Le soleil de juin a légèrement hâlé la peau très claire de Myriam. Il fait chaud sur la grande terrasse. En contrebas, le Rhône réverbère paresseusement la lumière aveuglante du jour. Nous sommes des papillons de nuit éblouis et attirés par la clarté. Le fleuve nous attend. Irrésistible.
Il est interdit d’aller se baigner sans un adulte. Nous serons certainement punis si l’un des éducateurs nous surprend à désobéir. Mais la tentation est trop forte.
Nous dévalons la pente en faisant la course. Mon amie me bat de quelques foulées. Elle est plus forte, au sprint. Avant de partir, nous avons enfilé nos maillots de bain sous nos vêtements. La robe de Myriam vole déjà jusqu’à un buisson d’herbes folles. Ce n’est pas de jeu« moi, j’ai un pantalon avec une ceinture et une chemise avec des boutons. Je la rejoins enfin dans l’eau fraîche.
Monsieur Streng a promis de nous apprendre à nager cet été. Nager est agréable et utile, cela peut sauver votre vie, surtout « par les temps qui courent », a-t-il déclaré. Puis, il s’est rendu compte qu’il avait fait une gaffe en parlant des « temps qui courent ». Il a donc conclu en réaffirmant qu’« ici, nous ne risquons rien ». Nager sera donc uniquement récréatif. Une bonne occasion de rattraper ce que nous avons manqué à Paris.
En attendant, nous pataugeons tant que nous avons pied et nous nous éclaboussons en criant et en riant.
Un peu plus loin, des militaires italiens empruntent le pont qui enjambe le cours d’eau. Plus personne ne leur prête attention. Les Italiens font partie du paysage. Ils ne sont guère inquiétants.