Crise

Et c'est Emmanuel Todd qui fait l'analyse la plus lucide : « Une catastrophe naturelle sur le territoire national confronte un pays à sa nature profonde, à sa capacité de réaction technique et sociale. Or, si la population américaine s'entend fort bien à consommer – le taux d'épargne des ménages étant d'ailleurs quasiment nul –, en termes de production matérielle, de prévention et de planification à long terme, elle s'avère catastrophique. Le cyclone a montré les limites d'une économie virtuelle identifiant le monde à un vaste jeu vidéo. »

Et ceci, plus incisif : « Le néoconservatisme américain n'est pas seul en cause. Ce qui me semble le plus frappant, c'est la manière dont cette Amérique, incarnant le contraire absolu de l'Union soviétique, est sur le point de produire la même catastrophe par un chemin opposé. Le communisme, dans sa folie, prétendait que la société était tout et que l'individu n'était rien, base idéologique qui causa sa propre ruine. Aujourd'hui, les États-Unis nous assurent, avec une foi de charbonnier aussi intense que celle de Staline, que l'individu est tout, que le marché suffit et que l'État est haïssable. »

« L'intensité de la fixation idéologique est tout à fait comparable au délire communiste… C'est toute la société américaine qui semble lancée dans une politique du scorpion, système malade qui finit par s'injecter son propre venin. Une telle conduite n'est pas rationnelle, mais elle ne contredit pas pour autant la logique de l'Histoire. Les générations d'après guerre ont perdu l'habitude du tragique et du spectacle de systèmes s'autodétruisant. Mais la réalité empirique de l'histoire humaine, c'est qu'elle n'est pas raisonnable. »

25/09/2005