– XXII –

Mille idées se bousculaient dans sa tête. « Revoyons-nous », avait-elle dit. Elle avait fait le premier pas, crânement. Mais qui devait faire le second ? Comme un collégien amoureux, Charles évaluait les stratégies, pesait le pour et le contre et se retrouvait paralysé par la timidité face à une situation qu’il n’avait connue qu’une fois, lors de sa rencontre avec Florence.

Florence, justement. Comment aborber le sujet avec elle ? Et d’abord, le fallait-il ? Après tout, il n’y avait eu qu’un simple échange de regards avec Blanche. Rien ne disait qu’il ne s’agirait pas d’un feu de paille, même si l’étincelle crépitait depuis une heure et courait délicieusement en lui. Mais dans un accès de fougue adolescente, il se disait qu’il fallait être honnête dès le début pour permettre à cette relation naissante de prospérer. Dans la seconde qui suivait, il demandait à son cœur de se calmer pour entendre la voix de la sagesse. Il était en couple avec une femme à qui il n’avait rien à reprocher. Tout cela était bien précipité.

Il avait conscience qu’avec Florence, il y avait quelque chose de plus solide, de l’ordre du pacte. Le sentiment amoureux s’était émoussé de son côté, le désir aussi, même si Florence savait le réveiller subtilement dans les moments les plus inattendus, mais il y avait beaucoup plus fort que tout cela, moins glorieux bien sûr : une forme d’accord de gouvernement. À toi le pouvoir et l’Élysée, à moi l’influence et les médias. Tout cela devait-il voler en éclats pour une passade ?

Charles réalisait que ces calculs ne l’honoraient pas mais le mode de fonctionnement des politiques est ainsi fait. Toujours prévoir, anticiper, choisir le moindre mal et se blinder face à l’émotion.

De toutes ces pensées antagonistes qui l’assaillaient, il voulut garder les plus spontanées, celles qui l’enflammaient et lui donnaient un furieux désir de serrer cette femme dans ses bras. Il choisit d’aller au plus simple : demander à sa chef de cabinet – qu’il n’était plus besoin de mettre dans la confidence parce qu’elle avait évidemment tout remarqué – d’appeler la jeune romancière pour fixer au plus vite un déjeuner ou mieux un dîner. Ainsi les apparences seraient sauves. Il n’aurait pas à se dévoiler directement, quelqu’un le ferait pour lui. Ce n’était pas très courageux, mais c’était efficace.

Quant à Florence, on verrait plus tard…