– VII –

Une fois de plus, Florence démontra son habileté. Après s’être assurée de l’authenticité du document qu’elle était désormais la seule à détenir, elle se débrouilla pour passer par une multitude d’intermédiaires, afin que nul ne puisse remonter jusqu’à elle, et donc jusqu’à Charles. Là où d’autres auraient confié l’information à un site spécialisé dans l’investigation – qui l’aurait exploitée en plusieurs rafales –, elle préféra la faire fuiter par différentes sources, de plus ou moins bonne qualité.

Sa propre chaîne ne répercuta d’ailleurs pas d’emblée la rumeur. Elle demanda à ses équipes d’être très prudentes. Après tout, disait-elle, cela touche quand même le président de la République, cela mérite bien qu’on enquête pendant un jour ou deux pour recouper l’information.

Duplice jusqu’au bout, elle ne dévoila rien de ses manœuvres à Charles, ce qui d’ailleurs arrangeait son amant. Il voulait se persuader que tout cela ne lui appartenait plus et qu’il se lavait les mains de ce qui allait advenir, en bien comme en mal.

Et il fut presque surpris un beau matin de voir arriver dans son bureau un collaborateur venu lui annoncer qu’une méchante rumeur circulait dans Paris, reprise à mots couverts par un site d’information en ligne. Comme le canal était proche du Kremlin, les autres journalistes se méfiaient encore et craignaient qu’il ne s’agisse d’une nouvelle tentative russe de déstabilisation.

Avec une certaine énergie, Charles demanda à son attachée de presse de ne pas relayer ce genre d’informations, pas davantage à l’extérieur que dans les couloirs du ministère :

— Je ne comprends rien à cette histoire, lui dit-il. Et ça m’étonnerait beaucoup de la part du président dont j’ai longtemps partagé tous les secrets, vous le savez. Ce n’est pas du tout son genre.

S’il mettait tant de vigueur à réagir à la nouvelle, c’est qu’il savait sa collaboratrice très proche de l’Élysée, contrairement à son directeur de cabinet. C’est l’entourage du président qui l’avait imposée à ce poste, sans doute pour mieux contrôler les élans et les ambitions du jeune Charles. Il espérait bien que leur conversation serait immédiatement répercutée en haut lieu.

Comme Florence, Charles affichait donc publiquement un grand scepticisme quant à la rumeur insistante qui affectait le président. Sa seule crainte était que Robert Gibeaux, qui avait confié la cassette à son père, ne se réveillât et ne lui posât des questions. Mais l’affaire remontait déjà à plusieurs années, l’ancien ministre n’était plus tout jeune et n’avait plus aucun mandat électoral. De plus, il n’irait sans doute pas se vanter d’avoir servi d’intermédiaire.

Mais en politique il ne faut jamais jurer de rien.