Un samedi soir dans une discothèque. Quatre filles célibataires autour d’une table avec les premières coupes de champagne offertes par la maison. Normal ! Deux nanas sexy sur les quatre, toujours un bon point pour la boîte. Présentation des héroïnes : Annie, la bonne copine d’école, fringante dans son bustier en cuir rouge et avec ses cheveux longs relevés en un chignon savamment rebelle ; Cathy, la timide, assise en bout de table, toujours côté toilettes, à l’affût de la moindre œillade lubrique ou suggestive ; bien sûr l’incontournable Marie-Jo, présente sur tous les fronts malgré ses vingt-cinq kilos de trop et son acné postjuvénile. Et enfin, moi en robe courte noire échancrée et strass aux oreilles. Rires de gorge exagérés, cheveux négligemment rejetés en arrière, moue boudeuse, bouche légèrement entr’ouverte. Bref, autant de signaux sexuels hypocritement cachés derrière une attitude blasée, mais typiquement féminine ! Et tout d’un coup, apparition du Mâle. Assis juste en face, un verre à la main, ses yeux rivés aux miens. Le choc ! Charmant, une allure folle et un style bon chic bon genre, sûr de lui.
Début des hostilités. Regards obliques échangés, séduction excessive des autres Mâles de la table, danses cambrées en face de son siège. Très important, le choix de la copine sur la piste. Cette brave Marie-Jo, toujours disponible pour ses amies…
Fin du jeu et rapprochement. Un verre, une danse langoureuse, puis une autre. Invitation à une table vide et éloignée. Tant pis pour les bonnes copines. De toute façon, pas de grosse surprise : Cathy, toujours en bout de table avec son Coca light sans bulles depuis trois heures, fatiguée et avachie contre le dossier ; Annie dans les bras d’un grand blond méché à la Patrick Juvet ; et Marie-Jo sur la touche, comme toujours, assise de l’autre côté du sofa, résignée et en attente de notre feu vert pour le départ. Pas de bol. Une vraie malédiction pour une moche, sobre, avec le permis de conduire et la voiture de Maman…
Enfin seuls. Cinq minutes de préliminaires sur la forme gourmande de ma bouche et mes protubérances anatomiques avant les choses sérieuses. Un baiser au whisky plein de promesses, une main hardie sur ma cuisse, une autre sous ma culotte et… Fin de la soirée. Plus personne dans la boîte. Cathy endormie, Annie déjà partie dans les bras de son blondinet et Marie-Jo souriante, toujours de bonne composition et compréhensive. Pour elle, retour à la maison avec, pour seul compagnon ce samedi soir dans son lit, son fidèle caniche. Comme la semaine dernière d’ailleurs et la semaine d’avant.
Sortie de la discothèque légèrement éméchée, mais excitée et prête à toutes les fantaisies.
Première déception, sa caisse. Une vieille Opel cabossée pas du tout en harmonie avec ses fringues Tommy Hilfiger. Deuxième mauvaise surprise : le CD dans son autoradio. ABBA ! Sérieusement ? Certainement une approche de séduction supplémentaire. « Gimme ! Gimme ! Gimme a man after midnight ». Ou alors un message caché ? Bon, au moins pas de vieux tube ringard du genre La Chatte à la voisine !
Nouvelle déconvenue. Au choix, direction mon studio de vingt mètres carrés avec mes Tampax et mes protège-slips bien en évidence sur l’évier de ma salle de bains ou bien sa voiture dans un coin paumé. Entre la peste et le choléra… eh bien, d’accord pour le choléra. Mais, au fait, pourquoi pas chez lui ? Bizarre…
Dix kilomètres et une demi-heure plus tard, déjà fini ! De ABBA, glissade vers le tube Désenchantée de Mylène Farmer ! Pas vraiment le coup du siècle…
Séparation devant la porte de mon immeuble et… complications. Son numéro de téléphone ? Malaise, excuses bidon, regards fallacieux. Et tout d’un coup, un éclair de lucidité : Bobonne, bien sûr ! L’absence d’alliance à l’annulaire gauche, sans doute un oubli après la douche.
Sortie théâtrale de la voiture, la tête haute, mais le corps et le cœur meurtris. Un fumier de plus à mon palmarès. Pas de cris, pas de larmes, pas de scandale. Question d’habitude. Une nuit de plus en solitaire, mais…
…peut-être le grand amour samedi prochain ?