Il n’avait rien dit au préalable à Florence. Il préférait recueillir sa première réaction spontanée à l’écoute de l’enregistrement.
Elle fut décevante.
— C’est qui, ces deux-là ?
Charles fut donc obligé de tout lui raconter et, bien évidemment, garda le meilleur pour la fin : Exbrayat.
— Tu es sûr ? répondit-elle en rembobinant la cassette.
De fait, Charles lui aussi avait eu des doutes. Comme elle, c’était la première fois qu’il écoutait la conversation et il ne reconnut pas d’emblée la voix du président de la République. Mais à la deuxième audition, il commença à se persuader de son authenticité. Trop d’intonations lui étaient familières, trop de tics de langage également.
Florence, elle, continuait à s’interroger.
— Tu es sûr à cent pour cent ? Seul un expert pourrait nous le confirmer. Et comment trouver un spécialiste de la reconnaissance vocale sans le mettre à son tour dans la confidence ?
Plus il réécoutait la cassette, plus il mesurait son importance. En l’état actuel des choses, il lui était impossible de se présenter frontalement contre le chef de l’État en place. Il manquait d’arguments de fond pour exprimer ses divergences avec lui, le parti au pouvoir ne l’accepterait pas et l’opinion ne goûterait pas cette manœuvre de pure ambition personnelle. Tout changeait avec cet enregistrement explosif. Ce ne serait pas lui qui pousserait dehors le tenant du titre…
Il n’empêche qu’il était quand même tiraillé. A-t-on le droit de trahir un homme à qui l’on doit sa carrière et qui ne vous a rien fait de vraiment mal, sauf de préparer des dossiers pour vous dissuader de le trahir ?
C’est Florence qui lui ôta cette épine du pied.
— Donne-moi la cassette et laisse-moi faire. Je ne suis pas encore sûre de ce qui va suivre mais je ferai au mieux. Il faut d’abord que je m’assure qu’il ne s’agit pas d’un montage, et que c’est bien la voix d’Exbrayat. Si c’est le cas, mon chéri, ton truc, c’est une bombe ! On peut feuilletonner des semaines autour de ça. Tu me fais confiance ?
Lâchement soulagé, Charles répondit oui.