2005