Notice éditoriale

Les lettres et documents

Ce volume regroupe la correspondance échangée par Paul Celan avec René Char, celle de René Char avec l’épouse de Paul Celan, Gisèle Celan-Lestrange, peintre et graveuse, et des lettres des psychiatres parisiens Pierre Deniker (une lettre) et Jean Delay (une lettre), ainsi que de l’épouse de ce dernier, Marie-Madeleine Delay (deux lettres), échangées avec Char, ayant toutes trait à l’internement de Paul Celan à Sainte-Anne en 1966. S’ajoutent à ces trois ensembles une lettre de Char à Marie-Madeleine Delay et un envoi de Paul Celan à l’épouse du professeur Delay, effectué la même année, destiné à lui exprimer sa gratitude pour la sollicitude qu’elle venait de lui témoigner. À l’exception de deux lettres (l’une de Char, l’autre de Celan : nos 28 et 73), toutes ces lettres sont inédites.

Paul Celan et René Char ont été en contact épistolaire entre juillet 1954 (lettre de Paul Celan) et octobre 1968 (envoi de René Char). Leur correspondance est constituée de quarante-cinq lettres ou billets (vingt-quatre de Celan, dont trois non envoyés, et vingt et une de Char), de onze cartes postales (quatre de Celan et sept de Char), ainsi que de quarante envois de livres ou d’opuscules ou de poèmes (un des poèmes de Celan est un imprimé accompagné d’une gravure de son épouse) ou de traductions (dix de Celan et trente de Char — dont trois n’ont pas pu être datés —, étant entendu que Char publiait très régulièrement des plaquettes). Ces envois ont été intégrés à la correspondance parce qu’ils entretiennent des liens étroits et explicites avec les lettres. À certaines de celles-ci a été joint un document plus ou moins important : tract, traduction ou lettre à un tiers ou lettre non envoyée au moment de sa rédaction. Dans certains cas, ces lettres, cartes postales ou dédicaces sont aussi adressées à et par Gisèle Celan. S’ajoutent une invitation à un spectacle poétique de Char et deux tracts contre l’implantation de fusées nucléaires en haute Provence signés par Char (en 1967), mis sans mot d’accompagnement sous une seule et même enveloppe.

À partir de 1965, René Char entretient une correspondance avec Gisèle Celan-Lestrange. Cet échange épistolaire s’étend sur deux périodes. Durant la première qui va jusqu’à la mort de Celan, en avril 1970, l’épouse de Celan prend en quelque sorte son relais au moment de son hospitalisation, puis maintient un contact avec René Char après sa séparation d’avec Paul Celan à compter de l’automne 1967. Ils échangent alors quinze lettres ou billets (huit de Char et sept de Gisèle Celan). Par ailleurs, Gisèle Celan envoie trois gravures à Char, qui lui fait parvenir trois livres ou opuscules dédicacés, dont un avant la période considérée, à savoir en décembre 1957. Pendant la seconde période de la correspondance entre Char et Gisèle Celan-Lestrange, qui s’étend jusqu’en octobre 1977, durant laquelle le souvenir de Celan est très présent, les correspondants échangent vingt-trois documents. Cet ensemble est constitué de quatorze lettres (neuf de Char et cinq de Gisèle Celan), de deux cartes postales (une de Char et une de Gisèle Celan), de deux dédicaces dans des livres ou opuscules et de cinq envois de gravures (un d’entre eux en compte trois).

Au cours de l’établissement du texte de ces correspondances, il a été possible de mettre en évidence l’absence de quelques rares lettres ou livres dédicacés. Ces manques ont fait systématiquement l’objet de signalement au lieu opportun. Deux exemplaires de La Parole en archipel, un dédicacé à Paul Celan et l’autre sans doute à Gisèle Celan, par exemple, ne figurent plus parmi les livres de leur bibliothèque.

Le plus souvent il n’a pas été possible de retrouver dans ses archives conservées aux Busclats, à L’Isle-sur-Sorgue, les gravures envoyées à René Char : c’est un fait connu, Char était très généreux envers ses compagnes, mais aussi envers ses amis visiteurs. Il n’était pas rare que ceux-ci quittent les Busclats avec un manuscrit, un livre ou une œuvre d’art.

Les lettres originales de Char ainsi que ses ouvrages dédicacés à Celan sont conservés dans la succession littéraire de Paul Celan aux Archives de la littérature allemande (Deutsches Literaturarchiv) à Marbach/N. ; celles de René Char ainsi que ses ouvrages dédicacés à Gisèle Celan dans la succession de Gisèle Celan-Lestrange (collection Éric Celan, Paris). Les lettres de Paul Celan ainsi que ses ouvrages dédicacés à Char appartiennent aujourd’hui à un collectionneur privé qui souhaite rester anonyme.

Transcription et établissement du texte

Le texte des lettres, et le cas échéant des documents qui les accompagnent, est transcrit intégralement et scrupuleusement. Les parties biffées ou barrées, même lorsqu’il s’agit d’une syllabe ou d’un mot, ainsi que les surcharges font systématiquement l’objet de transcriptions données dans les notes ; elles apparaissent toutes de façon unifiée sous un seul trait de biffure ; lorsqu’un mot ou un groupe de mots a été ajouté, cela fait toujours l’objet d’une mention. Il en va de même pour les esquisses de lettre reproduites dans les notes ou la chronologie. Dans deux cas, il a paru préférable de reproduire la lettre, dans son intégralité, au sein du cahier iconographique plutôt que de décrire tous les ajouts et corrections dactylographiés et manuscrits apportés par Celan au dactylogramme (nos 71 et 73). Les fautes d’inattention ont été corrigées discrètement (elles sont plus nombreuses chez Gisèle Celan-Lestrange et René Char que chez Paul Celan) ; il n’a été remédié aux oublis en matière de ponctuation que s’il s’agissait de ponctuation grammaticale ou que si l’absence de virgule, de point, de point d’exclamation ou d’interrogation gênait la lecture du texte (ces manques sont fréquents dans les lettres de Gisèle Celan-Lestrange). Les mois de l’année et jour de la semaine que Char orthographie le plus souvent avec majuscule ont donné lieu à des corrections conformément à l’usage actuel. En revanche, l’éditeur n’est pas intervenu lorsqu’une lettre débute, après la formule d’appel, suivie ou non d’une virgule, et contrairement à l’usage, par une minuscule (il faut noter qu’en allemand, après la formule d’appel, le début d’une lettre commence toujours par une minuscule). De surcroît, il se trouve que dans l’écriture de Char, il est parfois difficile de distinguer la majuscule de la minuscule (le problème se pose en particulier relativement au pronom de politesse « vous »). La présentation des dates, formules d’appel et de salutation est homogénéisée : elle n’est donc pas d’inspiration diplomatique. Seules les transcriptions des envois et dédicaces essaient de donner une image fidèle de la disposition des mots originale. Dans le cas où une date ou un mot sont abrégés et que ces abréviations sont facilement compréhensibles, ils n’ont pas été complétés. Seuls les mots manquants nécessaires à l’intelligibilité du texte ont été ajoutés en romain entre crochets droits. Les commentaires intratextuels apparaissent, eux, en italique et entre crochets italiques. Par ailleurs, toutes les mises en relief des auteurs sont restituées à l’identique, donc non homogénéisées : les soulignements apparaissant dans les lettres sont reproduits tels quels ainsi que les guillemets dans la forme employée par Char tout comme par Celan (guillemets anglais ; que Celan nomme plaisamment dans le Méridien des « oreilles de lièvre » dressées au-dessus des mots ou des phrases). Comme les notes qui les accompagnent lèvent dans ces cas toute équivoque, les titres d’œuvres, de poèmes non mis en relief par l’usage de guillemets ou de soulignements n’ont fait l’objet d’aucune intervention éditoriale.

On trouvera sous la transcription des lettres, en plus petits caractères, la description précise des documents publiés, indiquant s’il s’agit d’un dactylogramme ou d’un manuscrit et, dans le cas d’une carte postale, sa légende imprimée. Lorsqu’un document est manuscrit (c’est le cas de la plupart de ceux publiés dans ce volume), quelques informations supplémentaires sont fournies relatives à l’instrument d’écriture utilisé, au nombre de feuilles écrites composant le document (par exemple : 1 f. r./v. = une feuille recto/verso ; encre noire). Seules les dimensions et la qualité des papiers utilisés n’ont pas été précisées. Lorsqu’elles ont été conservées, les enveloppes font, elles aussi, l’objet de description : les noms du destinataire, et le cas échéant de l’expéditeur, ainsi que les libellés d’adresse apparaissent en romain ; le(s) cachet(s) de la poste, comme toute partie imprimée sur un document (en-tête de lettres y compris), en italique et en majuscules. Lorsqu’une enveloppe a été retrouvée indépendamment de la lettre à laquelle l’éditeur l’a associée, il en est fait mention. L’absence d’enveloppe (certaines n’ont pas été conservées ou n’ont pas été retrouvées) ne fait l’objet d’aucun signalement.

Les titres (ou faux titres) des livres envoyés apparaissent en italique (il s’agit de titres imprimés) au-dessus ou au-dessous des dédicaces, selon la disposition originale. Lorsque les titres sont mis entre crochets, cela signifie qu’ils n’apparaissent pas sur la page de la dédicace et que c’est l’éditeur qui les mentionne par souci de clarté.

Liste des sigles, abréviations et signes divers

La première partie de cette liste constitue la bibliographie sommaire de ce volume ; dans la deuxième et dans la dernière, apparaissent tous les signes et abréviations employés dans la description des documents.

Notes

Elles ont l’ambition d’apporter les informations nécessaires à la compréhension la plus fine possible des lettres et documents publiés et de mettre en évidence, sous forme de renvois, les liens existant entre eux. Y sont cités comme source, mais aussi comme possibilité d’approfondir une question, des ouvrages de référence : d’abord les œuvres poétiques des deux auteurs (la « Pléiade » pour Char et pour Celan ses poèmes et traductions en langue allemande — le tome IV des Gesammelte Werke en sept volumes ou Die Gedichte quand nécessaire et lorsqu’il n’existe pas encore de traduction française de l’œuvre ou du poème cité), les proses posthumes de Celan, “Mikrolithen sinds, Steinchen”. Die Prosa aus dem Nachlaß (inédit en français), mais aussi des biographies ou études biographiques ainsi que des correspondances de Char ou de Celan avec des tiers publiées ou encore inédites (ces dernières sont accompagnées de précisions sur leur lieu d’archivage). Lorsqu’une rencontre ou un événement évoqué dans une lettre, mais aussi l’envoi ou la réception d’une lettre ont fait l’objet d’une notation de Celan dans ses agendas, journaux de correspondance et journaux intimes, il y a systématiquement été fait référence, sous forme de citation exhaustive. Un certain nombre de notes ayant trait à l’affaire Goll, qui tient une place centrale dans cette correspondance, sont redevables au travail de Barbara Wiedemann (voir infra, p. 42, dans la Liste des sigles, abréviations et autres signes, GA). Les citations sans guillemets ou allusions à des poèmes, fréquentes dans les lettres de Char, ont été, autant que possible, repérées et font l’objet de renvois aux Œuvres complètes et non aux volumes de poèmes spécifiques. Tous les extraits de textes inédits de Paul Celan ou de tiers cités en traduction française dans les notes, ainsi que quelques passages tirés d’ouvrages difficiles d’accès ont été reproduits en langue originale (allemande et anglaise) après la chronologie. On notera que les règles typographiques allemandes y ont été respectées tout comme dans les notes et la chronologie. Les signes de ponctuation double (; : !?) ne sont pas précédés comme en français d’une espace fine.

Chronologie

Elle a bien sûr pour centre de gravité la relation Celan/Char. On y trouvera, lorsqu’elles n’ont pas pu être citées dans les commentaires de bas de page, toutes les notes et réflexions de Celan, dans ses agendas, journaux de correspondance et journaux intimes, relatives à Char. Ces notations sont importantes, car elles permettent de découvrir la face cachée de la relation de Celan à Char. Char n’ayant pas laissé de traces écrites de ce genre relativement à Celan — il n’a d’ailleurs jamais tenu de journal —, il n’a hélas pas été possible de fournir un éclairage complémentaire sur sa relation à Celan. Sont citées aussi dans la chronologie des lettres de Celan, de Char à des tiers ou des lettres de tiers lorsque celles-ci apportent des éclairages ou des informations sur la relation et les œuvres des deux écrivains. Les documents cités ne font l’objet que d’explications réduites au strict nécessaire. Il peut être utile de parcourir la chronologie année après année, parallèlement à la lecture des lettres.

Index

Y sont mentionnés les noms propres apparaissant dans la Correspondance, mais aussi ceux qui sont cités dans la préface, la notice éditoriale, la liste des sigles, les notes et la chronologie. Seuls les noms de Paul Celan, de René Char et de Gisèle Celan-Lestrange, ainsi que les noms qui apparaissent exclusivement dans la liste des sigles, n’ont pas été indexés. Les informations détaillées et ciblées qui sont fournies en fonction des deux correspondants principaux de ce volume apparaissent en notes de bas de page à la première occurrence du nom ou à la première allusion à la personne dans les lettres.