Avant de disparaître grâce au sacrifice de son fils, Jean-Baptiste ne lui avait jamais parlé de l’atout secret qu’il avait dans sa manche pour l’aider à parvenir à ses fins. Il n’avait mis dans la confidence qu’Emmanuel, le directeur de cabinet de son fils, pour éviter que Charles ne soit tenté de brûler les étapes.
Carte majeure qui expliquait en partie son mépris pour le président en titre. Ses amis pensaient que sa détestation remontait à une tribune qu’il avait cosignée pour défendre la liberté d’expression car il était notoire qu’Exbrayat avait trempé dans la manœuvre qui avait conduit au départ du journal télévisé d’un de ses meilleurs amis. Victor était au mieux avec le propriétaire de la chaîne qui employait le proche de Jean-Baptiste jusqu’à son licenciement. Il était même parrain d’un de ses fils, c’est dire l’intimité des deux hommes.
Cette rancune-là avait passé mais depuis, il y avait bien pire. Et à un an tout juste de l’échéance présidentielle, Jean-Baptiste estima qu’il était temps d’en parler au bras droit de son fils, et à lui seul. Florence, dont le métier était quand même de cancaner ou de caqueter, devait être tenue à l’écart, dans un premier temps tout du moins.
Au moment de son éviction du journal, l’ami de Jean-Baptiste s’était consolé comme il le pouvait avec les sacs postaux de lettres de soutien de ses téléspectateurs. Du côté de ses confrères en revanche, on ne s’était pas bousculé pour pleurer sur son sort. Quand on n’est pas dans la lumière, il n’y a rien de plus jouissif que d’assister, faussement apitoyé, à la chute d’une idole qui trop longtemps a tenu le haut du pavé. Chez les hommes et femmes politiques, la réaction fut plus contrastée. Un franc soutien en privé, par téléphone ou même par lettre, ce qui peut être plus compromettant, mais en public un silence assourdissant. On ne veut jamais se fâcher avec une chaîne aussi influente, ni avec son patron, ni avec les journalistes remplaçants qu’on devra désormais pratiquer au quotidien.
Jean-Baptiste ne s’attendait pas à autre chose d’un milieu qu’il n’avait jamais flatté, même si nombre de ses membres le tutoyaient. Chacun son métier, c’est ainsi qu’on peut préserver son indépendance. C’est pourquoi il fut très étonné de la démarche qu’accomplit alors un responsable jadis important de l’opposition.
Robert Gibeaux se disait ulcéré par les conditions du renvoi du présentateur. Il avait beaucoup apprécié la lettre ouverte de Jean-Baptiste en soutien à son ami. C’est pourquoi il le contacta et, quelques semaines plus tard, il déjeuna avec lui pour lui faire part d’une bien étrange affaire.