Franc

Cette fois, c'est fini : les billets imprimés en francs ne sont plus échangeables à la Banque de France. Une queue interminable, le dernier jour, se pressait devant les guichets. Les collectionneurs prennent le relais. J'apprends que le Debussy (avec un peu de mer sur la gauche) est très rare et très recherché. Ces billets, on s'en souvient, étaient une impressionnante collection de visages en couleurs, avec une majorité de grands écrivains. Je revois ainsi Victor Hugo, Racine, Corneille, Molière (cinq cents francs), et l'un de mes préférés, Quentin de La Tour (cinquante francs). Je rêve encore du Delacroix (cent francs) reproduisant un tableau qu'il vaut mieux oublier, La Liberté guidant le peuple. J'avoue avoir eu un faible pour Montesquieu (deux cents francs) et, plus intimement, pour Pascal (cinq cents francs). Le Cézanne, tardif (cent francs), aura été l'avant-dernier billet en peinture (il serait très surpris, Cézanne, de savoir qu'une version de ses Joueurs de cartes a été achetée, à prix d'or, par le Qatar). Avant d'entrer au Panthéon, Marie Curie a été la première femme à valoir cinq cents francs, et à clore ainsi, de façon atomique et féministe, cette liste fantastique renvoyée au cimetière de l'Histoire. Marie Curie, à cinq cents francs, a pris la place de Pascal (j'en ai gardé trois, leur prix de collection va monter sous peu). Le billet inoubliable est quand même celui de Voltaire (dix francs seulement, mais quelle allure !).

Ah, si l'euro coule, rendez-nous Voltaire ! L'association Voltaire à Ferney vient de fêter le deux cent cinquantième anniversaire de ce lieu rendu célèbre par la présence de ce dérangeur universel. Je reçois ainsi la plus belle récompense de ma vie : une carte de membre d'honneur. Le 22 juillet 1761, Voltaire écrit à Mme du Deffand cette phrase extraordinaire : « Quand je vous aurai bien répété que la vie est un enfant qu'il faut bercer jusqu'à ce qu'il s'endorme, j'aurai dit tout ce que je sais. »

04/03/2012