0 heure 17. Regent Palace Hotel.

Les soirs de brume intérieure, à Londres, sont dangereux. Ou alors la faute au pantalon de cuir noir. C’était au Regent Palace Hotel, Piccadilly Circus : sur le palier moquetté vert pomme, à distance respectable de la distributrice automatique de scotch pour poivrots en manque, une brune créature à la queue de cheval insolente et au pantalon de cuir, prends garde aux yeux noirs, que vouliez-vous que je fisse contre le pantalon de cuir noir, contre la queue de cheval, contre l’enfance qui revenait par cette porte dérobée? Gina. Je ne l’avais pas reconnue. Elle s’est vexée. Mais si. Bon Dieu de Bon Dieu. Un vrai péché mortel. Fuyez, mortels, fuyez les copines d’enfance à voix de bolero, les beautés foudroyantes, les queues de cheval insolentes, quand on revient de l’enfer du Proche-Orient et qu’on est à Londres. Vous connaissez la suite, l’évocation des souvenirs, la cruelle réalité de l’exil, le désir de recommencer, de reprendre les choses là où on les avait laissées, de commencer vraiment, quelque chose comme un acte d’amour amorcé puis abandonné, vous vous êtes endormis, vous avez été dérangés ou bien n’en aviez plus envie, ça arrive. Et voici que l’envie revient. Pas elle sans doute? Qu’est-ce que j’en sais moi. On s’installe dans des fauteuils profonds. On parle une langue de cannelle. On s’adresse des regards de vétiver. On a des chants de pluies, on tient commerce de sel et de vent, on dérive en canot sans rames, on traverse des zones de vanille, des saisons de poussières, le sable blanc d’une mémoire trouée brûle la plante des pieds et vous sautillez, fuyez mortels ces retours de mémoire. Or Gina dit exactement ce qu’il ne fallait pas Tu sais cet écrivain je crois que j’ai une piste. Hein? Enfin faut voir Viens avec moi si tu veux. Je ne demande que ça baby. Elle dit Et puis tu sais ça va être tellement dur ce gala Qu’est-ce que j’frais pas pour la cause. Ajoute Damnée cause.