COMME UN INTRUS
Scène
: L’homme des cavernes
INT. DANS LA CUISINE CHEZ PHILIPPE & COLETTE — JOUR
Philippe et Colette sont assis dans la cuisine. Sur la table, un journal, un cendrier et deux tasses de café.
PHILIPPE
Jamais de la vie
! Pourquoi je voudrais que cette espèce d’homme des cavernes vienne vivre sous mon toit
?
COLETTE
S’agit pas de lui. S’agit de ma s
œ
ur et de ses enfants. Ton neveu, ta nièce…
?
PHILIPPE
Oui
,
j
e comprends ça… Mais lui aussi va être là, lui
avec sa tête à claques et ses commentaires débiles… Il me rend malade.
Colette esquisse un grand geste des deux mains.
COLETTE
Dieu sait que moi non plus j’aime pas Paul. Tous les jours, je pense à ce mariage et je me dis
: pourquoi, pourquoi, pourquoi
? Mais bon, on peut rien y faire.
PHILIPPE
Je veux pas l’avoir dans les parages, cet animal. C’est hors de question. C’est quoi, l’idée
?
COLETTE
La famille
: c’est ça, l’idée. Marie est ma s
œ
ur et
elle vit avec ses enfants dans un trou à rats dans le bas de la ville, entourés de drogués et de miséreux.
PHILIPPE
(soupirant)
Je sais. Mais c’est temporaire et ils vont s’en sortir. On pourrait leur prêter de l’argent…
?
Le regard en coin de Colette est plein de hargne.
Philippe s’allume une cigarette.
PHILIPPE
C’est bien beau de les inviter à habiter le logement du haut, mais il est pas libre. Qu’est-ce que je suis supposé faire du locataire
?
COLETTE
Mais tu peux pas le blairer, ce gars-là. Son remue-ménage et tout le reste. T’arrêtes pas de chialer à
cause de lui. Fous-le à la porte. T’as une bonne raison
de le faire maintenant.
PHILIPPE
Je peux pas faire ça. Ce serait injuste pour lui.
En plus, je sais pas si c’est légal de chasser quelqu’un
comme ça…
COLETTE
Écoute, Philippe, je te demande jamais rien. J’endure
ton ivrognerie et tes sautes d’humeur. J’accepte d’être
ta servante, et tout le reste.
PHILIPPE
Arrête…
COLETTE
(sa voix qui durcit)
C’est quelque chose que je veux que tu fasses. Pour moi. Tu comprends
? Je veux que tu ailles parler au locataire d’en haut. Tu lui donnes une semaine au maximum pour dégager.
Le ton de Colette est sans réplique.
Philippe dévisage sa femme. On devine qu’il souhaite de toutes ses forces qu’elle ne soit pas là, que par miracle elle se volatilise.
Colette se lève pour clore la discussion.
COLETTE
(au seuil de la porte)
Tu peux lui mentir, au locataire. Tu peux le menacer
ou lui o
ff
rir de l’argent. Fais ce que tu veux, je m’en
fous… Mais demain, je dis à Marie qu’ils peuvent emménager ici.
Philippe s’a
ff
ale dans sa chaise.
Un malaise persiste dans la pièce après la sortie de Colette, un silence lourd qui est accentué par le bourdonnement du réfrigérateur.
Philippe éteint sa cigarette et se dirige pesamment vers l’armoire pour y prendre une bouteille de scotch. Il se verse une bonne rasade.
PHILIPPE
(en marmonnant)
Dieu merci, je suis le roi et maître de ce château.