– XVI –

Victor Exbrayat n’avait toujours pas rappelé.

À l’heure du déjeuner, le trio se réunit : Florence, Charles et Emmanuel. Il fut décidé que le ministre ne tarderait pas davantage, car la menace Chassigneux était toujours en suspens. Ils convinrent de la forme la plus classique pour annoncer sa candidature : une déclaration à l’AFP. Charles dut renoncer à la modernité en utilisant les réseaux sociaux, qui aussitôt se seraient déchaînés, ou à plus de solennité, une déclaration dans son fief breton ou derrière le bureau d’André Malraux, car il eût fallu prévenir auparavant les journalistes, et donc mettre la puce à l’oreille du ministre de l’Intérieur, qui aurait pu alors dégainer encore plus vite.

Juste avant de faire envoyer par Florence son communiqué à l’Agence France Presse, Charles adressa un texto à Victor Exbrayat : « Cher Victor, j’ai tenté de te joindre hier soir après ton discours. Il était exceptionnel de dignité. En mémoire de tout ce que tu m’as appris, et de tout ce que tu as apporté au pays, j’ai décidé de me porter candidat à ta succession. Et je tenais bien sûr à ce que tu en sois le premier informé. Amitiés fidèles. Charles ».

Il y avait en ces cinq lignes rédigées à la hâte un concentré de rouerie que n’aurait pas renié Victor Exbrayat. Sans oublier l’amitié ni la fidélité, bien malmenées ces derniers temps.

Quelques minutes plus tard, l’AFP publiait un flash annonçant sa candidature. Et dans la même seconde, le ministre de l’Intérieur tentait de le joindre. Charles ne renvoya pas son appel.

La campagne pouvait commencer.