Chapitre 31

Biddegain arriva au bureau le sourire aux lèvres. Après cette longue semaine de congé maladie, il était heureux de retrouver son équipe.

— Le chauffage est réparé, lui annonça André en l’accueillant. Pas de risque de rhume. Pas de risque !

Il s’en réjouit. Tant qu’à changer d’hygiène de vie, il avait décidé d’être positif. C’était bon pour la santé, avait-il lu dans Fémina dimanche. Selon la journaliste, une bonne nouvelle quotidienne suffisait. Grâce à André, le quota du jour était atteint. « Tout compte fait, ce n’est pas difficile, pensa-t-il. Il suffit de ne pas viser trop haut. »

La salle de réunion avait été nettoyée et rangée. Décidément Sylvie prenait très au sérieux son rôle d’ange gardien. La cafetière détartrée brillait. Un gros paquet trônait devant sa chaise habituelle. L’équipe au complet le guettait du coin de l’œil. Il les salua et lut la carte dépassant de l’emballage. « Pour garder la forme, de la part de tous. »

Il découvrit une énorme boîte de tisane, une tasse avec filtre et un flyer annonçant la marche du téléthon dacquois.

Ses coéquipiers étaient râleurs souvent, fatigants parfois, se chamaillant comme des gamins tout le temps, mais professionnels et soudés, toujours. Ils le considéraient comme un des leurs et ça faisait du bien de le savoir.

— Ça fait plaisir de vous revoir. Merci à tous.

— Moi, j’avais pensé à du whisky, s’exclama Vignolles. Il paraît que c’est bon pour les artères. Mais Sylvie, elle dit que non. Tu l’as fait où ta fac de médecine, Sylvie ? À Pimbo ou à Philondenx ?

Il les retrouvait tels qu’il les avait laissés.

— Au travail maintenant, lança-t-il. Quoi de neuf en mon absence ?

— Rien ou plutôt toujours pareil. Petits délits, vols de voitures, violences conjugales. Si, un truc marrant, annonça Vignolles. Une connerie de jeunes. Une grosse bringue pour fêter leurs dix-huit ans. En fin de nuit, ils entrent dans leur lycée, ouvrent une salle et piquent… Un clavier d’ordinateur ! Et comme ils ne savent pas que le lycée est protégé par une alarme, l’équipe de nuit les cueille au portail. Les familles sont venues les chercher.

— Mon aîné est en classe avec le petit frère de l’un d’entre eux, renchérit Martineau. Des gens bien et des gamins bien. Pas de quoi fouetter un chat. Mais la proviseure du lycée veut marquer le coup. Elle a demandé à vous rencontrer. Elle passera en fin de matinée. Et maintenant, continua-t-il d’un air gourmand, les choses sérieuses. On a retrouvé d’où vient le peignoir. J’ai envoyé une photo des traces de la broderie dans les établissements thermaux d’Aquitaine. Rien. J’ai élargi mes recherches. Une petite stagiaire qui s’ennuyait ferme à la réception m’a appelé. Elle a reconnu le logo de son établissement. Le grand Hôtel de Brides-les-Bains. C’est à côté de Moutiers. Dans les Alpes, en Savoie, précisa-t-il d’un air docte. Mais le meilleur reste à venir…

Martineau adorait prendre son temps, faire des effets. Biddegain trouvait ça insupportable. Mais il avait décidé d’être positif.

— Alors ? demanda-t-il avec tout l’enthousiasme requis.

— Alors ? Alors, le truc énorme c’est que le monogramme a été réactualisé l’an dernier. Ça restreint notre champ d’investigations. On va avoir le listing des clients de l’hôtel. Et avec un peu de chance…

Quand Martineau était content, on pouvait entrevoir le gamin qu’il avait été. Il rayonnait si fort que c’en était touchant. Que tirerait-on d’une liste de noms ? Sûrement beaucoup de travail. Pour peut-être bien peu de résultats. Biddegain se garda de le dire. Il ne voulait pas démoraliser son monde.

— Moi, dit Vignolles, j’ai creusé du côté de Marwin Limberter. Il était bien chez son copain. Il est parti à sept heures trente.

— Le copain peut le couvrir …

— Non. Ils se sont embrouillés pour une histoire de filles. S’il avait pu le charger, il l’aurait fait.

Vignolles avait l’air si déçu que tous éclatèrent de rire.

— Et de toute façon, commenta Berthelin, que Marwin Limberter entre spontanément dans une école, c’est de la science-fiction.

— La quatrième maîtresse de Créon, vous en êtes où ? demanda le commissaire quand les rires se calmèrent.

— On allait y venir. La secrétaire de madame Giettaz nous a conseillé de nous adresser au club des retraités de l’Éducation nationale. Vignolles s’est dévoué.

— Et ?

— Et…Pas grand-chose. Celles que j’ai rencontrées ne savaient rien. Enfin, elles m’ont quand même donné le nom d’une certaine Colette Pommier qui, d’après elles, pourrait nous renseigner. Elle vous attend, patron. Demain. Onze heures. Mont-de-Marsan. C’est sur votre bureau. Avec le reste… Je vous préviens patron, ajouta-t-il en quittant la salle, moi je n’y retourne pas. Il y a là-bas une armée d’anciennes institutrices qui te scrutent comme si tu ne savais pas tes tables de multiplication. Envoyez plutôt Martineau ! Avec ses gosses, il doit être au top, à force de les faire réviser.

Une fois dans son bureau, où sa table de travail débordait de dossiers et de courrier accumulés, Biddegain se sentit découragé. Une petite semaine d’absence et toute cette paperasserie. Comment ne pas être stressé ! Plaçant le flyer du téléthon bien en vue, il se demanda si Sophie ne pourrait pas l’accompagner. Elle lui avait dit qu’elle aimait marcher. Ce serait agréable de passer cette matinée avec elle. Ils pourraient ensuite aller manger un petit quelque chose à la bonne franquette. Sans hésiter, il composa son numéro. Elle répondit à la première sonnerie. « C’est d’heureux augure », se dit-il en lançant son invitation. Il avait raison. Sophie accepta sans hésiter. Sentant à sa voix qu’elle aussi se réjouissait de cette sortie, il raccrocha en sifflotant et se mit à trier ses papiers.

Il allait s’attaquer au courrier quand son portable vibra. C’était Martine. Voulait-il participer avec elle à la marche du téléthon organisée au village ? Il refusa gentiment. Il participait à celle de Dax. Elle n’insista pas mais il la connaissait assez pour savoir qu’elle était déçue. Il aurait peut-être dû l’inviter à se joindre à eux. Non, il valait mieux attendre une autre occasion. Il l’emmènerait au prochain concert de la chorale du café Boissec.

« Je suis resté trop longtemps célibataire, conclut-il. Gérer les relations avec une femme, c’est difficile. Alors avec deux … »

Les femmes avaient toujours été un grand mystère pour lui. Les années passées avec Léna, son ex-compagne, n’avaient pas contribué à l’éclaircir. Quand elle l’avait quitté, il n’avait toujours pas compris ce qu’elle attendait, ni de lui, ni de la vie, ni ce qu’il avait raté dans leur couple.

Il terminait de répondre aux mails les plus urgents, lorsqu’André lui annonça que la proviseure du lycée de Borda l’attendait dans le hall. Il descendit l’accueillir.

Avec ses lunettes sévères sur son gros nez, madame la proviseure n’était pas une belle femme. Mais quand elle monta l’escalier d’un pas alerte, sa jupe un peu courte pour son âge dévoila ses jambes fines. « Pas belle, mais futée, pensa-t-il. Sachant mettre en valeur ses atouts. »

Elle s’assit sans attendre qu’il l’y invite et exposa sa demande à propos de l’intrusion nocturne dans le lycée. Elle voulait marquer le coup. Même s’il s’agissait des rejetons de familles en vue, la loi était la loi et l’on ne pouvait y déroger. De plus, la grande fête d’avant bac, le Père Cent, approchait. Il fallait faire un exemple pour éviter tout débordement à venir.

— Je suis tout à fait d’accord, mais ce n’est pas de mon ressort, lui expliqua Biddegain. Cependant, puisqu’il y a eu vol, il y aura une action en justice. Les jeunes n’ont pas de casier. Le procureur demandera certainement un rappel à la loi. C’est l’équivalent d’un bon tirage d’oreilles, ajouta-t-il, devant l’air interrogateur de son interlocutrice. Un geste suffisamment solennel pour marquer l’esprit des contrevenants, de leurs camarades et de leurs familles…

— C’est parfait, déclara-t-elle. Je ne suis pas une mère la terreur mais c’est mon premier poste en lycée. Certaines familles pensent que parce que je suis une femme, elles peuvent me dicter leur loi. J’entends imposer mon autorité.

Le commissaire sourit. Cette femme-là n’était pas grande mais elle avait du caractère.

— Nouvelle à Dax, donc. Où étiez-vous auparavant ?

— Dans un collège en milieu semi-rural. À Hagetmau.

Hagetmau. Il saisit l’occasion.

— Vous avez dû connaître Christophe Andrieux.

— Non. Je lui ai succédé. Je l’ai rencontré le temps de faire la passation. C’est tout.

Cette façon de couper court, poliment mais fermement lui donna envie de gratter plus avant.

— Je vais être franc avec vous. J’ai besoin d’une opinion extérieure, de l’avis de quelqu’un qui ne serait pas lié avec monsieur Andrieux. Vous en avez certainement entendu parler par la suite. Quand un chef s’en va, on évoque ses façons de faire, sa personnalité. Au moins au début. Les profs, les agents d’entretien, les secrétaires…

Elle croisa et décroisa ses jolies jambes.

— Je ne sais pas. C’était une personnalité visiblement compliquée. Adoré ou détesté par les adultes. Non vraiment, je ne sais pas si je dois…

— Et les élèves ?

— Ce n’est pas un baromètre très fiable, les élèves. J’ai scolarisé ma fille dans mon établissement. Des élèves se sont confiées à elle sans savoir que c’était ma fille. Elle porte le nom de son père, vous comprenez. Elle m’a rapporté des choses, des confidences, des on-dit sur monsieur Andrieux. Je n’en ai pas tenu compte. À cet âge, on peut dire n’importe quoi pour exister. Et puis…

Elle se mordilla l’ongle du pouce. Un ongle verni avec soin.

— Et puis ?

— C’est vraiment délicat. D’autant plus qu’il vient de mourir. Cela restera confidentiel ?

Il acquiesça. Un dernier mordillement et elle se lança.

— Deux ans après mon installation à Hagetmau, dans une réunion de chefs d’établissement, j’ai sympathisé avec une collègue. À la pause nous avons papoté. Vous savez comment c’est… D’où tu viens ? Où étais-tu avant ? Quand elle a su que j’étais à Hagetmau, elle m’a demandé si j’avais rencontré Christophe Andrieux. Il lui avait succédé au collège d’Albret.

— Ici ? À Dax ?

— Oui. Quelques mois après la prise de fonction d’Andrieux, une élève s’était suicidée. Ma collègue en a été bouleversée. Elle avait toujours jugé cette jeune fille sans problèmes. Elle a cherché à comprendre, rencontré d’anciens élèves. Certains lui ont laissé entendre que le nouveau principal…

— Andrieux ?

— Oui. Le nouveau principal, donc, convoquait certaines filles un peu trop souvent. Elle n’a pas su que faire. Ce n’étaient que des rumeurs, des fantasmes d’adolescents peut-être. Mais d’un autre côté, rien n’avait jamais laissé penser que cette jeune fille passe à l’acte. Je lui ai alors confié que j’avais entendu des propos semblables dans mon collège. Nous nous sommes questionnées. Fallait-il signaler ? Avec quelles preuves ? Et si tout cela n’était qu’un tissu d’inventions…

— Qu’avez-vous fait ?

— Rien. D’autant plus que le dernier jour de notre stage, Monsieur Andrieux nous a annoncé qu’il venait de réussir le concours d’inspecteur de l’Éducation nationale.

— Le problème était réglé, donc ? demanda Biddegain.

Son ton, pas franchement amical, fit rougir madame la proviseure.

— Si problème il y avait. N’oubliez pas que ce sont…

— Des adolescents. En l’occurrence, des adolescentes.

Elle vira au rouge brique, ce qui ne l’embellissait pas.

— Que voulez-vous que je fasse ? Que j’informe le procureur ? Que je détruise la carrière d’un homme ? Que je replonge une famille dans la douleur ? Tout ça sur des rumeurs, des divagations d’adolescentes hystériques… Deux ans après ! On m’aurait ri au nez… Sans preuve ?

Sa voix se perdait dans les aigus.

— J’ai fait ce que je croyais être le mieux dans l’intérêt de tout le monde. Que vous me soupçonniez de négligence, c’est intolérable !

Elle repoussa sa chaise brusquement et se dirigea vers la sortie.

— Ne me raccompagnez pas, je connais le chemin.

La porte claqua, ses talons martelèrent l’escalier.

— Un problème, chef ?

— Non Berthelin. Un nouvel axe de travail. Appelle l’hôpital Pellegrin et essaie de me trouver quelqu’un du service de cardio où était soigné Andrieux. Tu me transfèreras la communication, je ne quitte pas mon bureau.

Il se leva et s’approcha de la fenêtre. Bouger l’aidait à réfléchir. Dans la lumière tranchante de ce matin d’hiver, la cour intérieure était sale et grise. Il observa le va-et-vient des pigeons, laissant courir ses pensées. Sous l’effet de son souffle, la buée recouvrit peu à peu la vitre, transformant les murs et le local des poubelles en masses indistinctes. Il l’effaça d’un coup de manche. La cour réapparut dans toute sa laideur.

Qu’en était-il d’Andrieux ? Il l’avait croisé à plusieurs occasions. Il lui avait fait l’effet d’un homme affable et bon vivant. Mais comme souvent, ce vernis s’écaillait sous les coups d’ongle de l’enquête. Si ce qu’il venait d’entendre se vérifiait, la mort de cet homme-là n’était pas une grande perte pour la société. C’était violent, mais réaliste. Et en prison, il n’aurait pas tenu longtemps. Un pointeur…

Et Madame Andrieux ? Elle avait été bien réservée lors de leur entretien. Il avait mis cela sur le compte de la maladie de son époux. Savait-elle ? Avait-elle au moins pressenti quelque chose ? Était-elle de ces femmes qui préfèrent fermer les yeux ? La proviseure n’avait pas complètement tort, aborder ce sujet sur la foi de rumeurs, ce n’était pas facile.

« Il faudrait déjà qu’elle accepte de me rencontrer à nouveau, pensa-t-il. Son mari est décédé pendant qu’elle répondait à mes questions… »

Il tourna et retourna la situation. Sur la vitre, la buée se transformait en eau, chaque gouttelette suivant sa propre voie, détournée par un obstacle invisible à l’œil nu. Il en était ainsi de l’enquête. Quelque chose se condensait, mais les voies qui s’ouvraient étaient trop floues encore, presque impalpables.

« Un peignoir abandonné, des objets du passé ! Rien de solide ! » avait déclaré la juge d’instruction. Et maintenant, des rumeurs. Elle allait détester. Mais tout était lié à Créon. Biddegain en était sûr. À Créon et à Andrieux.

Quand Sylvie lui passa l’hôpital Pellegrin, il venait de trouver son approche : il prétexterait de sa venue à Mont-de-Marsan pour rendre une visite de condoléances à madame Andrieux. La conversation qu’il eut avec le chef du service de cardiologie fut brève mais instructive.

— Monsieur Andrieux avait un cœur fatigué dont il n’avait pas pris soin, déclara ce dernier. Cependant malgré de lourds antécédents d’excès en tous genres, l’opération avait bien réussi et l’état du patient semblait être stabilisé. Mais la médecine ne contrôle pas tout et les malades ne sont pas toujours raisonnables, ajouta le spécialiste avec une légère pointe de regret dans la voix. Ainsi monsieur Andrieux, passant outre les recommandations de l’interne, a certainement essayé de se lever. Se lever trop vite en étant seul dans la chambre, c’était se mettre en danger. Sa femme l’a retrouvé à demi-assis, une jambe hors du lit, les draps rejetés. L’effort a été trop violent. Le monitoring a d’ailleurs enregistré une activité cardiaque intense juste avant le décès.

À la question de Biddegain « Pensez-vous qu’il puisse s’agir d’autre chose que d’une mort accidentelle ? », la réponse fut concise.

— Non. Le corps ne présentait aucune trace de lésion ou de contusion ; les perfs étaient branchées, continua le médecin. C’est un accident regrettable, dû à l’imprudence. Rien de plus. Pour plus de précisions, voyez avec l’infirmière-chef. Elle finit sa pause à quatorze heures, conclut-il.

« Midi et demi, j’ai le temps de déjeuner », se dit Biddegain en reposant le combiné. Pour éviter les tentations d’un menu du jour, il grignota dans son bureau : salade industrielle, yaourt. Ce n’était ni bon, ni suffisant. Il allait falloir qu’il s’organise autrement. Ses collègues amenaient une gamelle. Il devrait faire pareil, préparer le soir pour le lendemain. Il soupira. Une vie de cuisine, de cuisine à l’eau, quel programme ! Il décida de s’autoriser un café en terrasse. Un café par jour, ce n’était pas exagéré tout de même.

Il savourait son expresso, quand une voix l’arracha à sa rêverie.

— Gaby ! Comment allez-vous ?

Élise Giettaz. Elle tira une chaise et s’assit sans façon.

— Vous profitez de ce beau soleil. Vous avez raison, il faut accumuler de la vitamine D. Je le dis souvent à Sophie. Prends le soleil, repose-toi, arrête de tant travailler. Elle ne m’écoute pas. Heureusement il fera beau samedi pour le Téléthon. Votre enquête avance ?

Il se mit à rire.

— C’est le Téléthon qui vous fait penser à mon enquête ?

— Non, tout de même pas. Vous aviez l’air soucieux…

— Je pensais aux hommes qui abusent de leur position de pouvoir pour contraindre, pour obliger ou pour humilier.

— La prison ne suffit pas pour ceux-là. On devrait les exécuter.

Quelques têtes se tournèrent vers eux.

— La peine de mort est abolie depuis quatre-vingt-un…

— Et c’est bien dommage. Parfois. Gaby, je vous laisse, j’ai à faire.

Elle se leva brusquement. Il la regarda s’éloigner, surpris de la violence de sa réaction. C’était vraiment une femme étrange. Très décousue et pas si cool qu’elle voulait en avoir l’air. Sophie ne devait pas rire tous les jours.

 

***

 

— J’ai été très étonnée du décès brutal d’Andrieux, déclara d’emblée l’infirmière-chef du service de cardiologie à Biddegain. C’était un patient exemplaire, qui suivait au pied de la lettre les recommandations des médecins. Il avait eu très peur de mourir et s’efforçait de rester en vie. Qu’il ait voulu se lever reste incompréhensible.

Puis elle lui avoua sa passion pour les polars et son enthousiasme de participer, même modestement, à une enquête. La fascination des gens pour les romans et séries policières agaçait terriblement le commissaire, néanmoins, ce jour-là, elle se révéla utile. La jeune femme qu’il avait au téléphone était un témoin fiable et précis qui avait essayé de faire le point sur les événements avant son appel. D’une voix posée, elle lui expliqua qu’elle avait accouru en entendant les cris de détresse que poussait madame Andrieux dans le couloir. Entrant dans la chambre, elle avait vu le corps, à demi assis, renversé sur l’oreiller, le visage déformé par un rictus de terreur. Comme s’il avait vu un fantôme, s’était-elle dit.

— Peut-être avait-il fait un cauchemar et voulu se lever, insinua Biddegain. Avez-vous remarqué quelque chose de particulier ?

— Non, répondit-elle, rien n’avait été touché dans la chambre. Il y avait seulement un peu d’eau par terre. Un verre renversé sans doute.

— Et dans le couloir ?

Non, elle n’avait vu personne.

— Enfin, si, corrigea-t-elle, une fleuriste qui s’était trompée d’aile. Cela arrive souvent, les couloirs sont un tel labyrinthe. Je l’ai remise dans la bonne direction.

Il la remercia chaleureusement pour la qualité de son témoignage. Si jamais elle se souvenait d’autre chose, qu’elle le contacte.

La conversation terminée, il décida d’organiser une réunion d’équipe après ses rendez-vous à Mont-de-Marsan.