Le vieux bey de la régence
Murmure en baissant le front :
Demain s’appelle vengeance
Quand hier s’appelle affront.
Lui qui creusa tant de fosses
Que, lorsqu’il passe, inclément,
Le ventre des femmes grosses
Tressaille lugubrement,
Il tient nu son cimeterre;
Pâle, il bâille par instants;
Puis il regarde la terre
Comme s’il disait : Attends.
Il rêve. On sent qu’il résiste
Comme le pin des forêts,
Et qu’il sera d’abord triste
Pour être terrible après.
Ses regards sont insondables;
Son glaive dans ses yeux luit;
Ses paupières formidables,
Où passe un éclair de nuit,
Laissent, sans qu’il les essuie,
Tomber sur son yatagan
Ces larges gouttes de pluie
Qui précèdent l’ouragan.