Tout méfiant qu’il fût à l’égard de son ancien protégé, le président de la République n’était pas homme à se priver des atouts qu’il pouvait lui apporter. Il se saisit donc d’une nouvelle occasion pour lui faire intégrer le gouvernement.
Depuis sa remontée dans les sondages, il réfléchissait à un nouveau coup d’éclat pour asseoir encore davantage son autorité. Il se débarrassa d’un ministre récalcitrant et de trois secrétaires d’État qui n’étaient pas au niveau. Par un jeu de chaises musicales, il profita de ce remaniement pour proposer à Charles le portefeuille de la Communication. À sa grande surprise, le jeune impudent refusa. « Jusqu’alors Culture et Communication sont toujours allées de pair, argumenta-t-il. Ce ne sera pas l’un sans l’autre. » Le président céda.
Et voilà comment, deux ans à peine après avoir quitté le bureau de Samia et son parfum trouble, il s’y retrouva… dans les habits ministériels. Symboliquement, il souhaita que son premier coup de fil fût pour elle. Elle ne répondit pas. Elle n’était toujours pas revenue dans le jeu politique et attendait impatiemment les prochaines échéances pour se lancer dans le bain électoral. Il lui manquait, en effet, une assise locale. Patiemment donc, elle tissait sa toile du côté de Montrouge où elle avait repéré un député qui, pour des raisons de non-cumul des mandats, n’était pas sûr de se représenter.
Il eut une pensée pour elle et ne put s’empêcher d’aller rôder dans le réduit à doubles portes qui séparait son bureau de la pièce voisine.
Des souvenirs ambrés lui revinrent…
Il fit les cent pas dans son nouveau territoire pour mieux se l’approprier et quand il se sentit enfin prêt, il caressa le bureau de ses illustres prédécesseurs et appela la secrétaire, celle-là même qui cherchait sa ministre quand elle lutinait avec lui entre deux portes sous les ors de la République.