5.

Le « Mini-mâle »

 

Un coup du hasard, mon numéro de téléphone composé par erreur et au bout du fil, Christophe. Échanges verbaux de la plus haute qualité et un nouvel espoir naissant à l’écoute de cette voix chaude et sensuelle, propice à l’imagination la plus exaltée.

Pour mon plus grand bonheur, vive les mobiles et la possibilité d’envois de fichiers et donc de photos.

Ding ding, alarme d’un nouveau message. Précipitation sur mon téléphone enfin intelligent et découverte de mon futur soupirant sur mon écran miniature. Image d’un homme heureux et souriant au volant d’une décapotable jaune. Pas mal et apparemment aucun vice dissimulé par un flou façon David Hamilton, une casquette avec longue visière ou encore des lunettes noires. Donc pas de vieux macho dégarni, victime de strabisme divergent. Ouf !

Mercredi, première prise de contact sur le parking d’un supermarché. Même cabriolet que sur le cliché. Et le mec alors, fidèle aussi au portrait ? Apparemment oui. Chevelure noire et épaisse, sourire étincelant et toujours pas de binocles. Accélération du rythme cardiaque et remise en place de mes mèches rebelles dans un but calculé de séduction en approche de la voiture. Encore deux pas, un sourire engageant sur les lèvres avant le choc…

Oh non, pas ça ! En lieu et place du Prince Charmant, un lutin, un gnome, un farfadet d’un mètre cinquante à vue d’œil. Finis mes rêves « cendrillonesques ». Sensation de malaise accrue à cause de mes vingt centimètres de talons aiguilles. Ma taille ? La même que la sienne justement, mais sans les talons ! Et comble de malheur, quel manque de discernement : un jean et une chemise bleue. Le mode Schtroumpf, non merci, très peu pour moi.

Malgré mon visage défait et ma mauvaise humeur manifeste, acharnement de ce lilliputien sans complexes. Pourquoi pas un verre ? D’accord, mais incognito et dans un endroit éloigné de mes connaissances. Ce petit bar de routiers sur la nationale, parfait. Que des gens de passage. « Petit d’homme » et « demi-portion » ensemble au café. Un titre de sketch alléchant, sauf que là, point de fiction, mais une réalité consternante. Un physique de nain de jardin pour, non pas un paysagiste ou un collectionneur de bonzaïs, mais un vendeur de voitures… en verve pendant plus d’une heure. Regards courroucés et fréquents sur ma montre, bâillements, soupirs et enfin, à court de mimiques, une excuse bidon du genre grosse fatigue et journée très chargée le lendemain. Aucune originalité, mais efficace… jusqu’à un certain point, car dans ses numéros favoris, le mien. Hélas !

Ni une, ni deux, demande immédiate de changement de numéro de téléphone à mon opérateur et envoi de mes nouvelles coordonnées à tous mes contacts, sauf Peter Pan.