Les soldats de l’armée allemande nous jettent comme de vulgaires sacs dans les camions bâchés. Dès le lendemain, nous sommes transférés par chemin de fer au camp de Drancy. Les adultes et les adolescents sont menottés comme des criminels. Aux yeux de nos geôliers, naître sous une étoile est un crime.
Le camp de Drancy, situé en région parisienne, est un ensemble de HLM à peine terminés, ceinturé de miradors et de barbelés. Sarah Apfelbaum, la mère de Myriam, a séjourné ici. Mais les châlits de bois superposés ne gardent pas la trace de leurs nombreux occupants successifs.
Ce sont maintenant les Allemands qui dirigent le camp. Nous sommes immédiatement dirigés vers le bloc des partants. Ce qui signifie que ce n’est pas la peine qu’on s’installe. Les portes se referment sur une odeur épouvantable. On n’a pas le droit de sortir respirer un peu d’air frais à l’extérieur du bâtiment. On dort à même le sol sur de la paille souillée. On ne se lave pas. On ne peut pas aller aux toilettes quand on le veut et, de toute façon, elles débordent.
On a faim.
Je pense à Myriam. Elle est saine et sauve. J’aimerais tellement pouvoir lui écrire tout ce que je ne lui ai pas dit. Mais nous n’avons ni papier, ni crayon. Et ce ne serait pas très prudent.
Une semaine passe avant qu’on nous rassemble pour nous raser la tête. Nous allons partir. On nous pousse dans des wagons de marchandises, portant l’inscription « HOMMES : 40. CHEVAUX EN LONG : 8 ». Nous sommes moins précieux que des animaux. Alors, les Allemands nous y entassent à presque une centaine pour ne pas perdre de place.
Le grand voyage commence vers la colonie de travail à l’Est, sans eau et sans nourriture.