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« Le Mâle armé »

 

Petite promenade en ville sans arrière-pensée. Juste une perdition volontaire dans le tourbillon incessant des voitures noyées dans la fumée de leur pot d’échappement, au milieu des bousculades impolies de citadins pressés par un temps toujours trop court. Et soudain, au détour d’une rue, des cris, des rires et des pleurs et… un terrain de jeux infantile avec des enfants. Trop d’enfants !

Repli immédiat et bifurcation sur la gauche dans une rue peu fréquentée. Vingt mètres plus loin, un charmant petit café ouvert sur une terrasse ombragée avec un unique client. Vincent. Un artiste, un poète. Un « Mallarmé débarqué » malgré lui dans un monde sibyllin.

Pas d’ordinateur, d’internet ou de portable, mais comme seul compagnon, un vieux cahier à spirales, témoin silencieux de ses pensées les plus abyssales. Coup de cœur immédiat pour ce « pro-Mots », au regard lointain, happé à tout moment par une métaphore, soumis en permanence aux caprices de son imagination vagabonde.

Une invite prometteuse dans les cimes du romantisme et de la poésie… avant la dégringolade vers une réalité plus terre à terre et, de fait, beaucoup moins exaltante.

Habile de ses deux mains pour les rimes, certes ! Mais les deux bras cassés devant une roue crevée ou totalement perdu face aux problèmes quotidiens inextricables, telles la récupération du bout du rouleau de scotch ou encore la pose d’une étagère IKEA. Hélas, aucun mode d’emploi dans les œuvres de Baudelaire ou de Verlaine !

Quant à moi ? Eh bien, reconvertie pour un temps en « Madame Bricolage » et « Fée du logis » réunies. Terminés les ongles longs. Changement radical de ma garde-robe. Au placard, mes jupes serrées taille 36 sur mon popotin taille 40, et bienvenus les salopettes et bleus de travail !

La déclaration d’impôts ou le renouvellement de son RMI ? Une nouvelle source d’inspiration pour un verset sur les failles du capitalisme et la dégénérescence d’une société corrompue par l’argent. Ah ouais ? Riche idée. Lors de mes prochains achats au supermarché, paiement à la caisse avec son poème en guise de chèque !

Une réflexion de ma part sur ses « mots d’alité » amorphe sur le divan, le stylo en l’air et hop, une contre-attaque sous forme de « mots laids », et en quatrain, s’il vous plaît ! Ou refuge dans la facilité et « mots tus » et bouche cousue !

Basta de ce « mot lasse », de ses « mots lestés » à propos de tout et de rien, mais bien « Mâle armé » face aux réalités quotidiennes.

Plus de remontrances, mais une rupture à l’image de ce poète « mot dit » avec une charade sur le frigo. Sur le post-it : « Un mot de cinq lettres pour « ras la casquette », « plein le dos », « assez soupé », « la barbe » ? »

Adieu…