Abîmes

Désastre humain : le jeune possédé de Toulouse abat froidement, et à bout portant, des enfants juifs, il filme ses assassinats, il meurt en martyr. Il y a des crimes qui sont des abîmes, celui-là en est un. Comme quoi le Mal, pour l'appeler par son nom avec une majuscule, est toujours plus profond que ne le croient les gentils humanistes. Mais il y a aussi des désastres naturels et techniques, comme celui de Fukushima. Aucun reportage ne peut donner le sentiment intime de cette catastrophe. Pour cela, il faut un écrivain véritable, Michaël Ferrier230 :

« La pluie tombe, mais ce n'est plus la pluie, le vent souffle, mais ce n'est plus le vent : il porte avec lui le césium et le pollen, des bouffées de toxines et non des parfums. La mer, tout en continuant à rugir, devient muette de terreur. Elle dilue autant qu'elle peut ces résidus mortifères. Le jour est inhabitable. La nuit s'installe et n'apporte pas l'oubli, juste la crainte de nouveaux rêves, plus sombres et plus fétides à chaque fois. L'horreur est une atmosphère : particules perdues, nuages poudreux, rayonnements douteux. Nous en sommes arrivés – ou revenus – au stade météorologique de notre histoire : nous confions notre destin au vent, aux vagues. »

Et aussi : « La demi-vie n'est pas une moitié de vie. Techniquement, c'est un cycle de désintégration. Les déchets et les produits de l'industrie nucléaire mettent un certain temps à se désintégrer, temps pendant lequel ils demeurent nocifs. La demi-vie est la période au terme de laquelle un de ces produits aura perdu la moitié de son efficacité ou de son danger. Cela peut se compter en jours, en années, en siècles ou en millénaires. »

01/04/2012