Le mot « échec » viendrait de l’arabe « al cheikh mat », qui a donné « échec et mat » et signifie « le roi est mort ».
J’ai écrit ce livre pour montrer le contraire : lorsque nous échouons, le roi en nous ne meurt pas. Il se peut même qu’il prenne conscience de sa puissance à cette occasion. Les grands rois le deviennent au combat, lorsqu’ils se surprennent eux-mêmes et se révèlent aux autres. L’échec n’est certes pas agréable. Mais il ouvre une fenêtre sur le réel, nous permet de déployer nos capacités ou de nous rapprocher de notre quête intime, de notre désir profond : le roi est blessé, vive le roi !
Cette origine arabe est discutée. « Échec » pourrait venir aussi du persan « sha mat », signifiant « le roi est étonné ». Il y a en effet de quoi être intrigués, émerveillés parfois, par ce que provoquent nos échecs, tant notre faculté de rebond est grande, tant nos ratés ont ce pouvoir de nous rapprocher des autres et de nous-mêmes, de nous dessiller les yeux. Il faut avoir échoué pour comprendre ce qu’il y a d’intense dans la simple joie de vivre, et de miraculeux dans la beauté du monde.
Mais le mot « échec » viendrait peut-être, plus simplement, du vieux français, « eschec », terme apparu au XIe siècle et qui désigne le butin. Le butin est ce qu’une armée prend à l’ennemi, le produit d’un vol, ou la récolte d’un botaniste : dans tous les cas, il est un signe de victoire. Il est tentant de croire à cette étymologie, car c’est elle qui nous guide le mieux vers la sagesse de l’échec.
Nos échecs sont des butins, et parfois même de véritables trésors. Il faut prendre le risque de vivre pour les découvrir, et les partager pour en estimer le prix.