(1; M. de Lusace, du 2 au 15 août. (D. G., 3559, 65.)
Le premier mouvement des ennemis sur Eimbeck, les avis d'un renfort de 8,000 Anglais y arrivant le H, l'éloignement où la réserve se trouvait de l'armée, enfin le succès de l'entreprise sur le détachement de Saint-Victor, obligé de se replier avec perte des bords du Wéser, tous ces motifs avaient déterminé le comte de Lusace à prendre une position plus rapprochée des débouchés de la Werra.
La réserve mise en marche, le IJ au soir, arriva le 12, de grand matin, à Tmbsen, jointe par 2 brigades d'infanterie que le maréchal lui envoya. Les troupes légères se replièrent sur Varlohsen et Ober-Schede, et des détachements furent envoyés à Witzenhausen où avaient paru des hussards ennemis. M. de Saint-Victor, attaqué, avait dû abandonner Sabbaburg; mais d'un autre côté, malgré les obstacles, M. de Stainville amena Ziegenhain à capituler. Le 10, à 6 heures du soir, les Hessois et les officiers de la garnison se rendirent prisonniers de guerre. On y trouva des canons et un magasin assez considérable de farine. Cette prise devait marquer l'époque de la mise à exécution du mouvement projeté par le maréchal; mais comme les pluies continuelles survenues depuis quinze jours avaient mis les chemins dans un tel état, qu'il était difficile de remuer l'armée entière, le maréchal dut simplement mouvoir des troupes détachées pour inquiéter quelques-uns des postes ennemis sur la Diemel et leur laisser supposer une attaque le lendemain.
La réserve de M. de Muy avait marché, le 21, d'Herlinghausen h Nieder-Elsungen, près de la gauche de l'armée, et arriva, le 22, dans les bois de Wilhelmstadt, ayant la droite derrière le village de Monchehof et la gauche à l'escarpement de Velmar. Les troupes légères occupèrent le château de Sabbaburg, Udenhausen, Grebens-tein, Calden, Dornberg, et M. de Saint-Victor continua d'éclairer la forêt et le Wéser. Le quartier du général de Muy fut établi à Heckershausen.
Le 22, M. le maréchal donne un mouvement général à l'armée; elle marche sur sept colonnes et campe, sa droite à Mariendorf, sa gauche à Hohenkirchen. M. de Saint-Victor, avec son avant-garde, se poste à Uchenhausen, renforcé des hussards de Turpin ; M. le prince de Robecq à Grebenstein, les hussards de Berchiny à Elsen, et les Fischer à Dornberg. Le comte de Lusace s'étant avancé dès le 21 à Meensen, les troupes légères de sa droite rentrèrent à Gottingen; il en avait poussé d'autres en avant de sa gauche
jusqu'à Oedelsheim. La réserve de M. de Muy, qui avait fait un mouvement, le 21, pour se porter entre Nieder-Elsungen et Ehringen, avança, le 22, sa droite à Hohenkirchen et sa gauche à Yelmar, en échangeant quelques coups de fusil tirés à nos arrière-gardes. Les 2 régiments de Royal et de Thianges-dragons et les Fischer, restés du côté d'Ober-Elsungen aux ordres de M. Travers, pour observer les mouvements des ennemis dans celte partie, furent attaqués vers le soir par 10 E. soutenus d'infanterie. Le duc de Fronsac, qui commandait nos dragons, secondé par MM. de Thianges et de la Blache, chargea plusieurs fois les ennemis vigoureusement, malgré leur supériorité, et les repoussa (1).
Le 23, M. le maréchal eut avis que les ennemis tenaient toujours leur position de Warburg, et que M. le prince héréditaire, venu à Breuna, établissait des postes jusqu'à Zierenberg, Sur ces nouvelles, M. le maréchal se rendit à la réserve de la gauche, où il vit par lui-même l'état des choses. L'armée ennemie ne fit aucun mouvement; on assurait qu'aucune troupe ne se présentait vers le Wéser et que le prince Ferdinand était toujours à Warburg. De tous les partis que ce prince pouvait prendre, celui de rester dans sa position était le plus contraire aux projets du maréchal, parce qu'il se voyait ainsi forcé de tenir la plus grande partie de ses forces sur la rive gauche de la Fulda pour garder la communication de Cassel.
Pour ne pas dégarnir trop promptement la Hesse et se mettre en même temps en force du côté du Hanovre, dans la soirée du 24, 4 brigades d'infanterie, 3 de cavalerie et 12 pièces, aux ordres du prince de Groy, rejoignent M. de Lusace, afin de le mettre en état de marcher sur le camp d'Uslar, Le maréchal, apprenant au même moment que l'armée ennemie s'avançait par la gauche et que le prince Ferdinand portait son quartier général à Breuna, envoie de l'infanterie et de la cavalerie au château de Sabbaburg pour soutenir M. de Closen et M. de Saint-Victor. Le lendemain, ce détachement est remplacé par la brigade de Royal-Suédois.
M. de Groy, après avoir marché toute la nuit, arriva dans la matinée du 25 à Imbsen, et M. de Lusace fit toutes ses dispositions pour attaquer la nuit suivante; mais une pluie abondante et conti-
(1; D. G., 3ô9'i.
nuelle, la difficulté des chemins et l'éloignement de six lieues qu'il y avait d'Imbsenà Uslar l'obligèrent à abandonner ce projet, et il se contenta de revenir, le 26, à son ancien camp d'Esbeck. M. de Vogué couvrit son flanc gauche, et, après avoir chassé les ennemis d'A-delepsen, on borda le ruisseau de ce nom. Ainsi M. de Lusace se trouvait de nouveau maître du bassin de Gottingen. M. de Croy resta à Ellernhausen, pour couvrir les débouchés de Munden et faire face aux troupes de Wangenheim et de Luckner, dont il était séparé par des bois.
Indépendamment du projet d'attaque sur Uslar, le maréchal avait espéré que la marche du prince de Croy engagerait le prince Ferdinand à se décider. Pendant que le maréchal (1) s'occupait de terminer la campagne, une partie de l'armée fit quelques mouvements qui amenèrent l'évacuation de Zierenberg, occupé par nos troupes. Dans la position générale que l'armée avait prise, le 22, à Immenhausen, Zierenberg ne fut point occupé. On porta seulement des troupes légères à Dornberg, et des B. de chasseurs sur la montagne de Goltersberg, qui en est voisine. Le maréchal, résolu de faire attaquer le 30 août, par le prince de Condé, avec les volontaires de Clermont et de Dauphiné, et les grenadiers et chasseurs de l'armée, Zierenberg et les postes derrière cette ville, envoya ordre à M. de Muy de changer la position de sa réserve pour en approcher la gauche de Dornberg, en portant les 2 régiments de dragons dans la plaine derrière Dornberg, 4 brigades d'infanterie et 3 de cavalerie entre Dornberg et Weimar, la cavalerie à droite et l'infanterie à gauche, 1 brigade d'infanterie et 1 de cavalerie à Monchehof, et 1 brigade d'infanterie dans le village de Weimar. Ces dispositions furent exécutées; mais on n'attaqua point Zierenberg, parce que les ennemis se retirèren tsur le camp de Dreuna, oh était M. le prince héréditaire. Le prince de Gondé plaça, suivant les ordres de M. le maréchal de Broglie, les volontaires de Clermont et ceux de Dauphiné à Zierenberg, le B. de Turpin à Boden-hausen, et M. de Muy envoya le détachement de Fischer à Burgha-sungen. Telle était la position des troupes légères à la gauche de la
(1) On ne trouve dans la correspondance du maréchal aucun renseignement sur la position générale de l'ennemi après sa retraite de Cassel. Le prince Ferdinand avait passé le Diemel avec la plus grande partie de ses troupes, ayant son quartier général à Geismar, sur la route de Frankenberg à Frankenau.
réserve, lorsqu'un détachement ennemi, parti de Breuna (3 régiments de cavalerie anglaise et 3 B.) arriva le 6, à deux heures du malin, aux postes de Zierenberg, sans que les postes extérieurs de M. de Nortman en fussent avertis. L'ennemi entra pêle-mêle avec nos soldats dans la ville, et nous perdîmes tout l'état-major des volontaires de Glermont, 25 officiers, plus 400 hommes environ. M. de Viomesnil, en chargeant l'ennemi, sauva le reste. M. de Nortman avait été pris.
Le maréchal de Broglie se montra très courroucé de cette affaire. Il écrivait, le 26 septembre, au maréchal de Belle-Isle :
« M. de Nortman est dans le cas de tout homme surpris, et par conséquent condamnable. Il ne devait pas même avoir la nuit ses troupes dans Zierenberg, et surtout sa cavalerie ; mais il est certain aussi qu'il a été malheureux; ses postes avancés n'ont pas fait leur devoir; il était de sa personne si alerte, qu'au premier coup de fusil il a été à cheval et que toutes ses troupes étaient habillées, et qu'aucun soldat ni officier n'a été pris en chemise. A l'égard de l'affaire de M. de Wurtemberg de l'année dernière, vous avez vu qu'il a produit la justification la plus complète et le témoignage le plus honorable. Je dois ajouter à cela qu'il a servi avec la plus grande vigilance, l'année dernière, dans le poste de Weilburg, où je l'avais placé, et qu'il a rendu, au commencement de la campagne, les services les plus importants. M. de Nortman est d'ailleurs un brave et ancien officier, dont les services passés semblent mériter l'indulgence pour cette dernière faute.
a Je ne vous en dirai pas autant de M. Decamp, capitaine de Rau-grave. Il a été averti à temps par M. de Beaupréau; il s'est laissé prendre dans Butzbach, ayant avec lui 2 compagnies; c'est d'ailleurs un sujet très médiocre, pour ne pas dire pis : un exemple ne peut jamais, je crois, être fait plus à propos, et il me semble même nécessaire, ainsi que d'annoncer, de la part du roi, que dorénavant tout officier surpris sera cassé, et ne pourra jamais rentrer au service.
« M. de Saint-Pern a passé une revue des volontaires de Dauphiné et de Gl^ïhiont, et il a dû vous l'adresser. 11 en a formé 400 hommes à pied et 200 à cheval, que j'ai gardés à l'armée sous M. de Viome-nil; le reste a été envoyé de l'autre côté du Rhin. 11 est sûr qu'avec de l'argent ils seront bientôt réparés, et quant aux officiers, si on
ne peut les faire échanger, il sera indispensable d'en nommer d'autres ; il semble même qu'il est nécessaire de prendre ce parti plus tôt que plus tard, afin d'accélérer le rétablissement de ces deux corps, qui, avec de l'argent, peut être très prochain. »
Le 11 septembre, le maréchal, sur la nouvelle qu'un corps ennemi se portait sur Marburg, arrive à Martinhagen, oij était la réserve du comte de Stainville et lui ordonne de se porter tout de suite à Freienhagen, où il arriva dans la nuit du 12. Le 13, à la pointe du jour, la division est en marche sur Frankenberg; au village de Radern, elle se trouve en face du corps ennemi, séparée par un bois et un petit ruisseau qui se jette dans l'Edder. M. de Stainville, par sa position, renforce sa gauche des 2 B. de Bouillon, qu'il place au château de Lichtenfels. Vers 10 heures, le combat s'engage. M. deScey, commandant labrigade du Roi, M. de Melfort, avec la légion Royale, donnent à plein collier. Quoique la montagne occupée par les ennemis fût très escarpée, Auvergne l'emporte au pas de course. MM. de Fersen et de Bulow sont tués dans une charge des dragons, au milieu de beaucoup d'officiers et de soldats. MM. de Montrond, capitaine des hussards de la légion, du Chayla, aide-major du régiment du Roi, ainsi que plusieurs officiers, quoique blessés, se distinguèrent dans cette action. Les dragons de la légion, les grenadiers et chasseurs de la division, les brigades du Roi, d'Auvergne, de Bouillon et Royal-Pologne s'avancèrent, poursuivant l'ennemi jusqu'au village de Neukirchen, près de Sachsenberg, presque jusqu'à Hallenberg. A l'approche de la nuit, qui mit fin à celte journée, M. de Stainville s'empara de ■400 prisonniers, de 8 pièces et de bagages considérables. (D. G., 3594.)
Il avait été décidé que l'armée resterait dans sa position jusqu'à l'épuisement des fourrages, quand, le 13 septembre, elle commença le mouvement projeté et s'établit à la droite de Cassel, la gauche vers la Cascade. Après sa brillante expédition, M. de Stainville, instruit par M. de Rochambeau de la marche du prince héréditaire, elvoulantsemetlre en sûreté pour faire reposer ses troupes, se retira, le iA, surBerleburg et, le 15, sur AUendorf. Depuis son mouvement rétrograde vers Cassel, l'armée, divisée en six corps, indépendamment de celui de M. de Stainville, avait sa droite appuyée à la Leine, à hauteur de Friedland, et sa gauche s'étendait jusqu'à Martinhagen, formant une ligne d'environ douze lieues à cheval sur
T. V. 6
les deux rivières, sans compter les troupes employés aux communications (1). La place de Gassel se trouvait ainsi à couvert; mais sa conservation, à laquelle le roi paraissait extrêmement intéressé, dépendait des approvisionnemenls d'hiver.
Le maréchal de Belle-hle au maréchal de Broglie.
« Paris, 13 septembre.
« J'ai lu, hier au soir, votre dernier mémoire du 6 septembre au roi dans son conseil. S. M. a vu avec bien de la peine que vous ne vous trouviez plus en état d'exécuter le troisième parti auquel vous vous étiez déterminé dans votre mémoire du 31 août. Vous dites qu'après avoir été examiner avec la plus grande attention la position que vous pourriez faire prendre à l'armée, vous avez trouvé qu'il y aurait trop de danger, etc., etc.
« Vous conviendrez, je crois, d'après cet exposé de votre mémoire, que, pour peu que l'on réfléchisse, coumie il est de mon devoir de le faire, l'on en doit conclure que vous ne tiendrez point Gassel cet hiver. J'en suis d'autant plus affligé que nous avions au moins (lu compter que ce serait le succès d'une campagne que vous avez commencée d'une manière très brillante. )>
Le maréchal savait qu'un des moyens de subsister longtemps dans sa position consistait à tirer ses fourrages de l'autre côté de la Werra, de l'Eyffel et des pays de Gotha et d'Eisenach (2), et que, pour y parvenir, il devenait nécessaire de renforcer la droite
(1) Position de l'année, le 17 septembre. — Réserve de droile (M. deLusace), entre GoUingen et Friedland, la gauche à Wilzenhausen, 25 B., 44 E.; corps d'armée, à Cassel et environs, 58 B., 28E.; réserve de gauclie (M. de Muy), à Wah-lershausen sur la gauche de l'armée, 20B., 20 E.; corps de Fischer et volontaires de Saint-Viclor; division du prince de Croy, bordant la Werra et la Fulda, de Hedemunden à Spickersiiagcn, 18 B.; division du prince de Robecq, 13 E. ; division de M. de Chaho, à Brcltenibach sur lEmbs, au flanc gauche de M. de Muy, 4 B., 14 E. ; division du comte de Stainville, à Frankenberg, 10 B., 14 E. ; division de M. de Poyanncs, à Lichetenau, 18 E.; troupes distribuées pour accélérer la rentrée des fourrages: grenadiers royaux de Narbonne, 2 B.: Royal-Nassau, le Roi, volontaires de Clerinont, Dauphiaé, d'Archiac, 8E. — Total: 137 B., 159 E. (D. G., 3561, 16.)
(2) Eisenach, grand-duché de Saxe-Weimar, au confluent du Horsel et de la Xerse, dont les eaux réunies se jettent dans la Werra, branche mère du ^Yéser.
au delà de la Werra. En ce moment, M, de Wangenheim, dans les environs d'Uslar, s'avançait à Dransfeld, et, le 17 au soir, 8 B. de grenadiers et chasseurs, les grenadiers de France et Royaux, avec 24 pièces de canon, furent dirigés sur le camp de M. de Lusace.
Le J8,les Carabiniers partent pour la même destination, et le maréchal s'y rendit de sa personne le 19, avec le prince de Condé. De nouveaux renseignements laissaient supposer que M. de Wangenheim avait porté sa droite à Buhren, au lieu de Dransfeld, et sa gauche au débouché des gorges de Lewenhagen, et que le prince Ferdinand, ayant fait jeter un pont à Hemeln, avait mis en communication son camp dans les bois de Sabbaburg avec les troupes de M. de AVangenheim. Ces avis firent craindre l'impossibilité d'attaquer; néanmoins le maréchal laissa continuer la marche des troupes envoyées à la droite, tant pour faciliter davantage la rentrée des fourrages que pour imposer à l'ennemi. La longueur de la marche et les fatigues éprouvées par les troupes parties du camp de Gassel ne permirent de mettre les troupes en mouvement que le 19, à 11 heures du matin.
M. de Wangenheim s'établitsurla hauteur au-dessus de Dransfeld, sa gauche à Lewenhagen et sa droite tirant vers Buhren. Dès que les têtes de nos colonnes parurent à Dransfeld, les ennemis tentèrent de les arrêter; le maréchal poussa alors au grand trot nos 2 colonnes de cavalerie; mais comme le terrain était très raviné, elles ne purent arriver assez tôt pour empêcher la cavalerie ennemie d'entrer dans un bois situé derrière elleetque leur infanterie protégea. La deuxième colonne, dirigée par M. de Lusace, y marcha vivement. M. le général de Vaux, avec les B. de grenadiers et chasseurs des brigades de Castella et de la Marck, entra dans le bois par la gauche, tandis que3 B. de grenadiers saxons, commandés par M. de Kleingemberg, major général, y marchaient par la droite; le maréchal fit avancer en même temps 2 brigades d'artillerie. L'infanterie ennemie, s'étant enfoncée dans le bois et formée derrière son artillerie, fit un feu assez vif, auquel la nôtre répondit immédiatement. La brigadedeDiesbach,à peine arrivée, soutint les grenadiers, qui alors, de front avec les B. saxons, attaquèrent aussitôt. Il était sept heures ; la mousqueterie s'engagea très vivement et dura plus d'une heure. Les ennemis furent enfin repoussés, mais l'obscurité de la nuit empêcha de les suivre, et ils passèrent sur la rive gauche du Wéser.
Les grenadiers saxons s'emparent de 2 pièces de canon, reprises par M. de Grandmaison, avec beaucoup de prisonniers. Au bruit de notre attaque, le prince de Croy fît déboucher de Munden un détachement de Condé pour arriver, par le bord de la rivière, au pont de Hemeln et s'en emparer. M. de la Borde, lieutenant-colonel à la tête de ce détachement, l'attaqua et s'en rendit maître ; mais les ennemis étant revenus avec des forces supérieures, il ne put le conserver. Pour distrairel'attentiondes ennemis du côté du Wéser, M. de Chabo, pendant les journées du 18 et du 19, dut faire des démonstrations sur la droite, qui eurent un plein succès, car M. de Wangenheim ne marquait aucune inquiétude jusqu'au moment de l'arrivée de nos têtes de colonnes (I).
Le maréchal revint à Gassel après cette expédition, laissant à M. de Lusace ses troupes, dont une partie à Deiderode, les grenadiers de France et Royaux cantonnés à la rive gauche de la Werra, et à M. de Robecq l'ordre d'aller, le 20, à Gottingen, à Landwerhagen, et, le 27, à Northeim, afin de pousser des détachements sur Eim-beck, d'un côté, et sur Giboldehausen, de l'autre, d'enlever les baillis qui n'avaient pas obéi aux ordres de livraison des fourrages et d'en accélérer la rentrée.
Quelques jours après l'affaire du 19, M. de Wangenheim repassait le WéseràBeverungen et reprenait son camp d'Uslar;M. deLu-cknercampait devantlui àMoringen,ainsique les chasseurshessois. Des nouvelles assuraient que le prince Ferdinand avait, le 2i, fait repasser la Diemel à toutes ses troupes, et qu'un de ses corps sur les hauteurs de Meerhof près Stadlberg se dirigeait vers Munster. Alors on détache quelques troupes de cavalerie vers le bas Rhin, destinées à renforcer cette partie en raison du nombre d'ennemis qui s'y rendaient. Depuis quelque temps déjà, le maréchal avait envoyé à Dussel-
(1) Marche et composition de la réserve de droite, le {^septembre. Colonne de droite : les dragons d'Apschon et les Carabiniers à l'avant-garde. — l^^ ligne : Royal-Allemand, Dauphin-Étranger. — 2^ ligne: Orléans (cavalerie), 3 B. de grenadiers saxons à lavant-garde. — l""^ ligne : première brigade saxonne et de la Marck. — 2^ ligne : deuxième brigade saxonne et Castella. — 3« ligne : Cuirassiers, cravates et Condé. — 4* ligne : 8 B. de grenadiers, chasseurs. — Les grenadiers de France suivirent la 3" colonne, l'artillerie fut détachée à cha(iue régiment. (D. G., 35G1, 17.)
dorf et à Cologne Planta et Lochmann, et comme le roi se déterminait à envoyer 20 B, pour réparer les pertes de la campagne et mettre le bas Rhin dans une entière sécurité, M. de Muy fut désigné pour prendre le commandement de ces forces. En attendant son départ, M. de Gaslries s'y rend le 26, pour veiller à la sûreté du plat pays et, au moyen de la troupe de Fischer et de quelques garnisons, s'opposer aux partis qui voudraient y pénétrer. En ctîet, maître delà Hesse, il faisait tous ses efforts pour pousser le prince Ferdinand à passer le Wéser, à abandonner la Westphalie et à venir défendre le pays de Hanovre et celui de Brunswick. Loin de se laisser attirer de ce côté, le prince Ferdinand songea à diriger sur le maréchal une attaque, qui aurait pu devenir un échec funeste si le projet avait été exécuté plus hardiment, en donnant au prince héréditaire de Brunswick l'ordre de se présenter sur le bas Rhin et d'y assiéger Wesel. Maître de cette place, le prince Ferdinand passait le Rhin et la Meuse, et arrivait en Flandre, où les places, sans garnison, lui auraient fourni une conquête facile.
Le 28, le bruit de la marche d'un corps vers le bas Rhin prit plus de consistance, et le régiment de la Couronne, à Francfort depuis l'affaire de Warburg, se rendit à Cologne.
Le 30, M. d'Auvet, à la tête d'un corps composé de Royal-Étranger (cavalerie), de Rouergue, d'artillerie, d'un détachement desFischer, d'un équipage de vivres et d'uneambulance, est dirigé sur Hachenburg. La Gendarmerie, cantonnée entre la Fulda et laWerra, rejoint ce corps d'observation, prêt à se porter sur Cologne, si cette ville était menacée, ou à couvrir le pays de Giessen à Goblentz, qui fournissait nos farines. En dirigeant ces troupes vers le Westerwald, le maréchal renforça de nouveau la droite, et, le 29, 4B. deBelsunce et la brigade de cavalerie du Roi sont envoyés à M. de Lusace. Le même jour, la brigade des Gardes est portée à la droite de la Fulda, et Durfort à Krumbach. La marche du corps ennemi étant confirmée, sans qu'on connût cependant sa force ni sa véritable direction, le maréchal jugea nécessaire l'envoi de nouvelles troupes à Hachenburg. M. de Chabo, à la tête de Royal-dragons et de Thianges, se rend, le 1^'' octobre, à cette destination, et les 6 B. de la brigade liégeoise, Royal-Pologne et Poly, avec artillerie, reçoivent l'ordre de partir le 2 octobre, sous le commandement de M. d'Aubigny. Ces précautions n'étaient que trop bien fondées; les affaires dans le bas
Rhin pressaient, et on éprouva dans cette circonstance l'inconvénient inévitable de la lenteur des communications du haut Rhin et de la Hesse avec le bas Rhin, lorsqu'on n'est pas maître de ce pays à la rive droite du fleuve, et que de Gassel, de Marburg, de Giessen et de Francfort, on est forcé de diriger les courriers par la rive gauche. Dès le 29 septembre, M. de Castella, commandant à Wesel, donnait avis que les troupes ennemies de Coësfeld et Dulmen marchaient sur Borken, d'oii elles lançaient un détachement à Iselburg, et continuaient sur Dorsten. Quelques jours avant, il informait le maréchal que les ennemis occupaient Soëst, et, le 30, que la veille les troupes venant d'Essen avaient forcé les Fischer à Ruhrort et passaient le Rhin(l).
(1) « Dusseldorf, 29 septembre.
a L'ennemi passe le Rhin dans plusieurs endroits. M. de Beausobre annonce sa présence, à trois heures et demie, à Rheinberg, et sa marche sur Xanten, après avoirrepousseM.de Cambefort. » (D. G., 3561, "214.)
31. de Beausobre (*) au ministre.
« Gueldre, 30 seiilembre. « 14à 15,000 hommessontactuellement depuis Dorsten jusqu'au Rliin; une partie va passer à Rees, une autre l'a traversé à Ruhrort ; les Fischer et des Cambefort ont été battus à Rheinberg. » (D. G., 3561, 217.)
(*) Beausobre (Jean des Beault, baron de), né le 21 mars 1704, à Niort; cadet dans Courten; maréchal de camp, 10 mai 1748; lieutenant général, 17 décembre 1739; décédé le 8 octobre 1783; déjà vieux, et souvent alité; a une longue expérience et des talents militaires; aime trop l'argent; ne se couchait plus depuis son aventure si désagréable arrivée en Flandre. Étant colonel de hussards, se vantait de n'avoir jamais été surpris, d'être très vigilant, et cependant il fut arrêté prisonnier dans son lit, au milieu de son camp, et emmené sans Ijruit par des hussards autrichiens, munis de faux ordres du maréchal de Saxe. (D. G.)
CHAPITRE I^'.
FIN DE LA CAMPAGNE DE 1760. — CAMPS SUR LE RHIN. AFFAIRE DE KLOSTER-CAMP,
Octobre, l'^'". MM. d'Aubigny, de Chabo, de Fronsac, sur Cologne; suivent M. Dauvet, parti, le 31, pour Hachenburg en six marches. — 3. MM. de Ségur, de Ttiiard, de Wurmser, de Besenval, même direction. — 4. MM. de Ségur et de Maupeou,de Coblentz à Wesel, 50 B., 50 E., sous les ordres de M. de Castries, renforcé de 20 B. arrivant de France. M. de Barrai et le B. de Nancy prisonniers à Clcîves. — 10. M. de Castries se bâte d'attaquer Wesel. — 11. Arrivée de régiments à Neuss.— 13. Concentration, ouverture de la première parallèle. — 14. Instruction à M. de Stainville pour une diversion sur le Hanovre. Marche de M. de Castries. Arrivée de l'ennemi à Rheinberg, il enlève des Fischer. — 15. M. Dauvet à Kloster-Camp; démonstrations dans la bruyère deCamper-Bruch, dans la nuit du 15 au 16 ; mort ded'Assas.— IG. Combat de Kloster-Camp. — 17. Positions de l'ennemi aux environs de AVesel. — 18. Rassemblement près de Neuss, 31 B., 32 E. Levée du siège de Wesel par M. de Schomberg. M. de Stainville s'empare d'Halbersladt, lève des contributions; ses marches du 15 au 24; il revient à Heiligenstadt. — 19. Camp de Buderich. — 20. Cantonnements entre Xanten et Buderich, 46 B., 42 E. — 21. Garnisons depuis Coblentz jusqu'à Wesel, Liège, Aix-la-Chapelle, sous M. de Castries. —23. Renfort de 1-2 B. et 6 E. à M. de Lusace, par le passage de troupes ennemies sur la rive droite du Wéser. — 24. M. de Broglie toujours à Cassel. — 28. Affaire de M. de Boisclai-reau à Schermbeck. — 29. Le prince Ferdinand à Klcin-Recken; 30, entre Dors-tenet Lembeck. —30. Appel de M. de Broglie à M. de Castries pour une diversion sur Unna. Novembre. 2. M. de Stainville à Heiligenstadt, pont sur la Leine; 4, dans le duché de Bergh, 4 B. — 5. Le prince héréditaire se replie sur Dulmen. — 7. M. de Castries débouche de Wesel; le 10, .se porte à Drevenach et Schermbeck. — 11. Le corps de M. de Luckner décampe de Moringen. — 12. Attaque de MM. Pons et Schwartz. — 13. Surprise d'un poste de Cambefort. MM. deSaint-Pern et deRougé vers Usiar. — 14. Fourrages sur la Rhume par M. d'Espiez. — 17. M. de Lusace commence sa retraite, campe à Herberhausen, y séjourne le 18. M. de Vaux commande dans Gottingen. — 19. La réserve passe la Werra à Allendorf. — 23. L'infanterie se cantonne près de Cassel, et la cavalerie sur la Lahn, le Mayn et en Wettéravie ; 1 régiment de hussards à Siegen. — 24. Le capitaine de Yiomenil fait des prisonniers entre Meinbressen et Wesluffeln. — 27.
M. de Monlfort attaqué. — 28. Le capitaine de Verteuil défend le château d'Arnstein. M. de Luciiner se relire sur Friedland du 29 au 30. Différents mouvements de l'armée pour rentrer dans ses anciens cantonnements. Le prince héréditaire lève son camp de Dorsten et s'établit avec ses troupes dans l'Ost-Frise. M. de Castries rentre en France. Décembre. — L'armée reste dans l'inaction jusqu'au 8; à cette date , l'ennemi commence sa retraite sur Eimbeck et Moringen. — 14. M. de Luckner passe la Leine et se porte à Heiiigenstadt. M. de Lusace, avec le corps saxon, de Treffurt à Eisenach. M. de Slainville à Gotha. — 22. Le comte de Broglie marche à M. de Luckner, qui se retire facilement, vu la mauvaise direction et l'extrême fatigue des troupes en marche par des chemins affreux. — 30. Quartiers d'hiver, leurs positions. Résumé de la campagne.
M. de Guers, commandant àDusseldorf, donnait avis, le!" octobre, de la présence du prince héréditaire près de Wesel. M.Dauvet reçoit l'ordre de se rendre ensix marches à Hachenburg avecRouer-gue, Royal-Étranger (cavalerie), la Gendarmerie, une division d'artillerie (4B., 14 E.) ; M. d'Aubigny quitte le corps de M. de Stainville, avec Bouillon et Royal-Pologne, pour la même destination (6 B.,4E.); MM. de Chabo et de Fronsac se mettent en route avec Royal-dragons (4E.).
Le 4 seulement, le maréchal en est informé officiellement. Cependant, d'après la lettre d'un commis aux vivres reçue le 3, le maréchal fit immédiatement partir pour Hachenburg et vers Cologne, avec MM. de Ségur, de Wurmser, de Thiard et de Besenval, la Tour-du-Pin, Auvergne, Alsace et Royal-Piémont (cavalerie), ainsi que 1 B. de milice , formant en tout 13 B. et 6 E. aux ordres de M. de Ségur. Le 4, les brigades d'infanterie de Touraine, celles de Vaubécourt et d'Orléans, 1 B. d'artillerie, 1 de milice et la brigade de cavalerie d'Aquitaine, avec la légion Royale, se mirent en marche sous M. de Maupeou. En sorte que les troupes envoyées dans le bas Rhin furent composées de 36 B., 42 E,, 28pièces, plus la légion Royale.
M. de Castries arrive à Coblentz le 29 septembre, et, après avoir pourvu à la sûreté de la citadelle, se rend le lendemain à Bonn. Apprenant la véritable situation des affaires, il part sur-le-champ pour Cologne, qui renfermait des dépôts considérables, et n'y trouve que 18,000 hommes de garnison, La Couronne ne pouvait y arriver que le 7 octobre. Malgré ce peu de monde, M. de Castries jugea pouvoir y tenir contre les entreprises des troupes légères, attendre une at-
taque réglée et le moment de la brèche pour l'abandonner. La retraite assurée par la rive droite du Rhin, tous les magasins furent embarqués et tenus prêts à être expédiés en lieu sûr.
Entre autres dispositions, il prescrivitau régiment de Monlcalm, que la morveavaitmis àpied, de se rendre deDusseldorf àCoblentz; il laisse à Dusseldorf l'infanterie de Fischer, destinée à renforcer la garnison, et envoie à Cologne ce qui restait de la cavalerie de ce corps. Le B. de milice à Clèves se replia sur Gueldre; celui d'Aix-la-Chapelle passa à Liège, centre de nos principaux dépôts de la Meuse ; enfin, M. de Polignac, commandant à Ruremonde, devait se rendre à Liège, si les circonstances l'exigeaient. Ce fut à Clèves que les ennemis portèrent tous leurs efforts, et M. de Barrai, qui y commandait, se rendit prisonnier.
Wesel ne méritait pas moins d'attention, les ennemis pouvant facilement mettre cette place derrière eux. Comme elle renfermait des dépôts importants de vivres et d'artillerie, et que la garnison (composée de 1 B. suisse et de 2,300 hommes de différents régiments, recrues ou soldats le moins en état de servir) était insuffisante, le maréchal ordonna à M. deCastries d'y faire passer 6 B. avec des canonniers, et lui prescrivit en outre, dans le cas oii les ennemis passeraient le Rhin au-dessus de Wesel, de tenir la campagne en s'appuyant sur Gueldre et Dusseldorf, de se placer de manière à couvrir le pays entre Rhin et Meuse; enfin, de conserver Liège afin d'y remonter les magasins de Ruremonde. M. de Castries avait, autant que possible, prévenu les intentions du maréchal et trouvé, à la tête des montagnes, des positions très avantageuses pour assurer la réunion des troupes venant de la Meuse et du Rhin et pour lui procurer des débouchés dans la plaine qui s'étend jusqu'au pays de Clèves : il ne lui manquait que du temps. Les nouvelles du 2 lui donnèrent quelque espoir d'en gagner, mais elles le persuadèrent qu'il s'agissait d'un projet plus solide que d'une simple course. En effet, leur marche une fois décidée vers le bas Rhin au-dessous de Wesel, le prince héréditaire s'avançait sur Rees, oîi il jetait un pont, et 1,200 hommes passés à Rheinberg avaient déjà enlevé des détachements de Fischer, de Cambefort, et rassemblé tous les bateaux de la Roer (I).
(Ij Rapport de M. do Cambefort. Wesel, 5 octobre. (D. G., 3564, 51.)
L'arrivée de l'ennemi à Rheinberg ferma la communication par terre avec Wesel. M. de Castries, n'étant pas encore en état d'y faire passer des troupes, pouvait tout au plus agir sur la Roer avec des détachements de Fischer pour inquiéter l'ennemi et rassembler sous Deulz les troupes venant de l'armée. A cet effet, il mande, le 2, à MM. d'Auvet, deChabo et d'Aubigny de marcher, sans séjour, sur ce point; il construit des ponts sur la Siegetl'Agger, et en prépare un à Bonn pour porter ses troupes à la gauche du Rhin, dans le cas où il ne lui serait plus permis de passer à Cologne. Les ennemis ayant la résolution d'attaquer Wesel, M. de Castries ne pouvait croire au projet extraordinaire d'entreprendre un siège de cette importance avec le seul corps qui venait d'arriver, et, quoiqu'il n'y eût dans la place que 7 B. environ et que la défense en demandât davantage, au lieu d'y envoyer un secours, il s'attacha à rassembler les troupes qui lui étaient destinées, afmde pouvoir ensuite tenter un effort et amener la levée du siège. Il savait que l'ennemi se proposait d'enlever Wesel de vive force, et que M. de Gas-tella, craignant de ne pouvoir tenir plus de quatre jours avec son peu de monde contre les forces du prince héréditaire, désirait un prompt secours.
M. de Castries au maréchal de Broglie.
« Cologne , le 3 octobre 1760.
« Touslesavisque je reçois de différents côtés portent que le siège de Wesel est commencé ; on assure que le pont de Rees est fini et que celui au-dessus de Wesel ne l'est point encore. La tranquillité dans laquelle les ennemis ont été jusqu'à présent dans cette partie prouve qu'ils essayent de réaliser un projet qu'on a regardé jusqu'à présent comme une chimère, sans quoi leur mouvement ici eût été ridicule du moment qu'ils ne l'exécutaient pas différemment. Quoi qu'il en soit, il faut tâcher de voir clair dans une affaire aussi essentielle que celle-là, et je ne perds pas un moment pour préparer le mouvement des troupes qui arrivent. Je ne pourrai attendre les 6 derniers B. de France. Je compte porter sur l'Erft 24 B. et 36 E. M. de Maupeou, arrivant, le 13, à Deutz, sera le lendemain par la rive droite à Dusseldorf. Des marches seront ouvertes par
cette direction sur Wesel, et, après l'avoir menacé, il passera le Rhin, me joindra à la rive gauche, marchera,selon les circonstances, ou sur Rheinberg ou sur les hauteurs d'AIpen, d'où les gens qui connaissent le pays m'assurent que j'aurai beaucoup de facilité pour arriver sur Buderich. Les ennemis retranchent ce poste; mais s'ils veulent continuer leur siège, il faudra qu'ils se portent en avant, et qu'ils me préviennent à Rheinberg ou sur les bruyères d'Alpen; dans ce cas, selon la position de leur camp, je manœuvrerai pour les déposter. Il paraît que par la Niers on peut parvenir à les attaquer. Si on ne peut le faire de front, je tâcherai de profiter du mouvement des ennemis pour jeter un secours dans Wesel, et, si on ne peut le faire qu'en attaquant le prince héréditaire, je crois que votre intention est qu'on le fasse, plutôt que de ne pas sauver cette place. Si elle se trouvait pressée au point de ne pouvoir attendre l'arrivée de M. de Maupeou, il faudrait bien me déterminer à marcher avec 30 B. et 36 E.; mais le mouvement de M. de Maupeou sur Deutz serait toujours nécessaire en cas que je fusse battu, par la raison qu'on n'est pas toujours maître du point de sa retraite, et que, si j'étais forcé de me retirer sur la Meuse, il serait bien avantageux pour vous d'avoir un corps à la rive droite du Rhin qui en assurât toutes les places.
« Je ne connais que trois moyens de secourir Wesel,qui sont : la rive gauche, le cours du Rhin, et la rive droite, et tous trois parla partie supérieure. Le premier ne peut être exécuté que par la force; le second ne peut se hasarder, parce que le Rhin est très bas, et que, les ennemis ayant un corps à Buderich et un entre la rive droite du Rhin et la gauche de la Lippe, il serait trop dangereux de s'embarquer d'ici, parce que les vents contraires obligeraient peut-être d'aborder trop près des corps des ennemis, ou de rester au milieu du Rhin, où quelques pièces de canon pourraient nous couler. La rive droite ade même des difficultés. Je me détermine donc à marcher en force par la rive gauche (I). »
Par suite des raisons qu'il donnait dans sa lettre, les troupes furent mises en mouvement, malgré la fatigue d'une marche de neuf jours consécutifs par de mauvais chemins. Il eût été désirable d'attendre les traînards, dont le nombre était grand, malgré les voi-
{\) D. G., Mémoires de Vault, 1760, p. 31i.
tures qui portaient les havresacs ; mais M. de Castries, toujours persuadé qu'il n'y avait aucun moment à perdre, et pressé de tout employer pour jeter un secours dans Wesel, et d'attaquer le prince héréditaire, ne se laissa arrêter par aucune considération pour parvenir à sauver la place. La tête de ses troupes (4 B. et 6 E.), tant du côté de la Meuse que du côté du Rhin, arriva sur l'Erft dès le 10.
Le H, 8 B. et2 régiments de dragons sont entre Neuss et Clos-ter-Meer, où résidait le corps de Fischer, et, le 13, 21 B. et 26 E. furent rassemblés à Neuss. Les régiments venant de l'armée, pris parmi ceux qui avaient le plus souffert pendant la campagne, se trouvaient dans un très mauvais état ; ceux arrivés de France manquaient d'équipages, d'artillerie, et quelques-uns de tentes (1).
L'armée du prince héréditaire (2), suivant les renseignements obtenus, était d'environ 36,000 hommes. M. de Castries, ne s'arrê-tant pas à calculer le nombre de ses ennemis, ne s'occupait que des moyens d'action.
Le 13, il reçut de M. deCastellaun avis en date du 11, portant que
(1) État des troupes arrivant sous Neuss.
Le 10, Rouergue, 'z; Rocheforf, 2 (4 B.); Royal-Élranger, 2; Crussol, 2; Bourbon, 2 ; artillerie Fischer (6 E); le 11, Bouillon, 2; Horion, 2; Vierzet, 2; Briqueville, 2 (8 B.) ; Royal-Pologne, 2; Poly, 2 ; Royal-dragons, 4 ; Thianges, 4 (12 E.l ; le 12, Normandie, 2 B.; le 13, Normandie, 2; la Tour-du-Pin, 4; Auvergne, 4; Alsace, 4; Sarre-guemines, 1; Touraine, 2; Engliien, 2 (19 B.) ; Gendarmerie, 8; Royal-Piémont, Balincourl, des Cars, 6; Aquitaine, 2; d'Escouloubre, 2; Preissac, 2; Conti, 2; Archiac, 2 (22 E.). —Total : 36 B., 42 E.
(2) Corps du prince héréditaire. — Généraux : MM. le comte de Buckeburg, qui commande le siège; Hardenberg, Malsburg, Breitenbach, Oheim, Owarlz. Anglais, 2 régiments d'infanterie, 3,600; 2 de dragons, 912 (4,512); Ilanovriens, 4 régiments d'infanterie, 4,000; 2 de cavalerie, 800 (4,800); Hessois, 3 régiments d'infenterie, 3,000; 2 de cavalerie; 1 de dragons, 1,170 (4,170); Brunswick, 2 régiments d'infanterie, 2,200; 1 de cavalerie, 404 (2,604); troupes légères, Buckeburg, 1,500; corps de Schetter, 800; hussards prussiens, général Palskow, 300, 1,108 (3,7o8); hussards et chasseurs de Brunswick et un détachement de montagnards écossais.
Troupes destinées à renforcer le corps de Westphalie.
Le camp de Haren, 6,000 ; Anglajs, 2 régiments d'infanterie ; 1 régiment de dragons partis de Warburg le 5 (général GrifTen), 2,596 ; Hanovricns, 3 régiments d'infanterie, 3,000; régiment anglais, 900, partis de Warburg le 8 (général Schetter), 3,900; 2 régiments hanovriens, 2,000; 1 d'infanterie hessoise, 1,000; 1 régiment de dragons hessois, 780 (3,780), partis de Warburg, pour Merehof (général Sporken). — Total: 36.070.
la première parallèle était ouverte et que, le même jour 11 , les ennemis en avaient poussé une seconde à peu de distance du chemin couvert. Ces nouvelles, quoique faisant connaître que la place était en état de défense et que le secours demandé n'était pas très pressant^ ne ralentirent en rien ses dispositions. Il prévenait en cela les intentions du maréchal, très inquiet sur le sort du bas Rhin. Ce dernier savait, dès le 8, qu'un renfort avait été envoyé, le 7, à M. le prince héréditaire, et on lui assurait que le prince Ferdinand devait incessamment s'y porter avec la majeure partie de ses forces, en abandonnant presque entièrement le Wéser. Ces nouvelles, encore ignorées dans le bas Rhin, engagèrent sans doute le maréchal à presser de nouveau M. de Castries de jeter du secours dans Wesel et d'attaquer le prince héréditaire (1).
M. de Broglie était effectivement d'autant plus empressé de voir son lieutenant agir, qu'il considérait qu'un des principaux objets du prince Ferdinand, dans l'entreprise de Wesel, serait d'obliger l'armée française à abandonner les conquêtes de la Hesse et le pays de Hanovre pour porter le théâtre de la guerre dans le bas Rhin, et que la position centrale de l'ennemi lui procurait l'avantage d'y arriver plus tôt que nous, ou de regagner la Diemel, dans
(1) Le maréchal de Broglie à M. de Castries.
« Casscl, le 10 octobre 17G0.
« J'ai reçu, il y a une heure, vos deux lettres des o et 7 de ce mois, avec les copies de plusieurs rapports tant de paysans que de voyageurs, et de la lettre de M. de Brungrewe, officier dans Fischer. Je pense, comme vous, que ce qu'elle contient sur la persuasion où était M. de Castella ([u'il ne pouvait tenir que trois ou quatre jours encore est aussi faux que peu croyable. Je viens de parler tout à l'heure à M. Filley, chef du génie, et à M. de Fourcroy, qui m'ont répété ce qu'ils m'avaient déjà dit dans le commencement de la campagne : que 6 B. dans Wesel devaient s'y défendre au moins un mois, attaqués par 40,000 hommes, quand ils se borneraient à la défense du corps de la place et qu'ils abandonneraient tous les ouvrages extérieurs.
« En mettant les choses au pire, et W'esel ne tenant que quinze jours d'attaque sérieuse, qui n'a pu être commencée que le 5, vous aurez le temps d'y arriver et d'y jeter du secours; et si vous y parvenez une fois, tout est dit, et Wesel, muni comme il l'est, ne peut être pris de plusieurs mois. Il faut cependant que vous calculiez encore comme si Wesel pouvait être pris plus tôt que quinze jours, afin de ne rien mettre au hasard. » (D. G., Mémoires de VauU, 1760, p. 510.)
le cas où il manquerait Wesel. Les circonstances paraissaient en ce moment favorables pour retenir le prince Ferdinand par une diversion dans le Hanovre : l'année de ce prince se trouvait affaiblie; les Impériaux venaient d'obtenir des succès en Saxe; Leipsig abandonné et Wittemberg pris, les Russes marchaient sur Berlin, et le duc de Wurtemberg, avancé sur Halle, devait s'approcher d'Halbersladt et opérer de son côté une espèce de diversion. Donc le maréchal se détermine à ne point envoyer de nouvelles troupes à M. de Gastries et lance sur Halberstadt un gros détachement qu'il confie à M. de Stainville(l). « Avec son détachement(dragons de Schomberg, Ber-chiny et Royal-Nassau), M. de Stainville partira, disait l'instruction, le i 5, de Dingelstadt et se portera sur Halberstadt. Arrivé à ce point, il jugera s'il doit et peut s'avancer vers Hanovre, en se faisant passer pour l'avant-garde de l'armée de M. le duc de Wurtemberg et répandant le bruit que le but est de s'emparer de cette ville. Le but est d'attirer sur Hanovre l'attention des ennemis. A ce premier objet, qui est capital, M. de Stainville en joindra un autre plus aisé à remplir, c'est celui d'exiger des contributions de tous les pays ennemis qui se trouvent depuis Dingelstadt jusqu'à Halberstadt; il lui sera remis des demandes de M. Gayot pour les exiger en forme; il en recevra particulièrement une instruction sur les pays qui n'ont pas satisfait aux contributions qui leur avaient été imposées. »
Le maréchal avait aussi formé le projet de faire, encore une fois, repasser le Wéser à M. de Wangenheim, qui occupait Uslar; mais M. de Lusace, lui ayant fait remarquer la difficulté des chemins, rendus impraticables par des pluies continuelles, fut seulement chargé de favoriser l'expédition de M. de Stainville avec M. d'Es-pies, M. de Luckner se trouvant à Northeim et à Moringen.
Versailles approuva ces dispositions, quoique inquiétantes sur le parti à prendre pour la conservation de la Hesse, dans le cas où le prince Ferdinand marcherait sur le bas Rhin avec des forces plus considérables, dont les mouvements pourraient être combinés avec un corps parti d'Angleterre et destiné à le renforcer ou à faire une diversion sur nos côtes affaiblies par le départ de 20 B. La correspondance deM. de Belle-Isle laisse voir que le roi regardait les mouvements exécutables par la droite de l'armée comme peu capables
(OD. G., 3562, 350.
de détourner de ses projets le prince Ferdinand, tandis que les opérations par la gauche étaient considérées comme plus utiles par rapport à Wesel; néanmoins M. de Broglie fut laissé entièrement libre de ses combinaisons.
Le lemps devenait de plus en plus précieux : il ne fallait pas permettre à l'ennemi de se renforcer devant Wesel, ni lui laisser mettre en usage le moyen de changer le théâtre des opérations; mais, dans les circonstances où se trouvait M. de Castries, il y avait peut-être plus d'inconvénients à précipiter son mouvement, avec son peu de troupes, qu'à le retarder pour être plus en force. Cependant il ne balança point, et, sans attendre l'arrivée des divisions de Bissy et de Maupeou, ni les 6 B, venant de France, ni les régiments de cavalerie de Gonti et d'Archiac, c'est-à-dire 18 B. et iO E. de plus, il marche le li, prend toutes les précautions nécessaires pour jeter des troupes dans Wesel, et désigne à cet effet les 4 B. de Normandie et les 2 de Briqueville.
La réserve marcha donc le 14; elle fut dirigée sur Meurs, et l'a-vant-garde, partant de son camp avant la pointe du jour, se dirigea sur Rheinberg, quoiqu'il y eût huit lieues, afin d'y prévenir l'ennemi, ou de l'attaquer avant qu'il pût y être renforcé. En effet, lorsque l'avant-garde parut, un millier d'hommes défendaient ce poste.
Position des troupes aux ordres de M. de Castries, le 16 octobre.
Normandie, 3; Briqueville, 3; Auvergne, 4; la Tour-du-Pin, 4; Alsace, 4; d'Invilliers et Mantes, 2 (20 B.); Gendarmerie, 8;Pioyal-Étranger, Royal-Pologne, Crussol, Bourbon, 8; Royal-Piémont, Balincourt, des Cars, Poly, 8 (24 E.) (ces 20 B. et 24 E. ont seuls combattu à la bataille de Camper-Bruch, le corps de Fischer ayant été ïovcé à Kloster-Camp) \ Rouergue, Rochefort, Tournaisis, 5; Bouillon, Vierzet, 4; la Couronne, Horion, 4 (13B.); Royal-dragons, Thianges (8 E.) (ces 13 B. et 8 E. étaient à Rheinberg et environs, et ne purent joindre); Enghien, Touraine, 4 B.; Escouloubre, Preissac, 6 E. (ne rejoignirent les troupes, à Aloster-Camp, que le lendemain de l'action); Sarreguemines (milice) et Orléans, 2 B., à 3Ieurs; les équipages, la Marche-prince, la Marche-province, 4; Vaubécourt, Yatan, 4 (8 B.) (les 2 brigades arrivèrent, le 16,, à Dus-
seldorf); Forest, l; la Reine,2 (3 B.), le 16, à Rheinberg; Salis, 2 B., le 16, à Neuss; Bretagne, 2 B., le 16, près de Juliers.
Le 16, à deux heures du malin, les ennemis attaquèrent. On crut d'abord à une rencontre de patrouilles ; mais comme le feu redoublait, M. de Castries se porta à la gauche et y trouva M. de Rocham-beau, qui, ayant bien reconnu son terrain dès la veille, avait placé sur le chemin de Meurs, dans les haies et quelques maisons de Cam-per-Bruch, ses chasseurs et grenadiers, contre lesquels s'arrêtèrent les premiers efforts de la colonne ennemie, ce qui donna le temps à la brigade d'Auvergne ainsi qu'aux autres troupes de se porter sur le lieu du combat. Ainsi engagée, non pas précisément par une surprise, car nos troupes avaient couché sous les armes, la bataille fut meurtrière.
Le principal effort de l'ennemi porta sur Auvergne. M. de Be-senval (I) eut son cheval tué, M. de Rochambeau fut blessé, ainsi que M. de Castagnos. La brigade souffrit considérablement; sa perte se monta : infanterie, capitaines, 19 tués, 87 blessés; lieutenants, 7 tués, 76 blessés; soldats, 815 tués, 1,644 blessés; cam/er/e, officiers, 1 tué, 3 blessés; cavaliers, 5 tués, 28 blessés; chevaux, 92 tués. Nous fîmes 2,770 prisonniers.
« Nous avons eu de la gloire bien chère pour cette fois, écrivait M. de Rochambeau, et mon pauvre régiment est anéanti de la meilleure espèce. »
« Je me reproche, écrivait de son côté M. de Castries au maréchal de Belle-Isie, le 20 octobre : 1° de n'avoir pas suivi les ennemis, le 16, avec plus de vivacité; 2° de n'avoir pas marché droit sur Buderich pour les empêcher de prendre la position où ils ont
(1) Besenval (Pierre-Victor, baron de), né à Soleure, d'une famille patricienne originaire de Savoie. Sa mère, comtesse Biclinska, Polonaise, tenait aux Leczinski. Son père avait été ministre de France en Saxe de 1707 à 1715; en 1720, àlalête d'une compagnie de gardes suisses, il fut chargé de protéger la maison de Law. Par singularité, son fils, dans la journée du 12 juillet 1789, à la tète de cette même troupe, contint le peuple, qui demandait le rappel de M. Necker. Il entra au service le 4 avril 1731, dans le régiment des gardes suisses, dont son père était colonel-, capitaine le 13 avril 1738; à Sahay, 1742; armée de Flandre jusqu'en 1748; brigadier, 20 mars 1747; alarmée d'Allemagne ; maréchal de camp, 1^»" mai 1758; à Korbach; inspecteur des gardes suisses; lieutenant général, 25 juillet 1762; mort le 2 juin 1791, à soixante-dix ans. Il aimait la littérature; a écrit des romans et des mémoires pour amuser ses loisirs.
tenu le lendemain; 3° de n'avoir pas prévu le parti que lesjennemis prirent, et, dès la pointe du jour, de n'avoir pas fait marcher l'armée pour être à même de les attaquer ce jour-là, nu lieu d'attendre au lendemain, ce que j'ai été forcé de faire. 11 serait vraisemblablement résulté de ces trois choses des avantages plus considérables que ceux que j'ai remportés; mais je craignis de mettre trop légèrement au hasard le succès que j'ai eu. D'ailleurs, le secours jeté dans Wesel était entré, ce qui ne laissait aucun doute sur la levée du siège de cette place. Ainsi tous les objets que le maréchal de Broglie m'avait donnés à remplir se trouvaient l'être par ces premières opérations, et je ne crus plus devoir rien entreprendre. »
Malgré ce qu'en disait M. de Castries, par modestie sans doute, le service était important pour la situation des affaires, ce qui justifia de nouveautés faveurs méritées, deux années auparavant, par la prise de Rheinfeld, et le roi y ajouta l'assurance d'une place dans l'ordre du Saint-Esprit au moment où l'âge prescrit permettrait de l'y admettre : il n'avait alors que trente-trois ans.
Le chevalier d'Assas fut tué, sans doute, dans l'un des postes de la roule de Meurs ou des haies de Gamper-Bruch. Aucune pièce ne fait mention du fait qui lui est attribué, car les rapports s'accordent à dire que les premiers coups de fusil ont été échangés par les troupes de Fischer, qui donnèrent ainsi Talarme. Ce ne serait donc point au cri de : « A moi, Auvergne; c'est l'ennemi I » qu'on doit le salut du camp français et la gloire de la journée, mais aux bonnes dispositions de M. de Ilochambeau et au régiment d'Auvergne.
« J'étais au camp de Rheinberg, près Kloster-Camp, dit Grimm, le jour du combat si connu par le dévouement d'un militaire français. Ce mot sublime : a A moi, Auvergne; voilà l'ennemi I » appartient au valeureux Dubois, sergent de ce régiment; par une erreur presque inévitable un jour de combat, il fut attribué à un jeune officier nommé d'Assas. » M. de Castries le crut comme tant d'autres; mais quand il eut forcé le prince héréditaire à repasser le Rhin et à lever le siège de Wesel, des renseignements positifs apprirent que le chevalier d'Assas n'était pas entré seul dans le bois, mais accompagné de Dubois, sergent de sa compagnie. Ce fut celui-ci qui cria: a A nous, Auvergne; c'est l'ennemi!» Le chevalier fut blessé en même temps : il n'expira pas sur le coup.
T. V. 7
Comme Dubois, une foule de témoins affirmèrent à M. de Castries que cet officier avait souvent répété à ceux qui le transportaient au camp : « Enfants, ce n'est pas moi qui ai crié; c'est Dubois. » M, de Rochambeau, dans ses Mémoires, raconte le fait de la même façon, et ce qui donne le plus d'autorité à cette version, c'est que Rocbambeau était colonel d'Auvergne; Lombard de Langres, dont le père était sergent-major au même régiment, le répète au chapitre X du livre H de ses Mémoires. Jamais rectification n'a pu être faite au ministère de la guerre. En définitive, si d'Assas perd la gloire du mot, il a l'honneur d'avoir réclamé qu'il ne lui appartenait pas, et dans cette nuit célèbre nous avons deux héros pour un.
(c M. de Castries, se doutant d'une surprise, l'envoya la nuit à la découverte : à peine avait-il fait quelques pas dans le bois voisin, des grenadiers ennemis l'environnent, le saisissent, et lui présentant la baïonnette, l'avertissant qu'au moindre bruit, il est mort. D'Assas semble d'abord obéir, puis toutà coup, renforçant sa voix, il crie : « A moi, Auvergne; voici l'ennemi ! » puis il tombe percé de coups. La relation de la bataille ne fait nullement mention du dévouement du capitaine d'Assas, il se trouve seulement porté le premier des capitaines d'Auvergne tués. » (D. G., 3563, 7.) Ce fait d'armes est acquis néanmoins en son nom. A son dossier au ministère de la guerre, est marquée une pension de 1,000 livres, donnée à la famille et réversible de mâle en mâle. Cette bataille du 16, dite en France de Kloster-Camp, s'appelle souvent à l'étranger Gamper-Bruch et Rheinberg (I).
Lesiègede WeselayantétélevéletS, les ennemis se retirèrent vers Schermbeck et Dorsten. L'objet essentiel étant rempli, et les avantages qu'on aurait pu se procurera la rive droite du Rhin ne pré-
(1) Assas (Louis, clievalier d'), né le 26 août 1733, au Vigan (Gard); lieutenant dans Auvergne le 21 octobre 1746; capitaine le 1<^'' septembre 1755 ; tué dans la nuit du 15 au 16 octobre 1760. Ce fut seulement par un édil du 28 octobre 1777, signé à Fontainebleau, que le roi accorda une i>ension de 1,000 livres. Elle fut partagée en trois: 400 livres au baron François d'Assas ; 300 à Jean-Charles-Marie d'Assas, son fils aîné ; 300 à Jean-Franeois d'Assas, son fils cadet. Ce partage ne devait avoir lieu que pendant la vie du père et des deux fils, la totalité appartenant après eux à l'aîné des descendants mâles, etc. Cette pension, supprimée piu: la révolution, fut rétablie en 1817, au profit du marquis Charles-Marie, capitaine retraité, et du comte Jean-François, contre-amiral.
sentant rien d'important, on se contenta de poursuivre les ennemis avec la troupe de Fischer et celle de Cambefort. Les fatigues extrêmes des soldats, jointes au mauvais temps, firent prendre, le 20, un cantonnement entre Xanten etBuderich; la division de Mau-peou s'arrêta à Rheinberg et Orsoy. Le renfort envoyé au prince héréditaire s'était arrêté àDortmund, et comme quelques hussards avaient paru sur la Vupper, on fît marcher, le 21, sur la Roer la troupe de Fischer.
Le prince héréditaire était encore, ce jour-là, sur les hauteurs de Brunen, à deux lieues de Wesel. M. de Castries, bien persuadé que désormais le prince était hors d'état de rien entreprendre sur la partie basse du Rhin, dirige la Gendarmerie à Andernach, et, le 22, 10 B. et 4 £. marchent vers Cologne, avec M. de Maupeou, pour être à portée de garder la communication ou de rejoindre l'armée; mais plus tard cette division ne dépassa pas Dusseldorf, parce que les détachements ennemis occupant le pays de Bergh en étaient partis, et que leur corps à la rive gauche de la Lippe était à Schermbeck.
Le maréchal de Broglie, sachant que, le 19, 10 B. ennemis et 4réeiments de cavalerie marchaient sur Munster et que le reste des troupes avait pris la route de Dortmund et de Hamm, et craignant que, si on restait dans une inaction totale au bas Rhin, ils ne réunissent leurs forces pour tomber soit sur lui, soit sur M. de Lusace, ce dont cependant il doutait beaucoup, pria M. de Castries d'annoncer une marche prochaine dans la Marck et de dessiner des démonstrations pour obliger l'ennemi à conserver en Westpha-lie un corps à peu près égal au sien; de former un corps de cavalerie avec tout ce qui était capable de servir, et de le cantonner aux environs de "Wesel; enfin, lorsque cela lui serait possible, de faire passer le Rhin à de gros détachements ayant l'air de vouloir marcher sur Munster ou sur la Lippe.
Il devenait nécessaire en ce moment de rappeler en France la Gendarmerie, les régiments de cavalerie d'Archiac, de Conti, d'Ar-bonnier et de Lockmann, de Normandie, d'Auvergne et d'Alsace. Ayant tant soufïert à l'affaire du 16, ils se trouvaient hors d'état de servir,ainsi que laCouronne, RouergueetRochefort.C'était donc 22 B. et 12 E. sur lesquels on ne pouvait compter, indépendamment des 12 B. destinés à la Meuse. Les régiments venus de
France n'avaient ni chevaux ni voitures, et il était très difficile de leur en procurer dans le pays par la quantité qu'en absorbaient l'artillerie et les équipages de vivres. M. de Gastries démontra cet état de choses au maréchal, en lui observant que la présence du prince héréditaire à Brunen détruisait les nouvelles de sa marche sur Munster, d'un côté, sur Hamm, de l'autre; et que, malgré les pertes des régiments maltraités, son corps restait toujours fort d'environ 20,000 hommes. A l'égard de la diversion que le maréchal lui demandait, M. de Gastries pensait que les ennemis seraient toujours les maîtres d'entreprendre ou sur l'armée ou sur la réserve de M. de Lusace, et que, quand même il déboucherait, ils pourraient, n'ayant rien à craindre pour Munster et Lippstadt, se contenter d'y laisser des garnisons ; qu'ainsi ils pourraient se porter en force sur la Diemel et le Wéser, et qu'il lui paraissait préférable de faire marcher un corps dans le Westerwald et donner la main à la grande armée, si cela devenait nécessaire.
Celte idée avait déjà déterminé M. de Gastries à tenir M. de Maupeou sur sa droite avec 10 B. et 4 E. ; elle l'engagea de même, aussitôt après la retraite de l'ennemi le 26, à lui donner l'ordre de passer le Rhin et de cantonner ses troupes'entre Dusseldorf et la Wupper; mais les ordres de Versailles étaient si précis sur l'envoi urgent d'un corps sur la Meuse, qu'il prit le parti de les faire marcher sur cette rivière, en y joignant 2 B. de Rouergue; 8 de ces B. cantonnèrent dans les environs de Liège, et les A autres à Ru-remonde. M. de Gastries fit en même temps une disposition générale du reste de ses troupes (1), qu'il rassembla depuis Rhein-berg et Orsoy jusqu'à Xanten, en dehors des garnisons, et en état de tenir la campagne; il forma également dans le même em-
(1) Emplacements des troupes aux ordres de M. de Castries. — Infanterie : à Perrich et environs, 4; à Bortii et environs, 4; à Rheinberg et Orsoy, 4 ; à Buderich et environs, 4, à Wesel, Cambefort. — Cavalerie : à Capellen et environs, 8; à Honiberget environs, 8 ; àNeukirchen et environs, 6.
Corps de M. de Chabo, à Xanten, 3 B. et artillerie; à Zullingen et environs, 4 ; à Clèves et environs, 4 E. éclairant le bas Rhin sur la rive gauche de la Roer ; Fischer couvrant le duché de Bergh et la partie entre la Roer et la Lippe. — Garnisons : à Dusseldorf, 7 ; Cologne, 6 ; Andernach, 1 ; sur la Meuse, à Liège, avec MM. d'Andlau et de Maupeou, S; Ruremonde, 4; Aix-la-Chipelh', 1; Gueldre, 1 B. ; Saint-Cornelis-Munster, 4 E.; la Gendarmerie, 8 E.. partant, le 1'^ novembre, d'Anderuath pourThionville. — Total : 67 B., 42 E. (D. G., 3563, 222.)
placement 1,650chevaux et 600 dragons, seules ressources disponibles des 11 régiments de cavalerie et des dragons de Royal et de Thianges.
Quoique la partie basse du Rhin fût la seule accessible aux ennemis, comme il n'y avait aucun établissement de subsistances dans le pays deClèves, on se contenta de le faire éclairer par le régiment de Thianges. D'Arbonnier et de Lochmann se mirent en marche dans les premiers jours de novembre, et ceux de Conti et d'Archiac allèrent, jusqu'à nouvel ordre, occuper Saint-Gornelis-Munster. M. de Castries se trouvait ainsi en état de remplir les intentions du maréchal, quand, le 28, l'ennemi prononça un mouvement sur Lippstadt et jeta dans Munster une forte garnison.
En attendant la réalisation des projets de l'ennemi, M. de Bro-glie s'occupa de cantonner sa cavalerie entre Cassel (1) et Fritzlar (38 E.), où elle pouvait se rétablir du dépérissement auquel les fatigues de la campagne l'avaient réduite. M. de Lusace, successivement renforcé, fit vivre ses troupes dans la principauté de Gottingen etdansl'Eychfeld.
Le détachement de M. d'Espies se portait, lel.^, sur Northeim, obligeant M. de Luckner à passer la Leine, puis à gagner les hauteurs entre Moringen et Eimbeck. De son côté, M. de Stainville avait exécuté avec succès sa course sur Halberstadt, où il était entré sans aucune opposition et y avait levé 80,000 écus de contributions. Au milieu de ces opérations partielles, M. de Schomberg, détaché sur Aschersleben, attaqua un poste ennemi et lui enleva 150 prisonniers et 2 pièces de canon. (D. G,, 3563,127.)
Le maréchal de Broglie à M. de Stainville.
«.Casscl, le 24 octobre 1760.
« Pendant que mes deux bras se meuvent, le centre n'a point été oisif. M. de Lusace a poussé fort utilement M. d'Espies sur Northeim et Eimbeck (2). M. de Luckner, qui avait peut-être envie
(1) Cassel, capitale du grand-duché de Hessc-Électorale (Kurhessen), rive gauche de la Fulda, une des deux grandes branches du Wéser, fut occupée par les Français depuis 1756 jusqu'en novembre 1762. Ses fortifications furent rasées en 1767.
(2) Eimbeck ou Einbeck, province de Hanovre, sur Li Leine, affluent de l'Aller,
de regarder de trop près vos actions, s'était avancé dans cette partie ; l'apparition de M. d'Espies, par qui à son tour il aurait pu être inspecté, l'a fait rétrograder d'Eimbeck à Moringen. Le général Wangenheim a de même rétrogradé d'Hardegsen sur Uslar, et M. de Zastrow, qui l'y avait remplacé, paraît y être resté avec lui.
« Vous voyez par ce récit que vous n'avez aucune mauvaise rencontre à craindre pour votre retour, et que vous pouvez laisser prendre à vos troupes, dans le pays ennemi surtout, tout le repos dont elles peuvent avoir besoin. Gardez-vous seulement des mouvements imprévus de M. d'Ippenbrock, qui paraît cependant fort tranquille dans le Hartz, mais de la mauvaise volonté de qui je ne puis vous répondre. » (D. G., 3363, 1:28.)
L'armée de l'Empire campait sur la rive gauche de l'Elbe, vis-à-vis de Wittemberg; les Russes (général Tottleben), conjointement avec les Autrichiens (général Lascy), avaient mis à contribution la ville de Berlin, et le duc de Wurtemberg occupait Dessau. La position de ce dernier appuyait l'expédition de M. de Stainville et lui permettait de pousser jusque dans les duchés de Brunswick et de Luneburg; mais les avantages que les Prussiens venaient de remporter ayant obligé les troupes de Wurtemberg à se retirer sur Halle, M. de Stainville se replia sur Weissensée, où il trouva l'ordre de M. de Broglie lui prescrivant de se rapprocher de l'armée, de se retirer sur le comté de Hohenstein, appartenant au roi de Prusse, d'y lever des contributions, des chevaux, des voitures et des grains, et de revenir ensuite par Dingelstadt, Vacha ou Wanfried.
La saison avançait, et le maréchal attendait toujours les mouvements définitifs de l'ennemi. Ayant appris, le 30 octobre, de grena-diershanovriens revenus de Wesel, que le prince héréditaire se trouvait de sa personne à Paderborn, il craignit le rassemblement qu'il supposait dans le Hanovre, et manda immédiatement à M. de Cas-tries (le 1^''novembre) de déboucher de Wesel le plus tôt possible et de camper en avant de cette place; dans le cas oii les ennemis se replieraient, de s'avancer soit sur Dulmen, soit sur Dortmund, suivant leurs mouvements; de remuer à Wesel la grosse artillerie et d'exécuter toutes les démonstrations capables de faire croire
bassin du Wéser. Elle fit partie, au quinzième siècle, de la ligue hanséatique, déchue depuis la guerre de Trente ans.
aux ennemis aune entreprise sur Munster, s'ils s'en éloignaient. Les nouvelles que M. de Castries avait des manœuvres et de la position des ennemis se trouvaient toutes différentes de celles qui laissaient croire à M. de Broglie que le prince Ferdinand attirait toutes ses forces à lui; en effet, le prince se trouvait, le 29, à Rlein-Recken; le 30, ses troupes prenaient des cantonnements dans les environs, et un corps restait entre Dorsten et Lembech, couvert par la troupe de Scheitter, qui occupait Schermbeck, Lunen, Olfen et Haltern. Un corps de troupes légères seulement avait passé à Unna. Il fit faire des reconnaissances de ces positions, et, le 30 octobre, le ministre de la guerre recevait un rapport de M. de Bois-claireau au sujet de l'affaire qu'il avait eue avec les troupes établies à Schernbeck, au moment où il allait reconnaître l'ennemi.
M. de Boisclaireau au ministre de la guerre.
« A Wesel, le 30 octobre 17C0.
« Je vous dois compte des revers de la fortune comme de ses faveurs; c'est pourquoi je n'ai garde de vous dissimuler la moindre circonstance de ce qui m'est arrivé avec un détachement que M. de Castries a eu la bonté de me confier. L'objet de ma commission était de savoir au vrai la direction de la retraite des ennemis. Je ne pouvais m'en assurer qu'en leur ôtant un masque qu'ils tenaient à Schermbeck, où se réunissent les chemins de Dorsten et de Lembeck. Après avoir été bien instruit que ce poste n'était gardé que par le corps de Scheitter, je partis dans ce dessein, avant-hier, de Drevenack, où j'avais passé la nuit. Mon infanterie, avec toute la valeur que l'on pouvait attendre de son excellente composition, chassa les ennemis de tous leurs postes avancés, leur enleva Schermbeck et les vergers qui sont de l'autre côté. Les ennemis, dépostés de tous ces endroits, se formèrent sur la hauteur d'une plaine qui est par delà les vergers. Il ne s'agissait plus, pour mettre fin à notre histoire, que de priver l'infanterie ennemie du secours de sa cavalerie. Je me flattais que mes maîtres étaient plus que suffisants; mais vaine espérance : notre cavalerie, après une légère apparence de succès, s'est vilainement laissé enfoncer et est tombée dans une déroute qui serait devenue tragique, si je n'avais eu la précaution de placer à tout événement des grenadiers pour 1»
recevoir. Celle fuite n'a pas laissé que de coûter des hommes et des chevaux, parce que, comme ils ne choisissaient pas le chemin en s'en revenant, ils se sont abandonnés dans les cuisines d'un vieux camp, où nombre de cavaliers ont fait la culbute et sont demeurés au pouvoir de l'ennemi. Je leur avais fait faire un petit circuit par notre gauche, afin de ne pas les exposer en chargeant au feu de l'infanterie ennemie, que je tenais en échec avec la mienne par notre droite. Après ce désastre, je jugeai que je ne devais plus penser à garder Schermbeck, qui ne peut se soutenir qu'en restant maître des hauteurs; d'ailleurs, ma communication avec Wesel devenait très équivoque. Cela considéré, je pris le parti d'ordonner la retraite, qui s'est faite, grâce à Dieu, quoique suivi, avec assez (l'ordre pour ne pas perdre un seul homme. M. de Gastries m'a fait rentrer le lendemain. »
Le prince Ferdinand campait toujours à Warburg,et M. de Wan-genheim à Uslar. M. de Broglie lui supposait deux projets : l'un, de rasseml)ler toutes ses forces pour attaquer nos troupes sous Cassel, mais le manque total de subsistances dans la contrée qui les séparait ne paraissait pas lui en laisser la possibilité; l'autre, de se renforcer dans le pays de Hanovre et de chercher à attaquer M. de Lusace. L'exécution de ce dernier projet semblant plus praticable, on songea à augmenter son corps à mesure que les ennemis feraient passer des troupes sur la rive droite du Wéser, et, dès le 23, sur la nouvelle de l'arrivée d'un renfort au corps de M. Wangenheim, on mit en route 12 B., 6 E. et 12 pièces de canon. Un autre moyen, dont le maréchal pensait faire un usage avantageux pour empêcher la réunion de toutes les troupes du prince, consistait dans la diversion demandée avec instances à M. de Gastries, jugeant que si le prince avait eu l'intention de rassembler ses troupes sur la Diemel ou le Wéser, il n'aurait pas, après le siège de Wesel, laissé aussi longtemps le prince héréditaire sur la basse Lippe.
Le 5 novembre, le prince héréditaire s'était replié la veille sur Dulmen, et le corps de Dorsten y restait sous les ordres de M. de Breitembach. Suivant les différents rapports, il paraîtrait que les troupes du prince, qui avaient remonté la Lippe ne consistaient qu'en quelques régiments d'infanterie, peu de cavalerie et des troupes légères, et, quoiqu'on assurât qu'elles se dirigeaient vers
Beverungen, c'était un trop faible renfort pour causer une inquiétude réelle. Le maréchal n'avait encore rien arrêté pour ses quartiers d'hiver; cependant il se proposait de tenir dans le haut Rhin la majeure partie de ses forces, pensant que rien ne serait plus avantageux pour la sécurité de la Hesse que d'avoir à Wesel un corps assez considérable toujours prêt à marcher, et, réciproquement, un corps en Hesse sur le point d'entrer en Hanovre, si les ennemis s'affaiblissaient pour marcher vers le bas Rhin. De plus, il considérait comme très avantageux d'occuper Gottingen, qui lui assurait la navigation de la Werra et garantissait nos quartiers d'hiver. Seulement, comme les ennemis pouvaient nous la disputer et même livrer bataille, il demanda des ordres à Versailles, en exposant : 1" que, si le prince Ferdinand voulait entreprendre de troubler les travaux, la garnison de la ville et le corps de M. de Lusace, renforcé d'infanterie et des détachements de M. de Stain-ville, seraient en état de l'obliger à ne tenter cette opération qu'avec de grandes forces et une démonstration qui donnerait le temps d'être informé de ses mouvements; et que, dans le cas où l'abandon de la place deviendrait forcé, M. de Vaux avait ordre de la mettre hors d'état de servir contre nous; 2" que, si les ennemis différaient de douze à quinze jours, les ouvrages seraient assez avancés pour ne leur permettre de songer à l'attaque de la place qu'au printemps, parce qu'il paraissait impossible d'entreprendre ce siège pendant l'hiver. Le roi approuva le projet et laissa le maréchal maître de l'occupation de Gottingen.
En ce momentjlaface des choses changea en Saxe. Le roi de Prusse venait de rentrera Leipzig; vraisemblablement il allait reprendre sa position devant Dresde et occuper Freyberg; l'armée de l'Empire et le duc de Wurtemberg reviendraient sur des quartiers, derrière le Mayn.
Ces circonstances étaient bien différentes de celles qui avaient fait concevoir à Versailles le projet de conserver la Hesse pendant l'hiver; alors le roi de Prusse était en Silésie et les Autrichiens restaient maîtres de la Saxe et du cours de l'Elbe. Ce changement dans la position générale des armées alliées ne pouvait qu'influer infiniment sur celle de la Hesse; tout notre flanc droit et nos derrières, depuis Allendorf, sur la Werra, jusqu'àFulda, devenaient entièrement découverts. Le prince Ferdinand pouvait nous forcer sous Casse! ou
SOUS Goltingen, et pendant ce temps un corps détaché de l'armée prussienne s'avancer sur Yacha et sur Fulda, et nous jeter ainsi dans de grands, embarras. Cette nouvelle situation des affaires engagea M. de Broglie à demander de nouveaux ordres sur la conservation de la Hesse et de Gottingen, et, en attendant, il continua les travaux et jeta des approvisionnements dans la place.
Le maréchal de Broglie au maréchal de Belle-Isle.
« Cassel, le 3 novembre 1700.
« Vous verrez que je ne change rien à ce que je lui ai mandé dans ma lettre du 1"'' de ce mois (à M. de Gastries), me paraissant de plus en plus nécessaire de retenir sur le bas Rhin, par une diversion, le corps considérable des ennemis, et de les empêcher de réunir toutes leurs forces dans cette partie-ci. Il est certain que, s'ils le font, ils seront de beaucoup supérieurs à cette armée, et il paraîtrait que ce qu'ils auraient de mieux à faire serait de se porter sur elle et de chercher à la combattre, surtout après ce qui vient de se passer en Saxe : la rentrée du roi de Prusse dans Leipzig, et la vraisemblance qu'il ne s'en tiendra pas là et ramènera M. de Daun sous Dresde. Si cela arrive, et que l'armée de l'Empire et les troupes de Wurtemberg regagnent le Woigtland et la Franconie, comme dans ce cas-là elles le feront sans doute, cela rendra la position des quartiers d'hiver en Hesse beaucoup plus délicate, le roi de Prusse pouvant, de la haute Saala, s'il s'y établit une fois, envoyer quelques corps sur la haute Werra, tandis que le prince Ferdinand nous occuperait à Gottingen et Cassel. Dès que j'ai su que le roi de Prusse avait passé l'Elbe, j'ai toujours cru qu'il chercherait à décider le sort de la Saxe par une bataille, et que M. de Daun prendrait des positions à la lui rendre difficile à donner sans un grand désavantage; mais je ne m'étais pas attendu que, sans coup férir, Leipzig retombât entre les mains des Prussiens et que les Autrichiens se laissassent séparer de l'armée de l'Empire. Quoi qu'il en soit, je ne crois devoir rien changer au parti que j'ai pris de fortifier Gottingen, et je continuerai, à moins que les ennemis ne s'y opposent avec des forces considérables; et voici les raisons que j'ai pour en user ainsi : la volonté du roi étant
qu'on garde la Hesse, il n'y a de moyen de réussir que de se conserver la navigation de la Werra, parce que sans elle il est démontré impossible d'assembler à Munden, Witzenhausen et Gassel les magasins suffisants pour faire vivre les troupes nécessaires à garder cette partie et pour l'assemblée de l'armée au printemps. » (D. G., 3364,52.)
Le corps du prince héréditaire, diminué d'une faible partie, conservait une grande supériorité sur celui du bas Rhin; M. de Castries sentait l'impossibilité de donner de véritables craintes sur Munster et Lippstadt, tant à cause de la nature de ces places que par la difficulté de faire mouvoir la grosse artillerie dans les mauvais chemins qu'il avait à parcourir, et il exposa au maréchal sa situation en lui demandant des ordres sur sa conduite dans le cas où, s'avançant vers l'ennemi, il lui présenterait le combat.
Néanmoins, le 7, il fit déboucher de Wesel 13 B., qu'il étabHt en avant delà ville ; M. de Ghabo occupa en même temps Dreve-nach avec 4 B., des dragons, la troupe de Cambefort, de l'artillerie, et porta des détachements sur Schermbeck, occupé par l'ennemi.
Le 10, les troupes s'avancèrent à Drevenack, ofi fut appuyée la droite; la gauche longea la lisière d'un bois qui touchait au canal de l'Issel, et le quartier général s'établit à Pliesterberg. M. de Ghabo, avec l'avant-garde, se plaça en avant de l'armée, et M. de Thianges (1 ) resta dans le pays de Glèves avec 1 B. de milice et 1 régiment de dragons. Sur ce mouvement, les troupes ennemies qui cantonnaient dans les environs de Lunen, Haltern et Recklinghausen, s'étaient rapprochées de Dorsten. M. de Gaslries, ne pouvant se passer de troupes légères, venait de rappeler les Fischer, ainsi que les 4 B., pour s'emparer de Schermbeck. La marche de ce détachement et les mouvements de Fischer avaient eu, dans le duché de Bergh, tout le succès qu'on pouvait en attendre; le corps
(1) Damas (Jean-Pierre de), connu sous le nom de marquis de Thianges; né le 4 mars 1734; servit longtemps aux grenadiers Royaux; fit toutes les campagnes de la guerre de Sept ans; prisonnier à Cassel, le 2i juin 1762 ; mestre de cami) d'un régiment de dragons qui prit son nom; brigadier ; maréchal de camp; député aux états généraux par le IVivernois et le Donziois (Donzy, département de la Nièvre, au confluent de la Talvane et de la Nohain, capitale du Donziois, partie septentrionale du Nivernois); mort sans enfants, le 7 septembre 1800.
ennemi, du côté de la Roer, se replia également sur le camp de Dorsten, où il arriva ie 8.
Le maréchal ne donna point de nouveaux ordres à M. de Gastries; il lui rappela seulement ceux déjà envoyés.
Informé, le il, que le prince héréditaire se rendait àWarburg; instruit, d'ailleurs, delà victoire du roi de Prusse, remportée le 3, près de Torgau, sur l'armée autrichienne, de la retraite des Impériaux vers le Woigtiand (1) et de celle du duc de Wurtemberg sur Weymar, il craignit que le prince ne profitât de ces succès pour entreprendre quelque opération sur le Wéser ou dans la Hesse; et, voyant dans la diversion des troupes du bas Rhin le meilleur moyen d'empêcher la réunion des forces ennemies et de terminer la campagne, il prescrivit, le même jour (11 novembre), à M. de Gastries de s'avancer et même de menacer Hamm. II faut dire que M. de Broglie appréhendait moins une entreprise du princ e avec toutes ses forces que la nécessité de prendre ses quartiers d'hiver, l'ennemi étant encore rassemblé. Le corps du prince héréditaire, rassemblé entre Dorsten et Lembeck, ne fit cependant aucun mouvement qui pût laisser supposera M. de Gastries le projet d'une concentration avec l'armée du prince Ferdinand; les troupes françaises restèrent donc dans leur camp près de Drevenack, et il n'y eut, pendant qu'on s'observait de part et d'autre, qu'une tentative de surprise sur un poste de Cambefort pendant la nuit du 13 au 14.
Sur la droite du Wéser, les ennemis se montraient plus actifs. Le 11, le corps de Luckner décampa de Moringen, et, passant par Northeim, se porta surGieboldehausen, où il attaqua, le 12, M. de Schwartz (2), qui, fort inférieur, se replia sur un détachement de dragons commandé par M. de Pons (3). L'énergique résistance de ces officiers arrêta la poursuite des ennemis, et nos deux détachements purent se retirer sur Duderstadt, où était M. de Stain-ville.
(1) Woigtiand ou Vogtland, c'est-à-dire l'angle de la Saxe, qui confine à la Bo-liême, à la Bavière et à la Thuringe.
(2) Schwartz, capitaine au régiment des volontaires de Nassau, avec brevet de lieutenant-colonel; officier très actif, très intelligent.
(3) Pons, colonel d'Orléans-dragons. « Je ne saurais donner trop d'éloges à la conduite des officiers et à la bravoure des troupes. » (D. G., 35G4,159.)
Le 14, M. de Broglie apprit par un espion qu'un corps ennemi d'environ 18,000 hommes, venant de "Wesel, s'était dirigé de Paderborn par Driburg sur Beverungen et Hoxter, avait passé le Weser et pris, le 13, ses cantonnements aux environs d'Uslar. M. de Lusace dut alors se rassembler sur-le-champ pour recevoir l'ennemi. Pendant la nuit, un autre émissaire confirma l'arrivée de 8,000 hommes à Uslar pour attaquer M. de Lusace. Sentant la nécessité de renforcer son aile droite, le maréchal envoya immédiatement M. de Rougé, avec 3 B. de grenadiers et chasseurs et 12 pièces de canon, à Hedemunden sur la Werra, et M. de Saint-Pern, qui cantonnait à la gauche de cette rivière, eut ordre d'envoyer à M. de Rougé 30 compagnies de grenadiers de France et Royaux et 1,200 hommes d'infanterie.
Le 16, le prince Ferdinand est de sa personne au camp d'Uslar. Toutes les nouvelles assuraient qu'il contenait 8,000 hommes; que 6,000 se trouvaient à Moringen, 10,000 autres à Northeim, et que Luckner, avec 4 ou 5,000, occupait Dutterstadt. Cette disposition semblait menacer M. de Lusace. Les ouvrages de Got-tingen(l) se trouvant terminés et la place bien approvisionnée, le corps de la Werra devait naturellement se retirer, et son général reçut l'ordre de commencer son mouvement le 17. Ne voyant paraître aucune troupe ennemie, M. de Lusace ne se replia que le 19, et repassa la Werra à Allendorf, se dirigeant vers ses quartiers ; M. de Stainville marcha aussi, le 19, d'Eschwège à Eisenach avec 4 B. saxons, 1 brigade de dragons et les volontaires de Schomberg, pour couvrir l'établissement des Saxons sur la haute Werra; les autres troupes allèrent à Wanfried, et on laissa dans le château d'Arnstein, en avant de Witzenhausen, de l'infanterie et quelques hussards aux ordres de M. de Verteuil, capitaine, ce poste étant nécessaire pour protéger la navigation de la Werra .
Différents régiments s'étaient déjà acheminés, dès le 10, des environs de Gassel vers Giessen et Francfort, et un convoi très considérable d'artillerie avait pris la même route, en sorte que
(1) Garnison de Gottingen. Commandant et gouverneur : M. de Vaux, lieute-nantgénéral. Infanterie : volontaires de Flandre et de Hainaut, 3,800 hommes. Cavalerie : détàcheiaeni& de dhen régiments, dont 180 Berchiny, 750 hommes. (D. G., 35Gi, 306.)
l'armée se trouvait déjà fort affaiblie. Bien que la saison rassurât sur toute tentative contre Gottingen, néanmoins on crut nécessaire de tenir sous sa main encore quelques jours les troupes quires-taient, afin de surveiller les mouvements de l'ennemi sur la Diemel.
Enfin, le 23, l'infanterie se cantonne, très rapprochée de Cassel, de manière à être rassemblée en deux heures dans le camp retranché, et la plus grande partie de la cavalerie est dirigée sur la Lahn, en Wettéravie et sur leMayn; les hussards de Turpin sont envoyés à Siegen, pour couvrir cette contrée, et dans la basse Lahn. Dès que nos troupes furent en mouvement, les ennemis s'ébranlèrent sur tout le front de notre position, tant du côté de la Diemel que de la "VVerra.
Le 24-, un détachement de quelques milliers d'hommes s'avance dans les bois derrière Ehrsten, oîi il demeure jusqu'au 27, puis dans les villages de Meinbressen et de Westuffeln. M. de Viomes-nil, capitaine, envoyé pour les observer, les rencontre, les attaque le sabre au poing, et leur prend hommes, chevaux et l'officier de hussards à leur tête (1). Le même jour, M. de Montfort surprit un poste de 200 hommes. Le lendemain, pendant la nuit, il fut attaqué à son tour par 2 B. des gardes hanovriennes, 2 de celles de Brunswick, de la cavalerie et du canon, commandés par le général Breitenbach. Ne pouvant tenir devant ces forces, il voulut se retirer sur l'autre rive de la Werra; mais le peu de sang-froid des bateliers occasionna un tel désordre qu'il fut obligé de gagner précipitamment les bois de Munden. M. de Veltzer, capitaine des volontaires d'Austrasie, avec un retranchement à peine commencé sur les bords de la Werra, s'y défendit si courageusement que les ennemis se retirèrent, après avoir essuyé une perte de 190 tués ou blessés.
A ce moment, M. de Broglie jugea bon de mettre M. de Belie-lsle au courant des difficultés de sa situation, et il lui écrivit le 21 novembre : « A présent que par la tournure qu'ont prise les affaires en Saxe, par les quartiers que le roi de Prusse occupe sur la Saala, par la retraite de l'armée de l'Empire dans la forêt de Thuringe, par le parti, que M. de Montazet me mande aujourd'hui, que M. 0'
(1) Plusieurs actions de ce genre ont fait remarquer M. de Yiomenii dans cotte campagne. (D. G., Bulletin, 3565, 220.)
Donnel, qui commande l'armée de l'Impératrice, a pris de la faire rentrer dans ses quartiers et de ne rien entreprendre, il est certain que je ne pouvais pas prendre des quartiers en avant de la Werra, quand même je gagnerais une bataille. Je ne sais s'il serait à propos de s'y commettre, surtout quand les subsistances doivent nous forcer bientôt à nous retirer, après même le succès le plus avantageux. C'est au roi à me donner ses ordres sur un objet si important; je les exécuterai exactement, si toutefois il peut m'être possible de rassembler assez de subsistances pour pouvoir tenir l'armée réunie quatre jours, ce dont je suis très éloigné de répondre. Ce que vous aurez de la peine à vous représenter, c'est quelle doit être la situation d'un général qui court les plus grands risques, s'il ne rassemble pas son armée quand l'ennemi a la sienne rassemblée, et très près de lui, et qui est certain d'être obligé de se retirer et d'évacuer le pays, s'il la tient seulement quatre jours. Voilà mon état présent, qui est tel depuis longtemps, et qui ne cessera que quand nous nous serons assez rapprochés de nos dépôts pour pouvoir s'assurer que nous pourrons former des magasins à portée des lieux où il faudra combattre. Comme l'intention du roi est qu'on retarde ce moment, je n'y négligerai certainement rien, quelque inquiétude et quelque peine de corps et d'esprit que puisse me donner un état aussi critique que celui-ci. »
Le prince héréditaire restait à Klein-Recken, après avoir cantonné quelques régiments de cavalerie et en voyédans le duché de Bergh de faibles détachements que les nôtres firent replier. D'après toutes les nouvelles, il se préparaità mettre son corps en quartiers d'hiver. Le 28, M. de Castries quitte Drevenach, passe le Rhin, dont la crue menaçait le pont, et se cantonne, la droite à Rheinberg et la gauche àXanten. Les Fischer et la troupe de Cambefort s'établissent sur la rive droite, en avant de Wesel.
Le 30 novembre, le prince héréditaire lève son camp de Dors-ten et en retire toutes ses troupes, qu'il établit dans l'Ost-Frise et dans le pays de Munster. M. de Castries devant rentrer en France, M. de Muy, destiné à commander la réserve du bas Rhin pendant l'hiver, arrive à Dusseldorf le 5 décembre.
La séparation des troupes du prince héréditaire assurait la tranquillité du bas Rhin ; il n'en était pas de même en Hesse. Le prince Ferdinand occupanttoujours des cantonnements très resser-
rés, M. de Broglie n'avait pu faire entrer qu'une partie de ses troupes dans leurs quartiers; le reste campait toujours près de Gassel. Il rappelle à Eisenach, avec la plus grande partie des Saxons, M. de Lusace, qui occupait Vacha ; il ordonne aussi à M. de Stainville de s'avancer vers Mulhausen avec les 4 B. saxons, 1 de ses régiments de dragons et celui de Schomberg. Ce général s'établit à Gotha, cantonnant ses troupes entre Eisenach et Langensalza; dans cette position, il pouvait inquiéter le flanc gauche des ennemis et rendre plus difficile la rentrée des fourrages qu'ils tiraient de la contrée d'Eychfeld. Afin de se mettre encore plus à portée de renforcer M. de Lusace sur la Werra, dans lecasoii celui-ci eût été obligé de s'y replier, le maréchal remplace les Saxons à Vacha par le régiment de Castella, et avance 4 autres B. de la Fiilda à Sontra, et 6 à Rothenburg. Toutes ces troupes, par cette position, arriveraient promptement sur la Werra ou sur Gassel. Cependant le prince Ferdinand s'éloigne de Gottingen, et M. de Vaux en profite pour introduire dans la place tous les approvisionnements.
L'armée ennemie était ainsi disposée : le corps de Wangen-heim à Moringen, celui de Mansbach à Dutterstadt, celui de Kilmansegg à Lindau, celui de Luckner à Ileilingensladt, et le prince Ferdinand à Uslar, occupant les bords de la Diemel avec son infanterie, et avec la cavalerie ceux du Wéser, où elle pouvait subsister facilement; en outre, un corps de 10,000 hommes, venu du camp de Beckum , arrivait depuis quelques jours à Rhuten et Brilon, où le prince héréditaire se trouvait le 16, pour gagner Lippstadt.
Toujours sans nouvelles du prince Ferdinand, le maréchal jugeait sa position toute momentanée, en attendant que la gelée lui permît de reprendre ses opérations. Il en était de même d'un corps prussien avancé sur la Saala et dans la contrée de Northau-sen, et comme on venait d'apprendre l'arrivée du roi de Prusse, le 11, à Leipzig, l'inaction de ces troupes pouvait avoir le même motif que celle du prince Ferdinand. M. de Broglie était donc peu rassuré sur l'exécution d'un projet combiné par l'ennemi sur la droite de nos quartiers, bien que l'armée de l'Empire et le général Haddick eussent ordre de coopérer à la conservation des territoires occupés par l'armée française. Les troupes de l'Empire ne dépassaient pas 14 ou 15,000 hommes, bien faible garde pour notre
ligne de défense depuis Zwickau jusqu'au passage d'Ilmenau ; de plus, d'après les nouvelles rapportées par M. Baudouin, envoyé auprès de MM. O'Donnel et Haddick, ce dernier n'était pas en état d'agir offensivemenl contre le roi de Prusse; le secours attendu devait plutôt être destiné à se tenir à portée de la gauche de l'armée autrichienne qu'à joindre celle de l'Empire, et, au premier mouvement du roi de Prusse, tout rentrerait en Bohême. Les troupes de Wurtemberg, sur lesquelles on aurait pu compter, cessant d'être soudoyées par l'Impératrice, allaient rentrer dans leur pays, de sorte que le maréchal se trouvait réduit à ses propres forces, et la situation en devenait plus embarrassante pour conserver, jusqu'à l'ouverture de la campagne suivante, la Hesse, Cassel et Gottingen.
Le ministère préparait en ce moment les dispositions d'une nouvelle campagne, et, le 27 décembre, M. de Broglie fut informé de la résolution arrêtée de faire agir deux armées en Allemagne , l'une sur le bas Rhin, l'autre en Hesse.
Ainsi, après avoir rejeté hors de la Hesse l'armée des alliés, délivré le bas Rhin, fait lever le siège de Wesel par les forces envoyées vers la fin de septembre, en reprenait les mêmes quartiers qu'on y occupait depuis Gohientz jusqu'à Clèves, pendant l'hiver de 1759 à 1760, il essaya de tenir la ville et le landgraviat de Cassel avec la plus grande partie de son armée. 11 a placé sa droite à la Werra, laissant Gottingen en avant d'elle; il a bordé par des détachements le cours de celte rivière, celui de la Fulda, de l'Edder, de la Schwalm, de l'Ohm, de la Lahn, de la Dill, et il a porté à Siegen la gauche de sa première ligne, qu'il a étendue jusqu'à Siegberg, à six lieues de Cologne, pour la lier avec la réserve du bas Rhin. Une partie de ses troupes légères sont vers les sources de la Sieg, de la Lahn et de l'Edder, occupant les abords du duché de Westphalie et du comté de Waldeck; elles couvrent les quartiers que la raison des subsistances l'a forcé de reculer vers les comtés de Hachenburg, de Neuwied et de la basse Lahn ; le reste de ses forces s'étend en profondeur entre la Lahn, le Rhin et le.Mayn. Les châteaux de Ziegenhain, de Marburg, de Dillen-burg sont dans le centre et vers la gauche de la première ligne, la ville de Cassel et la Hesse forment la pointe avancée de. la droite.
L'inaction des ennemis se prolongeait, et, en attendant les instructions que le maréchal avait demandées, le 23 décembre, sur la conduite à tenir dans sa position, il dirige vers leurs quartiers la plus grande partie des troupes retenues près de la Fulda et de la Werra; mais en même temps, pour ne pas perdre de vue l'ennemi, il le surveille de tous côtés par des détachements (1).
(1) Position générale de l'armée an 30 décembre 1760:
Infanterie: Castella, 2, Fac/io,-Saxons, 13, de r/e/"/Mr<sur la Werra à ^ùe-nach; Jenner, 2, Btitzback; Courten, 2, Lichtenau; volontaires de Hainaut et d'Auslrasie, Wfln/^//ed; Picardie,'4, Eschwege ; ^oàknQ, 2, /IZZenrfor/",-volontaires le Camus et Chantilly, 3, Oberode; Condé, 2, Witzenhausen; Durfort, 2, Altne-rode sur la Gelsler; Grenadiers de France, 4, Aquitaine, 2, Munden, confluent de la Werra et de la Fulda; Provence, 2, Sandershausen; Navarre, 4, Beisunce, 4, Casscl; volontaires de Saint-Denis, Saint-Victor, Neufcliatel, 2, Krumbach; Champagne, 3, Ob. et Nied. Zivehren; volontaires de Clermont et Dauphiné, Nord-/lOMien,-Bourbonnais, 4, Gilserberg; l^arhonne, 2, Fritzlar sur l'Edder-, Royal-Suédois, 3, Friedberg; Dauphiné, 2, Fulda; Diesbach et Epptingen, 4, Hirs-chfeld; Nassau, 3, Treyssa; Nassau, 3, Ornans, 1, Ziegenhain; la Marck, 3, Gemunden; Bulkeley, 1, Royal-Ecossais, 1, O'Gilvy, 1, Dillon, 1, Murburg ; Boccard, 2, Redding, 2, Salis, 2, Bervvick, 1, Clarck, 1, Roth, 1, G^eA^seH ; le Roi, 4, Hanau; Royal-Deux-Ponts, 3, \A'aldner, 2, Francfort; volontaires de Mouy,
1, Villepatour, 1, Laon, 1, Offembuch; Paris, citadelle de Coblentz. (D. G., 3565, 253.)
Cavalerie: Commissaire-général, 2, Geisa; Ericy, 2, Hof-Bieber; Bourhoa-Busset, 2, Fulda; Seissel, 2, Dornbach; Mouslier, 4, Bischausen; Rey, 2, Rei-chen-Saxen; Lusignan, 2, Wipperode; Cuirassiers, 2, Gross-Borsel; Noé, 2, Datterode; Chabrillan, 2, Rambach; Dessalles, 2, Weissenborn; Dauphin, 2, Ergershaus; Condé, 2, Armstein; Fieury, 2, Hahn; Fitz-James, 2, et Royal-Allemand, 2, Lungensckivulbach; Wurtemberg, 2, Idstein; Nassau, 2, Wiesbaden; Bauffremont, 4, Apschon, 4, Hanau; Carabiniers, 10, Limburg; Royal, 2, Orléans,
2, Damas, 2, la Rochefoucauld, 2, Montabaur et environs; Orléans, 4, Caranian, 4, ISastatten; Tous,tain , 2, T/'eôwr,-Royal-Nassau, 4, Turpin, 6, SJe(?en et environs; le Roi, 4, la Ferronnays, 4, Schomberg, 3, Gotha; légion Royale, Ober et Nieder Weijmar; volontaires de Dauphiné et de Clermont, Alzey et Kreutz-nach. — Total: 103 B., 95 E.
Troupes sur le bas Rhin : M. le marquis de Muy, lieutenant général, commandant. — De Torcy, à Cologne, 11 B., 8 E. — D'Auvel, à Dusseldorf, 6 B., 2 E. — Duché de Bergh, le corps de Fischer, 2 B. —Maugiron, à Meurs, 6 B., 8 E. — Duisburg, pays de Prusse. — Castella, à Wesel, 10 B. — De Voyer, à Clèves, 9B., 10 E. — De Polignac, à Gueldre, 1 B., 4 E. — D'Andlau, à Liège, 5 B., 12 E. — Total : 50 B., 44 E. (D. G., 3563, 206.)
CHAPITRE V.
CAMPAGNES DE FRÉDÉRIC (1760).
Av7'il. 22. Le roi de Prusse rassemble son armée entre Meissen et Nossen.
Juin. 5. Le général Fouquet quitte son camp de Landshut afin de couvrir Breslau menacé. — 17. Le général Hulsen est laissé par le roi avec 14,000 hommes entre Meissen et Nossen pour contenir le maréchal Daun, pendant que le général Loudon fait resserrer Glalz par un détachement de son armée, et feint de vouloir attaquer Neisse et Schweidnitz. — 14 au 15. Le roi passe l'Elbe au-dessous de Meissen, marche au comte de Lascy, qui couvrait Dresde sur la rive droite; celui-ci se replie à son approche. —17. Les manœuvres des Autrichiens déterminent le général Fouquet à revenir sur ses pas, et il réoccupe le camp retranché de Landshut, destiné à couvrir Glatz, pendant que le prince Henri de Prusse, chargé de contenir les Russes, arrivée Francfort où il passe l'Oder, s'approche delà Wartha et campe .'i Meseritz sur l'Obra. — 22. Le prince de Deux-Ponts occupe Plauen avec son armée. —23. Le général Fouquet (1),
(1) La Motte-Foufiuet (Henri-Auguste, baron de), né en 1698, à la Haye, d'un Français réfugié. A dix-sept ans, il assiste en 1715 au siège de Stralsund; colonel d'un régiment; général-major en 1743; rend de grands services pendant la guerre de Silésie et la guerre de Sept ans; en 1760, se défend à Landshut avec 8,000 Prussiens contre 28,000 Autrichiens; captif en Croatie jusqu'en 1763; mort le 2 mai 1774. Il donna des marques de sa capacité et de sa bravoure personnelle; on lui reprochait trop de pédanterie, et la raideur de son caractère le portait toujours à préférer ses opinions à celles des autres.
attaqué à Landshut par le général Loudon, à la tête de cinq corps séparés qui l'enveloppent, est blessé et fait prisonnier après un combat opiniâtre de 5 heures. Les débris de son armée rejoignent le général Ziethen près de Breslau.
Juillet. 2, Le roi se met en marche vers la Siîésie et feint de vouloir dégager Glalz. — 3. A cette nouvelle, le maréchal Daun se dispose à prévenir le roi de Prusse et détache le comte de Lascy avec mission de poursuivre l'arrière-garde de Frédéric. — 8. Le roi, ayant réussi à faire prendre le change au maréchal Daun, décampe de Klein-Bautzen, revient sur ses pas, se dirigeant sur Dresde. — 13. Après avoir passé l'Elbe au-dessus de Meissen et repoussé jusqu'à Pirna le corps de Lascy, il s'empare des faubourgs de Dresde, resserre la place et somme le général Maquire, commandant, de la lui remettre par capitulation ; sur son refus, il commence, dès le 17, à bombarder la ville avec sa grosse artillerie, venue de Meissen et de Torgau. — 18. Le prince de Holstein, chargé débloquer Dresde par la rive droite de l'Elbe, est obligé de repasser le fleuve à l'arrivée du maréchal Daun, qui, apprenant que le roi a changé sa route et se trouve près de Dresde, revient sur ses pas, force le corps prussien à traverser l'Elbe et, le 21, introduit des secours dans la place. — 20. A l'arrivée du maréchal Daun, Frédéric fait brûler les faubourgs de Wilsdruf et de Pirna. —20 au 21. Le lieutenant général Draskowitz et le général-major Gri-beauval (l), disposant d'un corps d'armée de 15,000 hommes, cou-
(1) Gribeauval (Jean-Baptiste Vaquette de), né à Amiens, le 14 décembre 1715; incorporé en 1732 au Royal-Artillerie; en 1735, officier pointeur; en 1747. capitaine de mineurs; en 1749, il fait prévaloir en principe l'usage de Vaffàt déplace, de son invention; en 1754, fait adopter l'usage d'un caisson à munitions pour remplacer l'attirail des anciennes voitures d'artillerie; maréchal de camp en 1762; 19 juin 1765, lieutenant général; premier inspecteur de l'artillerie de France. Les deux épisodes les plus saillants de sa carrière sont la prise de Glatz et la défense de Schweidnitz.
Le 13 août 1762, Frédéric écrivait au marquis d'Argens, directeur des belles-lettres de l'Académie de Berlin : « Je suis aussi malairoit à prendre des places qu'à faire des vers. Un certain Gribeauval, qui ne se mouche pas du pied, et 10,000 Autrichiens nous ont arrêtés jusqu'à présent. Cependant le commandant et la garnison sont à l'agonie. « Et le 2(3 septembre : « Je ne veux plus être prophète, je crois que cela pourra durer encore quelques jours. Le génie de Gribeauval défend la place plus quo la valeur des Autrichiens. »
vrent la tranchée devant Glalz, défendu par le colonel d'O, qui fut obligé de capituler le 26, après l'assaut de la forteresse. — 22. Le général Soltikow, qui, depuis le 18, rassemblait à Posen une armée de 68,000 bommes, se met en marche, s^approche de Breslau et se réunit, le 27, au général Loudon qui, chargé d'agir de concert avec les Russes, arrive aux environs de Breslau. Le général Czernicbew est à la tête de l'avant-garde de l'armée russe. — 29. Le roi, devant l'échec que lui fait subir la garnison de Dresde, en lève le siège (1), se retire sur Kesselsdorf et, le 30, se porte au-dessus de Meissen, laissant le général Hulsen sur la rive gauche de l'Elbe pour observer l'armée de l'Empire campée près de Dresde, pendant que le prince Henri, pour empêcher la jonction des Russes et des Autrichiens, s'était porté sur Glogau et y passait l'Oder.
Août. P^ Le roi passe l'Elbe à la tête de 40,000 hommes et se dirige sur Buntzlau par Grossenhayn et Ronigsbruck; le maréchal
Enfin le 9 octobre, une bombe met Scbweidnitz à la merci du roi de Prusse, et son amour-propre est si froissé qu'il refuse de voir Gribeauval.
Malgré les témoignages de gratitude dont Marie-Thérèse le combla, il rentra en France. Le duc de Choiseul, alors ambassadeur à Vienne, qui avait connu Gribeauval, lui confia le soin de la réorganisation de l'arlillerie. Ses travaux durèrent huit années, indépendamment des questions personnelles, d'améliorer le sort de l'artilleur, de faire à l'officier une situation honorable, le matériel fut l'objet d'une rénovation complète. Il créa le système d'artillerie de campagne, inauguré en 1765 et dont il fit pour la première fois l'épreuve pendant la campagne de Corse en 1769. « Là, dit un contemporain, on put admirer avec quelle facilité l'artillerie parvenait à établir sur les montagnes les plus escarpées des canons de diflërents calibres et à désespérer un ennemi surpris par la foudre qui éclatait sur sa tète, du haut de ces rochers réputés inaccessibles. »
C'est à l'excellence reconnue du matériel Gribeauval qu'on a très justement attribué la supériorité de nos feux pendant les guerres de la révolution, de l'empire et de la restauration, aujourd'hui remplacé par un ensemble d'api)areils dus aux progrès de nos arts industriels. L'àme de Gribeauval était d'une trempe vigoureuse, énergique, et d'une honnêteté légendaire comme celle de Vauhan. « Dieu, disait un jour Vauban à un grand personnage, m'a fiit naître le plus pauvre gentilhomme de France; mais pour l'honneur et la probité je ne crains ni vous, ni le roi, ni personne. » Gribeauval mourut à Paris, le 18 mai 1789, quatre jours après l'ouverture des étals généraux.
(1) 1 B. de Bernburg, qui n'avait pas fait son devoir au siège de Dresde, en fut puni par la honte de ne plus porter le sabre. Celte correction, sensible à tout soldat qui a de l'honneur, fit une impression avantageuse dans l'armée et donna à cette troupe l'envie de réparer sa faute, ce dont elle trouva l'occasion à la bataille de Liegnitz.
Daun, prévoyant son mouvement, campe à Hoyerswerda et s'avance à Bautzen; le 6, il devance Frédéric en Silésie, campant entreLie-qenlhal etLowenberg, et le 9 à Goldberg. Le général Loudon,qui, le premier, avait commencé le siège de Schweidnitz, est obligé, le 3, de le lever et de se retirer dans les environs à l'approche du prince Henri; le -4 à Neumarkt, le 5 près deBreslau, il se trouve, le 12, à la vue du corps russe du comte Soltikow, cbargé de couvrir les ponts d'Auras sur l'Oder. — 10. Le roi s'avance jusque derrière Lie-gnitz.DuI4 au 15, il fait entretenir les feux de son camp deLiegnitz; à 9 heures du soir, il traverse Liegnitz et oppose le général Ziethen aux corps deLascy, BecketDaun. —15. A 2 heures du matin, il fait reconnaître la marche de Loudon et, averti de son arrivée, se met en bataille entre Humel et Panten, le repousse derrière la Ratzbach et s'avance jusqu'à Bienowitz, et de là à Parschwilz. Le maréchal Daun et les généraux Lascy et Beck, portés sur le camp de Liegnitz, le trouvent abandonné par les Prussiens et perdent trop de temps pour secourir le général Loudon, qui, trompé aussi par les feux que Frédéric avait fait entretenir dans le camp de Liegnitz, s'était avancé sans défiance; battu, il se retire à Strie-gau. Quant au général Gzernichew, qui, le 14, avait passé TOder avec l'avant-garde russe pour faciliter la jonction avec le général London,àlanouvelle de cetéchec, il repasse l'Oderet replie les ponts d'Auras. L'affaire commença le 15, à la pointe du jour, et finit vers les 6 heures du matin. —16. Le roi marche à Neumarkt pour se réunir près de Breslau au prince Henri, et le maréchal Daun, rassemblant ses troupes, se dirige sur Striegau et se poste, le 17, près de Schweidnitz, qu'il veut assiéger. —17.Le général Hulsen, craignant d'avoir ses communications coupées, se retire à Strehla dans un camp retranché; le 20, menacé d'être entouré, il se fait jour avec sa cavalerie et arrive àTorgau. — 27. Le prince Henri, àTrebnitz, envoie 10,000 hommes à Glogau pour observer les Russes, que le général Gzernichew essaye de séparer du roi, et le rejoint à Lissa. Le prince de Deux-Ponts, campé le 18 à Riesa, du 19 au 20 en avant de Marxdorf, àRonitz, partage, le 20, son armée en quatre corps, et, appuyé par le prince de Wurtemberg arrivant à Gotha, d'où il se dirige sur MerseburgetHalle, essaye d'envelopper les Prussiens dans leur camp de Strehla ; mais, le 22, en position près de Torgau à la vue des Prussiens et jugeant qu'ils sont inattaquables,
il passe l'Elbe (1) le 25, pour menacer Witlenberg, les marches de Brandeburg et obliger le général Hulsen à battre en retraite; mais le 30, voyant ses démonstrations sans succès, il repasse l'Elbe.— 29. Le roi, parti de Lissa pour s'approcher du maréchal Daun, campe, le 30, à Rontschen, près de Schweidnilz et des Autrichiens.
Septembre. 3. Le roi détache 10,000 hommes destinés à éloigner le général Nauendorf, établi sur les hauteurs deStriegau; de sa personne, il marche à Landshut pour couper le maréchal Daun, qui, le 11, afin d'assurer ses communications avec la Bohême, campe àRei-chenau à la vue de Frédéric. — 11. Le général Soltikow abandonne Herrnstadt, se dirige le long de l'Oder, au-dessous de Glogau, et, le 16, fait jeter des ponts à Garolath. — 15. Le prince de Deux-Ponts dépêche près du duc de Wurtemberg (qui, arrivé à Halle le 10, envoyait sommer Leipzig) le général Haddick, pour concerter un plan afin d'éloigner les Prussiens de Torgau.— 16. Le roi rencontre la droite des Autrichiens, qui sont obligés d'abandonner brusquement leur position de Reichenau, et le maréchal Daun se voit forcé de faire face au roi. — 18. Le duc de Wurtemberg s'avance de Bitterfeld sur Torgau, et, le 19, le prince de Deux-Ponts détache plusieurs corps pour chasser le général Hulsen de Torgau. — 19. Le comte Soltikow campe à Rarolath, en même temps que Czernichevv traverse l'Oder avec l'avant-garde. Le 20, Soltikow passe l'Oder, et le même jour Czernichew se porte à Freistadt. — 26. Le général Hulsen, craignant d'être enveloppé dans son poste de Torgau, passe l'Elbe et va s'établira Wiltenberg, abandonnant dans Torgau le général Hermann, qui est obligé de se rendre prisonnier de guerre avec 2,500 hommes. — 28. Le général Lascy, détaché parle maréchal Daun, marchesurBerlinavec 18,000hommes, pendant que, le 29, Gzernichew avance à Guben, et, le 30, fait porter le comte Tottleben à Beeskow avec son corps, et que le général Soltikow s'avance à Bobersberg.
Octobre. 2. Le général Hulsen, attaqué par le prince de Deux-
(1) Elbe, fleuve de Bohême, tributaire de la mer du Nord, prend sa source dans le Riesengeberge, sur la limite de la Bohême et de la Silésie, d'abord dans une vallée étroite, puis décrivant une large courbe. Au-dessous de Lowosilz, il coule entre i'Erzegebirge à gauche et les montagnes de la Lusace à droite, puis se resserre au défilé de Schaudau et du Winterberg, enfin arrose la Saxe, entre dans le Hanovre et se termine à Cuxhaven.
Ponts, est obligé de quitter sa position en avant de Wittenberg et de se replier sur Berlin par Potsdam. — Wittenberg est investi. — 3. Le général Rochan, commandant la place de Berlin, se détermine à résister aux Russes avec quelques B. de garnison, devant Tottleben, qui, le 4, bombarde la ville, tente de s'emparer des deux portes, d'où il est repoussé; le o, après avoir épuisé ses munitions, il se relire sur les hauteurs de Tempelhof et de là à Kope-nick; il est rejoint par Czernichew, qui lui amène 12,000 hommes en s'avançant de Francfort. — 4. Le prince de Wurtemberg, en route contre les Suédois, revient de Templin à Berlin, et suit les Russes sur les hauteurs de Tempelhof; il se retire devant leur résistance. Hulsen et le prince de Wurtemberg, le 9, reviennent à Brandeburg par Spandau. — 4 au o. Le major Relier, craignant d'être entièrement coupé, évacue la ville <le Leipzig, où il commandait, et se replie sur Magdeburg. — 6. Le roi, instruit des événements de Berlin, quitte Schweidnitz à la hâte et marche à grandes journées par Jauer, Haynau et Sproltau pour délivrer la Marche électorale; il est suivi, le 8, par le maréchal Daun. Tottleben et Czernichew, renforcés de 6 régiments d'infanterie, attaquent tous deux les portes de Halle et de Francfort, en même temps que le comte de Lascy appuie les Russes et que le général-major prince de Lichtenstein fait sommer Berlin de se rendre. Le général Hochan rend Berlin et est fait prisonnier de guerre, le 9, avec 4,000 hommes. — ] 1. Le roi arrive à Sagan, et le 14 à Lubben. Le général Werner se porte, le 12, à Treptow ; le comte de Lascy se retire à Torgau à la nouvelle de l'arrivée du roi de Prusse, et Czernichew à Francfort, où, le 14, il passe l'Oder. —14. Le prince de Deux-Ponts s'empare de Wittenberg, malgré la défense courageuse du général-major Slemnen, et le lo, après avoir passé l'Elbe près de Wittenberg, il abandonne cette ville en démolissant les fortifications. Quant au duc de Wurtemberg, il se sépare de l'armée de l'Empire, le 20, pour gagner Halle. — 20. Czernichew est àLandsberg et le comte de Lascy (1) à Rosel, dont il se dispose à faire le siège. —
(1) Le maréchal Munnick tombé en disgrâce à la suite de la révolution de novembre 1740, c"est à Lascy (Maurice-Pierre, comte dd. né à Limerick en 1678, mort en 1751, que fut confiée l'armée russe destinée à opérer contre la Suède, avec Keith pour lieutenant général. Une grande intelligence de la guerre, beaucoup de ressources dans l'esprit, beaucoup de résolution et de vigueur. Son (ils, né en
21. Le roi quitte Lubben où il s'était avancé, se portant vers Torgau, et, arrivé près de Wittenberg le 22, traverse l'Elbe le 26, et fait occuper Leipzig le 30. —22. Daun campe vis-à-vis de Torgau, passe l'Elbe le 2-4. Le maréchal de Deux-Ponts, dirigé sur Eulen-burg le 24, marche à Leipzig le 29. — 31. Le général Gollz, détaché en Silésie pour contenir le général Loudon, arrive près de Breslau avec 18,000 hommes.
Novembre. 1*'. Le roi marche à Eulenburg pour s'établir sur les derrières du maréchal Daun, qui aussitôt fait changer de front à son armée et occupe une position avantageuse près de Torgau. — 2. Le roi part d'Eulenburg, repousse le général Brentano et campe près de Schilda, pendant que le prince de Deux-Ponts abandonne Leipzig et arrive àColditz; il prend, le 7, des cantonnements aux environs de Ghemnilz et remet son commandement au général Haddick, qui choisit, le 20, ses quartiers d'hiver en Franconie.
Le roi de Prusse à ses généraux.
« Le 2 novembre 17G0, veille de la bataille de Torgau,
« Je vous ai assemblés. Messieurs, non pas pour vous demander votre avis, mais pour vous dire que j'attaquerai demain le maréchal Daun. Je sais qu'il est dans une bonne position; mais en même temps il est dans un cul-de-sac, et, si je le bats, toute son armée est prise ou noyée dans l'Elbe. Si nous sommes battus, nous y périrons tous, et moi le premier. Cette guerre m'ennuie; elle doit vous ennuyer aussi : nous la finirons demain. Ziethen, je vous donne l'aile droite de mon armée; votre objet sera, en marchant droit sur Torgau, de couper la retraite des Autrichiens quand je les aurai battus et chassés des hauteurs de Suptitz. »
Le maréchal Daun, attaqué vigoureusement par le roi dans sa position de Torgau, est blessé et obligé de se retirer à la fin de la
1718, qui joua un si grand rôle dans la guerre de Sept ans, entre au service de l'Autriche; sa vigilance, son coup d'oeil, le firent remarquer par Daun. Bienlùt major général, il montra une grande habileté à former les troupes, à les diriger, tout en faisant preuve de supériorité dans les diverses branches de l'administration ; feld-maréchai; mort en 1801. (Archives de Vienne.)
journée. II remet le commandement de l'armée au général O'Donnel, qui bat en retraite à la faveur des ténèbres, passe l'Elbe àTorgau et se replie sur Radeberg, où il arrive le 7. L'armée de l'Empire se retire en Franconie, les Suédois hivernent àStralsund et les Russes regagnent la Vistule. —Le roi, en position à Meissen, s'avance aux environs de Resselsdorf ; alors le général O'Donnel (1) part de Radeberg, passe l'Elbe à Dresde et occupe le camp de Plauen. — 15. Le roi s'approche davantage de Dresde,-dont il pense à faire le siège; mais, le 18, il se replie à Meissen.
Décembre. 8. Les armées prussiennes et autrichiennes prennent leurs quartiers d'hiver, n'ayant pas à craindre d'être inquiétées, chacun étant occupé à réparer ses pertes.
(1) O'Donnel, originaire d'une vieille famille d'Irlande; né en 1715; colonel, 1742; major général, 1746, en récompense de son courage à la bataile de Parme. Dans l'expédition contre la Provence, commande avec distinction un corps détaché ; blessé à Lowosilz; remplace à l'aile droite, pendant la plus grande partie de l'action, le général Radicati *; mort en 1771.
*Radicati,iio en Piémont ; 1739, colonel ; 174^;, major général; tué le l^'octobre 173G; avait la réputation d'un brillant officier, principalement dans la manière d'exercer les troupes. (État-major général à Vienne.)
CHAPITRE VI.
FIN DELA CAMPAGNE DE 1760 (JANVIER A AVRIL 1761).
Janvier. Au bas Rhin, l'armée française reste dans sa position. — 5. Prise de Dudcrstadt. On travaille aux fortifications de Gottingen et de Cassel. — 14. Le comte de Broglie conduit des troupes de la Werra à Gottingen. — 26-27. M. de Stainville attaque les Prussiens à Nordhausen et Kindelbruck, les chasse de leurs positions. M. de Vaux appuie son mouvement et repousse M. deLuckner à VVes-terode. Dans la nuit du 26 au 27, M. de Narbonne, se rend de Fritzlar à Stadt-berg, où il fait prisonnier 1 B. anglais. M. de Maupeou est soutenu par le mouvement de M. de Narbonne. M. d'Origny attaque Arnsberg, repousse les postes de Warstein et de Suttrop. La légion Royale part de Medebach et de Zueschen pour appuyer M. de Maupeou. — 30. Gottingen approvisionné jusqu'au !<"" juillet. Les Prussiens repassent la Saala. M. de Beisunce se retire à Duderstadt. M. de Luckner porte des patrouilles jusqu'à Langensalza, puis sur Stadt-Worbis, pour couvrir un convoi venant de Nordhausen.
Février. 1. Le corps de M, de Stainville prend une nouvelle position. AErfurt, le général Haddick; à Egra, corps autrichien, M. de Guasco. — 6 au 7. M. de Beisunce attaque Gladebeck. MM.deCastellaneet de Grandmaison dans les bois de Parensen. — 9. L'ennemi se rassemble à Duderstadt. Des hussards de Brunswick à Grebenstein. Rencontre de M. de Saint-Victor à Hohenkirchen. Positions de l'armée. — 10. M. de Stainville à Oberdorf. — 11. Le prince héréditaire à Kor-bach, Arolsen, Wolfliagen. MM. de Stainville et deSolms sur les hauteurs d'Einge-rieden. L'ennemi arrive devant Medebach et nous force à gagner Rosenthal. — 12. Le prince héréditaire dirige une partie de son corps sur Marburg ; de sa personne à Fritzlar. Combat d'Eingenrieden ; l'ennemi se retire. — 14. Les troupes françaises gagnent leurs quartiers sur la Werra. Attaque de Marburg. — 14 au 19. L'armée française se replie successivement sur Hersfeld et Fulda par Hunfeld. — 15. M. de Muy détache la troupe de Fischer dans le comté de la Marck. Prise de Fritzlar par le prince héréditaire. Les Prussiens et les Hanovriens font leur jonction à Langensalza, passent l'Edder, marchent sur Marburg. — 16. Troupe de M. de Pereuse àllaltern. Le général d'Hardenberg, sur la haute Lippe et la Roer, avance des régiments anglais à Dulmen. M. de Stainville à Hersfeld, où se rend le
maréchal de Broglie. M. de Stainville à Vacha. — 18. M. de Maupeou fait prisonnier. — 20. Les troupes rassemblées à Hersfeld, Friedewald et Mannsbach se portent à Hunfeld. Le soir, le maréchal, en arrivant à Fulda, y trouve MM. de Soupire et Mauclas avec 16 E. venant de l'évèché de Wurtzburg. — 21-22. Le maréchal à Fulda. Le prince héréditaire marche sur la rive gauche de la Schwalm et arrive à Schlitz. Tout le corps saxon à Neuhof. — 23. 24 B., 16 E. et les troupes légères se replient par la vallée de la Kinzig. — 25. Les troupes se reposent à Birstein. — 26. Quartier général à Langendiebach. sa gauche à Bu-dingen, sa droite à Gelnhausen.
Mors. l*"'. Marche des trois divisions du bas Rhin. — 2. M. de Saint-Pern malade ; ses troupes réunies à celles de M. de Saint-Chamans. M. de Vignolles, attaqué à Hungen, se replie sur la Wetter. — 7. Attaque à Wickstadt. — 8. Arrivée à Hoechst du corps du bas Rhin. M. de Cursay pas.se la Lahn. — 9 au 12. Mouvement sur Frieilberg. — 10. Positions des corps. La jonction du général de Muy tran([uillise le maréchal. — 13. Marche en avant. — 14. Sur Butzbach. — MM. de Stainville etdeRochambeaufonl retirer le corps de Scheitter. — 17. Le maréchal se porte à Kaderen. — 18. M. de Muy passe la Lahn. Gottingen et Cassel donnent des inquiétudes. Position de l'armée de M. de Broglie. — 19. M. de \Yurinser à Marburg. M. de Muy sur l'Ohm. — 21. M. de Stainville, secondé par M. de Clausen, bat le prince héréditaire près de Grunberg, forcé de repasser l'Ohm et la Sclnvalm. — 22. Le maréchal à Giessen. Affaire de Grunberg. qui délivre Cassel. — 24. L'ennemi prend la route de Neustadt. — 25. Les troupes portées sur Ziegenhain, sous M. de Montchenu, remportent un avantage. — 26 au matin. Levée du siège de Cassel par l'ennemi, qui se retire à Warburg. Les Anglais à Sladtberg et Paderborn. — 27. Le maréchal à Treyssa. Mort de M. d'Origny à l'attaque de WaUleck. —29. M. de Broglie arrive à Cassel. Du 12 février au 28 mars, l'armée ennemie manœuvre sur notre droite et notre gauche par la vallée de la Kinzig. jusqu'à sa retraite vers la Schwalm.
Avril. 1^''. Le prince Ferdinand à Neuhaus, les .\nglais dans l'évèché d'Osnabruck. — 2. Schlitz attaqué; un corps prussien près d'Erfurt. — 3. M. de Belsunce à Osterode. — 8. M de Montfort à Eschwège; prise de 1 E. prussien à Langensalza, dernière expédition de la campagne, en conservant Cassel et Gottingen. — 15. Position générale de l'armée du maréchal. Le duc de Clioiseul à M. de Broglie sur les propositions possibles de la paix.
L'entreprise formée surHeiligenstadt, le 21 décembre 1760, avait commencé à éloigner l'ennemi des bords de la Werra; on continuait d'occuper plusieurs points dans le pays d'Eychfeldt. Profitant du beau temps, qui annonçait la gelée, le marécbal charge M. de Broglie son frère d'attaquer Stadt-Worbis et Duderstadt; à cet effet, il se rend, le 31 décembre, à Allendorf sur la Werva. MM. de La-meth et de Lostanges, en se portant sur Stadt-Worbis, devaient surprendre M. de Luckner dans ses quartiers, ou du moins lui couper
la communication de Duderstadt, pendant que MM. de Belsunce, Duchâlelet et Diirfort marchaient par Nordhausen, et que M. de Broglie s'avançait directement sur Duderstadt. La pluie, commencée le 1^"' janvier, qui dura quarante-huit heures sans discontinuer, entraîna une telle lenteur dans la marche des colonnes qu'elles n'arrivèrent que le 5 janvier à 9 heures du matin à la vue de Duderstadt; M. de Broglie y entra dans la nuit, mais l'ennemi l'avait déjà abandonné.
Dans la partie du bas Rhin, l'armée française restait au repos : l'ennemi avait établi ses quartiers d'hiver avec des postes avancés à Gemen, Coesfeld, Dolmen, Haltern et Hornburg, et le prince héréditaire se tenait à Stadtberg, Rhuten et Brilon.
Le chevalier de Muy acheva dans les premiers jours de janvier l'établissement de ses quartiers, retardé par les inondations et les changements qu'avait nécessités l'emplacement de 28 E. dans le pays de Liège, que M. de Belle-Isle obligea de les nourrir (1). Malgré la tranquillité qui régnait dans le bas Rhin, M. de Muy tenait continuellement des détachements de l'autre côté du fleuve, pour annoncer un projet de diversion en faveur des troupes qui occupaient la Hesse, et fît même avancer dans la Marck un parti de Fischer qui ramena des otages (2).
A cette époque, M. de Broglie attendait de Versailles des ordres pour la conservation de Gottingen et de Cassel, et, dès qu'il les reçut, il fit travailler activement aux fortifications de cette dernière place et aux approvisionnements de l'autre. Dans une lettre écrite de Gassel, le 14 janvier, le maréchal de Brbglie informe le duc de Choiseul des mesures prises à l'égard de ces deux places : ce Nous avons fait entrer, hier et cette nuit, un convoi dans la première
(1) D. G., 3579, 15.
(2) M. de Muy au ministre de la guerre.
« Dusscldorf, le 13 janvier 17C1.
« En conséquence des ordres contenus dans la lettre du l*"" janvier, j'envole un détachement de Fischer dans le pays de la Marck pour y enlever des otages, dont la détention accélérera le paiement des sommes auxquelles ce comté est engagé par la convention que la régence de Clèves a faite avec le roi. Comme M. Fischer est à Paris, j'ai cliargé de cette mission M. de Kulhwani, son lieutenant-colonel. » (D. G., 3582, 89.)
(Gottingen), qui lui donne des subsistances jusqu'au 1" de mai, au moins; ainsi vous voilà hors d'inquiétude que cette place ne soit prise de faim dans l'hiver. Il est certain, comme je vous l'ai déjà mandé, qu'il me serait impossible, faute de subsistances, de pouvoir rassembler un gros corps pour en faire lever le siège; mais je crois qu'il n'est pas plus possible aux ennemis de faire subsister d'ici à longtemps, autour de cette place, le nombre de troupes nécessaires pour l'attaquer en règle. Elle est très à l'abri d'un coup de main... Quant à Cassel, nous avons relevé les parties du chemin couvert qui existaient et nous en avons fait un où il n'y en avait pas. Après la gelée nous travaillerons aux ouvrages extérieurs; nous ne perdrons point de temps pour y faire entrer les approvisionnements nécessaires, autant que nos petits moyens le pourront permettre (1). »
Les entreprises formées sur Heiligenstadt et Duderstadt, avec tout le succès qu'on pouvait espérer, avaient non seulement pour objet de s'emparer des postes ennemis qui s'y gardaient avec peu de précautions, mais encore de les éloigner de Gottingen en les obligeant à se tenir derrière la Rhume, et de préparer à Pavance les moyens d'exécuter un projet de ravitaillement pour Gottingen, qui aurait pu être inquiété si l'ennemi l'avait prévu, et si on ne lui eût donné le change par plusieurs mouvements qui parussent absolument étrangers à l'approvisionnement de cette ville.
Le projet d'éloigner les ennemis avait parfaitement réussi; depuis le 5 de ce mois, ils ne poussèrent en deçà de la Rhume que de petits détachements chargés de demander au pays d'Eychfeldt des fournitures. Il est vrai qu'ils renforcèrent leur cordon sur celte rivière et travaillèrent à mettre Duderstadt en état de défense. La petite expédition de M. de Belsunce contribua encore à éloigner les ennemis. M. de Vaux, ayant appris qu'ils avaient deux postes en avant de Gieboldhausen, résolut de les faire enlever; il en chargea M. de Belsunce, qui partit, le 7, avec de la cavalerie et des grenadiers en croupe : il surprit ces deux postes et enleva non seulement les détachements qui les composaient, mais encore ceux qui arrivaient pour les relever.
Quoique la ville de Gottingen fût encore approvisionnée pour
(1) D. G., 3582, 51.
I
quelques mois, le temps ayant paru se mettre à la gelée et les chemins devenant plus praticables, le maréchal résolut de profiter de ce moment favorable pour jeter dans cette place un ravitaillement de farine et de grains réunis dans les petits dépôts de la Werra et de ce qu'on pourrait tirer de Cassel. Le comte de Broglie fut chargé de toutes les dispositions pour assurer la marche du convoi, et l'époque fixée au 14 janvier. La rigueur du froid était une circonstance favorable dont le maréchal voulait profiter : «Lagelée, écrit-il au maréchal de Belle-Isle (de Cassel, le 13 janvier), a commencé le 9 et a continué jusqu'à hier dans la nuit, qu'il a tombé une très grande quantité de neige... Il a gelé cette nuit extrêmement fort, en sorte que la Fulda est tout à fait prise au-dessus du pont de pierre. Voilà le meilleur temps de l'année pour opérer, les chemins n étant jamais si beaux en Allemagne que quand il a gelé par-dessus la neige (1). »
M. de Choiseul, qui avait pris en main les affaires de la guerre pendant la maladie de M. de Belle-Isle (2), pressait M. de Broglie d'activer les moyens de défense de la place. Toutes les nouvelles assuraient que l'ennemi devait marcher le lo, et M. de Lusace ainsi que M. de Slainville savaient que, le 12, un corps prussien s'était avancé à Buttelstedt, que le roi de Prusse rassemblait beaucoup de troupes à Leipzig et qu'un bruit général annonçait une entreprise de sa part.
Du côté de la Westphalie, des avis assuraient que presque toutes les forces des environs de Munster s'étaient portées sur Uortmund et Arnsberg pour joindre le prince héréditaire, qui devait marcher sur Marburg pendant que le prince Ferdinand se dirigerait sur la Werra. Ce prince, dépourvu de tout magasin en avant de lui, était obligé de faire suivre ses subsistances, et M. de Broglie pensait qu'en cet état il ne pouvait rien entreprendre d'important, à moins que ce ne fût sur la haute Werra et avec le secours des Prussiens ; mais il jugeait que ceux-ci ne tenteraient pas non plus une opération importante, et qu'ils se contenteraient de pousser un corps sur
(1) D. G., 3582, 55.
(2) Le maréchal de Belle-Isie mourut quelques jours après. On lit, dans une lettre du 26 janvier 1761, ces lignes écrites de la main de l'abbé de Massieu : « Morl du maréchal : M. de Choiseul, déjà ministre des affaires étrangères, lui succède dans le ministère de la guerre, qu'il réunit au premier. »
Erfurt et Weymar pour se faire payer des contributions, lever des hommes et des chevaux.
Quelques jours après, c'est-à-dire le 2o, plusieurs régiments de l'armée du prince Ferdinand entraient en quartier d'hiver; cette nouvelle confirma le maréchal dans la pensée que l'ennemi ne projetait rien de sérieux, puisqu'il n'avait rien entrepris pendant le temps très favorable de la gelée. Encouragés depuis quelque temps par le succès de leurs attaques sur des postes prussiens, plusieurs officiers commandant des fractions de troupes formèrent des plans particuliers sur difierents points de la position occupée par l'ennemi, plans qui furent tous exécutés les 26 et 27 janvier. Celui de MM. de Lusace et de Slainville était d'attaquer le corps prussien entre Nordhausen et Kindelbruch; M. de Stainville, chargé de l'exécution, chassa les Prussiens de toutes leurs positions et fit six cents prisonniers, dont quatorze officiers.
Le succès de toutes ces dispositions fut presque général. M. de Lusace fit partir au point du jour, le 25, les quatre colonnes qui, devant opérer séparément, avaient chacune des chefs particuliers, mais tous aux ordres de M. de Stainville, qui marchait avec la colonne de droite. Il déboucha, le 23, de Gotha et marcha la nuit suivante vers Kranichborn. Il en partit le 26, à 3 heures du matin, et alla passer l'Unstrut à Schullemburg; il rencontra les premiers postes de l'ennemi à Rindelbruck, les fit attaquer par l'infanterie, mais ne put leur faire qu'une centaine de prisonniers et un officier. La seconde colonne, conduite par M. de Klingenberg (1), maréchal de camp saxon, et M. de Mouliers, brigadier, partit le môme jour et se porta à Langensalza, d'où, le 26, après avoir passé l'Uns-trutà Thamsbruck, elle s'avança à Ebeleben, Gr. Ehrich et Allmen-hausen. Tous ces villages furent attaqués en même temps; les ennemis en furent partout repoussés, et on les suivit au delà de Son-dershausen. On profita de ces succès pour tirer des fourrages et les envoyer dans les magasins de Gotha et Eisenach.
Les détachements que M. de Vaux avait reçu l'ordre d'envoyer de Gottingen, aux ordres de MM. de Belsunce (2) et de Durfort, n'étaient
(IJ Klingenberg, officier général des troupes saxonnes, obtint le brevet de maréchal de camp le 1"" avril 1759.
(2) Belsunce, et souvent Belzunce (Armand, vicomte de), né le G février 1722 ; lieutenant au régiment du Roi, 18 mai 1740; en Bohême, au siège de Prague; à Dettin-
destinés qu'àobserveretcontenirlespostesde la Rhume.M. deLuck-ner, venu faire une tournée dans le pays d'Eychfeldt du côté d'Heili-genstadt et Duderstadt, entrait à peine dans cette dernière ville, quand, à la nouvelle de l'approche de M. deBelsunce, il en sortit sur-le-champ avec tout son corps et rencontra l'avant-garde, composée de troupes légères, à Westerode; il l'a replia jusqu'à portée du bois de Desingerode, où M. de Belsunce était resté avec son infanterie, ayant en avant de lui ses dragons. La cavalerie de Luckner, très supérieure en nombre, les attaqua très vigoureusement et fut reçue de même. Ces troupes se chargèrent avec beaucoup d'acharnement; les ennemis sonnèrent les premiers la retraite, et ce n'est qu'après qu'ils l'eurent commencée que nous nous retirâmes sur Satten-hausen, dans la direction de Gottingen. Nos détachements gardèrent cette position pendant la nuit et la journée du 27, sans qu'une patrouille ennemie vînt les reconnaître.
Le maréchal de Broglie poursuivit ses projets de se porter sur plusieurs des quartiers des ennemis. Deux de ces attaques furent confiées à MM. de Stainville et de Maupeou, deux autres à MM. de Narbonne et de Belsunce. Les troupes commandées par M. de Stainville, composées en partie de Saxons, se portèrent en différentes colonnes, sous MM. deRlingenberg et de Bruggen (1), sur Rindel-bruck, Oldisleben et Sondershausen sur la Wipper. Ces quartiers, occupés par des troupes prussiennes, furent attaqués presque en môme temps partout, et malgré la résistance qu'elles opposèrent on se rendit maître de tous les postes. M. de Maupeou devait se porter sur Ruthen; mais ayant trouvé le château de Gallenhard occupé en force et retranché de manière à ne pouvoir être attaqué sans grosse artillerie, et les ennemis ayant porté près de Ruthen un corps de troupes considérable, il ne put f;iire attaquer que les postes avancés. M. de Saint-Victor, commandant les volontaires, et
gen; capitaine dans Bauffremont-dragons, 19 février 1745; sert en Flandre; colonel du régiment d'infanterie de son nom, l*"' février 1749; en Allemagne en 1757; blessé à Hastembeck; brigadier, 5 novembre 1758; à Korback, à Gottingen; maréchal de camp, 20 février 1761 ; lieutenant général, 25 juillet 1762 ; gouverneur de Saint-Domingue.
(1) Bruggen; sert dans les troupes saxonnes; maréchal de camp le 1" juillet 1759, avec rang en France ; retourne en Saxe après la paix.
T. V. 9
MM. de Nicolai et Grainbrand, capitaines de dragons, se distinguèrent particulièrement dans ces affaires.
M. de Narbonne,à Fritzlar, marcha dans la nuit du 26 au 27 avec un gros détachement sur Stadlberg. Cette expédition fut aussi heureuse qu'on pouvait l'espérer; il prit en entier 1 B. de la légion britannique, dont le commandant fut tué, et s'empara de tous les équipages et d'une pièce de canon (1).
M. de Maupeou, chargé de la défense de la Sieg, avait le projet d'enlever des fourrages de la Westphalie et de faire attaquer Arns-berg, Meschede et Ruthen. L'opération de M. de Narbonne avait été ordonnée pour le seconder, et la légion Royale marcha aussi pour soutenir M. de Maupeou et couvrir sa droite. Arnsberg fut attaqué par M. d'Origny, qui en chassa la troupe de Scheitter et enleva des fourrages. Le reste de l'expédition n'eut pas tout le résultat qu'on en attendait, parce que l'ennemi, prévenu, avait rassemblé des forces et se trouvait en bataille près de Ruthen, derrière un ravin difficile à passer; sans se commettre, il repoussa les postes de Warstein et Sultrop, et obligea les ennemis h lever leurs quartiers derrière la Ruhr.
Ces expéditions heureuses eurent encore l'avantage de protéger les convois qu'on continuait de diriger sur Gottingen ; pour le 30, cette place devait être approvisionnée jusqu'au J" juillet. Cassel ne l'était encore que pour quatre mois; mais le dégel allait, dès le 3 février, permettre la navigation de la Fulda, et il deviendrait alors facile de jeter des munitions dans la place et d'assurer ses vivres jusqu'à la même date. Toutes les munitions et l'artillerie, en chemin,'devaient être rendues le 25 ; les fortifications, très avancées, mettaient la place dès ce moment en état de se défendre pendant trois semaines. Ce devait être là un point essentiel pour nos généraux, car Louis XV regardait la conservation de Cassel comme aussi importante au moins que celle de Gottingen, tant sous le rapport militaire que sous le rapport politique.
Les Prussiens avaient repassé la Saala, et cette retraite faisait espérer la tranquillité dans cette partie; mais M. de Luckner, dès que M. de Belsunce se fut retiré du côté de Duderstadt, s'avança à Tennstedtau delà de rUnstrut et porta des patrouilles jusqu'à Langen-
(I) D. G., 3j82. 109.
salza, dont il enleva le bailli, et se replia ensuite sur Stadt-Worbis pour couvrir un convoi que les alliés liraient de Nordhausen, où ils ne voyaient plus leurs dépôts en sûreté. Les hussards de Tur-pin se placèrent en avant de Marburg, aux environs de Weller, à la rive gauche de laLahn (1).
Le prince Ferdinand était à Uslar : le maréchal en profita pour occuper Mulhausen et Langensalza et faire prendre, le 2 février, une nouvelle position au corps de M. de Stainville. Le régiment de Champagne et les volontaires d'Austrasie arrivèrent à Mulhausen, oii M. de Boisclaireau commanda. Langensalza fut occupé par A B. saxons, et la légion Royale renforça la partie du corps de M. de Lusace aux ordres de M. de Stainville. Toute la cavalerie est placée aux environs de Gotha, avec 4 B. dans la ville; on en mit 4 autres dans Eisenach, et tout le reste des Saxons occupa les villages entre cette ville et Langensalza (2).
Les différents mouvements opérés dans les derniers jours de janvier ayant eu tout le succès qu'on pouvait en espérer, le maréchal en profite pour prendre dans la Thuringe une position plus avancée que celle occupée jusqu'alors. Il place la première ligne des troupes dans cette partie, depuis Gotha jusqu'à Mulhausen, passant parGrafen-Tonna, Langensalza etThamsbruck, et ayant des postes avancés surla Géra, depuis Gispersleben, à une lieue d'Erfurt, qui est occupé parl'armée de l'Empire, jusqu'à Gebesee, à l'embouchure de cette rivière dans l'Unstrut. Cette première ligne est aux ordres de M. Stainville, la seconde à ceux de M. de Solms; toutes deux ont leur gauche à la Werraaux points de Treffurt et Wanfried, où commence la ligne de nos quartiers en deçà de cette rivière.
Tous nos convois étaient entrés heureusement dans Gottingen, ne nous laissant rien à désirer au sujet de cette place, avec laquelle notre communication restait toujours libre. M. de Vaux, voulant cependant en éloigner les ennemis de plus en plus, fit sortir, dans la nuit du 6 au 7, trois détachements avec MM. de Belsunce, de Grandmaison et d'Esterhazy. Le premier marcha sur le village de Nor-len, que les ennemis abandonnèrent à son approche pour se retirer précipitamment dans les bois. M. de Grandmaison, qui se porta dans
(1) D. G., 3582, 17.
(2) D. G., 3582, 55.
les bois de Parensen, remplit parfaitement sa mission en contenant les ennemis. M. d'Esterhazy n'eut pas moins de succès au village de Bollensen. Le but de cette nouvelle position était de resserrer davantage les ennemis, d'avoir une plus grande étendue de pays pour trouver des subsistances, de donner la main aux troupes de l'Empire cantonnées à Erfurt, en secondant les opérations que le général Haddick se proposait de faire dans le cas où les ennemis s'avanceraient; et de lier les dispositions de l'armée française avec celles de l'Empire et de la Russie pour se prêter un secours mutuel (1).
(l)Pour faciliter l'intelligence des opérations ultérieures, voici un tableau indicatif de la situation des quartiers de l'armée d'Allemagne et de l'état des troupes de l'armée du bas Rhin :
État général des quartiers de l'année d'Allemagne, au 9 février 1761.
M. de Saint-Pern, lieutenant général; M. de Stainville, commandant la 1"" ligne. MM. de Scey, Siccard, Bruggen, à Gotha et environs : Castellas, 2; Rochow, 2; Bruhl, 1; Prince-Clerraont, 1 (6 B.); Royal-Nassau, 4; le Roi et la Feronnays-dra-gons, 8(12E.).
M. de Klingenberg, à Langoisalza et environs : Princesse-Royale, 2 ; Golha,
1 (3 B.).
M. de Boisclaireau, à Mulhausen : Cliampagne. 4 ; volontaires d'Austrasie et de Nassau, 1 (5 B.).
•!'• ligne. M. de Solms, lieutenant général; M. de Galbert, à Eisenoch : Prince-Antoine, 1; Prince-Cliarles, 1; Prince-Joseph, 1; Prince-Frédéric, 2; Prince-Xavier,
2 ; Picardie, 4 ; volontaires de Clermont, grenadiers de France, 4 (15 B.). Clievalier de Modène, à Allendorf : Modène, 2 ; le Camus, 1 ; Chantilly, 2 (5 B.\
— Total : 34 B.. 12 E.
Garnison de Gottingcn. M. de Vaux, lieutenant général; M. de Belsunce, commandant en 2*^ : 12 compagnie» de grenadiers, 70 piquets et 700 chevaux.
M. de Rolhe, lieutenant général, arrondissement de Cassel. MM. de Laborde, de Verteuil,de Montfort, de Rochecliouart,Diesbach, deNarbonne, du Mouchet d'Oyse: Condé. 2; Aquitaine, 2; Durfort, 2; Diesbach, 2; Neufcbâtel, 1; Navarre, 4; Belsunce, 4: Provence, 2; volontaires de Saint-Victor, Narbonne, 2 (21 B.).
M. de Bougé, lieutenant général, arrondissement de Marburg. MM. de Scheldon, de Saint-Germain : Nassau, 3 : la Mardi. 3; BuUieley, 1 ; Royal-Écossais, l ; Ogilvy, 1 ; Dillon, 1 ; Bourbonnais, 4; Berwick, 1 ; Clare, 1; Rothe, 1 ; Jenner, 2; Courten, 2; Ornans (milice), 3 (24 B.}.
M. de Maupeou, lieutenant général, arrondissement de Siegen. MM. de Moulier.s, de Nauclas, de Montaigu : Boccard, 2 : Reding, 2 ; Salis, 2; Turpin, 6; Carabiniers, 10; Royal, 2; Orléans, 2; Damas, 2; la Rochefoucauld. 2; le Roi, 2; Moutiers, 2; Ray, 2; Lusignan, 2; Cuirassiers, 2; Noë, 2; Chabrillan, 2; Dessalles, 2 40 E.).
Le bas Rhin parut au maréchal le plus propice à ses projets. Il exposa à Versailles l'importance de faire dans ce pays non seulement des démonstrations , mais aussi de le fortifier, au 20 mars, d'un corps de 20,000 hommes, prêt à agir réellement si l'ennemi voulait se jeter sur la Hesse ou sur la Thuringe. En attendant que le roi eût prononcé, il donna ordre à M. de Mny d'envoyer à Rées
MM. de Soupire, lieutenant général, et Bourbon-Busset, maréchal de camp, à Fulda et environs : Dauphin ,2 B.; Commissaire-général, 2 ; Ericy . 2 ; Bourbon-Busset, 2 ; Seyssel, 2, et volontaires de Hainaut, 8 E.
M. Dessalles, lieutenant général, arrondissement de Francfort. MM. du Bousquet, Saint-Chamant, d'Asfeld, Fleury, Obenheim : le Roi, 4; Mouy. 1; Villepa-lour, 1 ; Laon, 1 ; Royal-Suédois, 3 ; Royal-Deux-Ponts, 3 ; Waldner, 2 ; Saint-Denis, 1 (16 B.).
Apschon, 4 ; Bauifremont, 4 ; Dauphin-Étranger, 2; Condé, 2 ; Fleury, 2 ; Tous-tain, 2 ; Royal-.\llemand, 2 ; Wurtemberg, 2; Nassau, 2 : Fitz-James, 2 ; Schomberg, 3; Orléans, 4; Caraman, 5 (35 E.) ; de Francfort à Hanau, 10 B., 9 E. — Total -. 103 B., 95 E.
État des troupes du bas Rhin.
M. de Muy, lieutenant général ; MM. d'Auger, de Granville, de Saint-Sauveur, aides-majors.
Département de Cologne. M. de Torcy, lieutenant général ; MM. d'Aubigny, de Blot, Duplouy : Paris (milice), 1 ; la Tour-du-Pin, 4 ; Orléans, 2 ; la Marche-Comte, 1 ; Bretagne, 2 (10 B.) ; Bourgogne, 2 ; Trasignies, 2 ; Beauvilliers, 2 (6 E.).
Département de Dusseldorf. M. de Grollier, lieutenant général; MM. de Ro-chambeau, de Chabo, d'Invilliers, Fischer : Auvergne, 4 ; la Marche-Provence, 1 ; Sarreguemines, 1 ; Royal-Artillerie, 1 ; Mantes et Chàlons (milices), 2 ; le corps de Fischer, 9 B.
Département de Meurs. MM. deRoquepine, lieutenant général, et de Courcy, brigadier : Alençon, 1 ; Touraine, 2 ; Enghien, 2 ; Tournaisis, 1; la Couronne, 2 (8B.) : Aquitaine, 2; Royal-dragons, 4 (6 E.).
Département de Wesel. M. de Casteila, lieutenant général; MM. de Pereuse et de Boisclaireau : Normandie, 4 ; Briqueville, 2 ; Forest, Amiens, 1 ; Joigny et Lons-le-Saulnier (milices), 3 (10 B.).
Département de Clèvcs. M.d'Auvet, lieutenant général; MM. de Cursay, Crussol, d'Amboise, maréchaux de camp : Saint-Lô, Rhedon (milices), 2 ; Bouillon, 2 ; la Reine, 1 ; Vaubécourt, 2 ; Vatan, 2 (9 B.) ; Thianges, 4 ; Pressan, 2 (6 E.).
Département de Gueldre. M. de Beausobre, lieutenant général : Vernon (milice], 1 B. ; Escouloubre, 2 E.
Département de Buremonde. Marquis de Polignac : Rouergue, 2; Rochefort, 2; Charost,2(4B.,2E.).
Département de Liège. M. dAndlau, lieutenant général (mort en 1763) ; MM. de SchelTer, Courvarouviers, Poly, Saint-André : Alsace, 4; Horion, 2 ; Vierzet, 2 (8 B.) ;
500 hommes à pied et à cheval de la troupe de Fischer et 1,000 d'infanterie ; il regardait ce point comme très important pour favoriser le commencement de la campagne; il pensait que l'offensive devait tirer un grand avantage d'une position fortifiée à la droite du Rhin, et que, dans la défensive, rien ne pouvait plus efficacement empêcher les ennemis de passer le fleuve, M. de Muy ne fut pas de l'avis du maréchal; il lui en représenta les inconvénients, et Rées fut laissé dans l'état où il se trouvait (1).
M. de Broglie fit part de ces dispositions à M. Haddick et écrivit en même temps au comte de Choiseul pour l'engager à faire donner par la cour de Vienne à ce général la liberté de se servir, suivant les circonstances, de l'armée de l'Empire et du corps autrichien en position près d'Egra aux ordres de M. de Guasco, et dont on avait déjà fait avancer quelques régiments vers Asch, route d'Hof, et Adorf sur l'Elster. L'entente concertée entre ces différentes parties paraissait au maréchal l'âme de toutes ses dispositions pendant l'hiver et la campagne suivante; c'est ce qu'il explique très bien au duc de Choiseul dans sa lettre, datée de Cassel le 30 janvier, où il lui dit : « Les hivers précédents, les armées françaises, celle de l'Empire et celle de l'Impératrice, séparées les unes des autres, ne pouvaient se prêter aucun secours mutuel. Le roi de Prusse et le prince Ferdinand avaient à choisir laquelle ils voulaient attaquer, et ils pouvaient le faire avec la certitude qu'ils n'avaient rien à craindre des autres par les' positions qu'elles occupaient, qui n'avaient aucune liaison entre elles. Il a résulté de là que la plupart des pointes qu'ils ont faites leur ont réussi. Pendant l'hiver de 1739, le prince Henri
Balincourt, 2; la Reine, 2; Espinchal 5; Funiel, 2; Clermont-Prince, 2; Royal-Piémont, 2; des Cars, 2; Poly, 2; Royal-Cravates, 2; Sainte-Aldegonde, 2; Royal-Étranger, 2 ; Bourbon, 2 ; Royal-Pologne, 2 30 E.). — Total : 162 B., 147 E.
Le prince héréditaire était à Sladtberg, Rhuten, Brilon; le prince Ferdinand de Brunswick, à Haltern, Coesfeld, Dulmen. (D. G., 3567, 689.) (1) M. de Muy au maréchal de Broglie. (D. G., 3583, 46.) Dans un mémoire du 8 février 1761, le maréchal de Broglie proposa d'assembler, le 20 mars, un corps de 20,000 hommes au bas Rhin, ordonnant en outre au chevalier de Muy de porter un détachement à Rées pour fortifier ce point, qui l'avait été anciennement et dont le temps avait dégradé les ouvrages. Le maréchal regardait cette position comme très importante pour appuyer les opérations de la campagne suivante. Mais M. de Muy ne pensait pas comme le maréchal, et, dans sa réponse du 11 février, il lui ea représentait rinulilité, et Rées ne fut pas occupé.
poussa l'armée de l'Empire jusqu'à Nuremburg; le prince Ferdinand vint attaquer celle du roi à la porte de Francfort; et cela devait être ainsi, puisque le concert et l'ensemble manquaient absolument. Ce qui avait été négligé jusqu'ici se trouve effectué dans le moment présent. L'armée de l'Empire touche à celle de France par sa gauche, sa droite est appuyée par les troupes venues de Bohême, dont les quartiers sont peu éloignés de l'armée^-de l'Impératrice, et, dès que ces différents corps s'entendront bien et seront toujours prêts d'agir ensemble, il n'est pas probable que le roi de Prusse forme une entreprise considérable contre elles (1). »
A Versailles on ne jugea pas ces idées susceptibles d'applica-cation; le roi avait déjà formé le plan du commencement de la campagne dans le bas Rhin, décidant que l'armée entreprendrait, dans les premiers jours de mai, le siège de Munster; qu'elle pourrait se commettre à un combat et même le chercher; que, dans le cas d'un succès, S. M. laissait à ses généraux le soin d'en profiter, et que, s'il survenait un événement malheureux, M. de Soubise repasserait le Rhin pour envoyer à M. de Broglie le tiers de son armée. En ce qui regardait les troupes de la Hesse, il fut décidé qu'elles seraient en étal le l**" mai. Telles étaient en résumé les mesures arrêtées à Versailles, et dont M. de Choiseul fit part à M. de Broglie le 12 février 1761 :
« Quoique j'espère vous voir bientôt, Monsieur le maréchal, je vais répondre à votre lettre particulière, comme si vous ne reveniez point, afin que vous sachiez d'avance les principes qui nous font agir... 11 n'y a rien à dire sur l'objet de l'avantage ou du désavantage des deux armées. Le roi a décidé qu'il y aurait deux armées en Allemagne; M. de Soubise en commande une, et vous l'autre; S. M. ne veut point changer cet arrangement... Nous allons mettre tout en état pour que l'armée du bas Rhin commence dans les premiers jours de mai une campagne offensive; les moyens doivent être considérables pour cet effet; mais j'ai l'espérance d'y pourvoir, de façon que M. de Soubise aura la possibilité de se porter soit à Munster, soità Lippstadt, pour enentreprendre le siège. J'ai avis que les Anglais vont faire passer de nouvelles troupes en Westphalie. J'ai même lieu de croire que leur projet est de
(1)D. G., 2582, 116.
former une seconde armée sur le bas Rhin, qui serait toule anglaise. Si ce qu'on me mande à cet égard est juste, il est important que les mouvements de M. de Soubise préviennent l'assemblée de cette armée. Ainsi, dans tous les cas, l'objet principal que le roi doit avoir est que son armée sur le bas Rhin agisse les premiers jours de mai, soit pour combattre la deuxième armée des ennemis, soit pour attirer le prince Ferdinand, opérations qui allègent votre partie. Pour cet effet, il est indispensable que l'armée de Soubise ait par sa force une consistance qui puisse s'opposer aux forces réunies des ennemis.
(c Le projet en grand que vous croyez utile à combiner avec les alliés est excellent; mais il est impossible dans le fait : 1" parce que la cour de Vienne ne le combinera jamais avec nous, quelque parole qu'elle nous donne, par la nécessité où elle est, ou croit être, d'être subordonnée à la cour de Russie pour remplir ses projets sur la Silésie. La moindre apparence, de la part de Pétersbourg, que l'impératrice de Russie feraapprocher ses armées de l'Oder détruira toutes les combinaisons qui auraient été arrêtées par la cour de Vienne. M. de Kaunitz a toujours pensé, quelque chose que je lui aie dite, que les Russes seuls pouvaient procurer à sa souveraine la Silésie, vu que les succès des Français seraient des compensations de la guerre d'Amérique. Je ne crois pas qu'on change les principes de son ministre, et ce serait une illusion que de s'en llatter. 2° Ce qui est un secret : les cours de Vienne et de Pétersbourg sont en pourparlers avec le roi pour l'établissement d'un congrès, et, dans cette position, il serait dangereux de leur proposer un plan de campagne, parce que celle de Vienne, qui l'adopterait, se servirait de ce plan, qu'elle ne tiendrait pas dans l'exécution, pour éloigner, même détruire les négociations pacifiques; d'où il résulte que, dans le fait et politiquement, ce que le roi a de mieux à faire, soit par l'acheminement à la paix, soit pour l'avantage de sa guerre particulière, c'est de faire un plan d'après les forces qu'il mettra en campagne et de laisser la liberté à ses alliés de former le leur. Cette liberté qu'il donnera ne sera pas un grand sacrifice, car ils la prendraient s'il ne la donnait pas. Quant à ce plan, selon moi, il est fort simple : mettez l'armée du bas Rhin en état de faire le siège de Munster au mois de mai et de se commettre à un événement, tandis que votre armée se préparera à opérer selon le