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— Je vais préparer un peu de pâtée pour mes larves, dit David en ventousant Robert sur sa prise RéZo…

Une décision qu’Helen et Katleen, affalées sur des plastiboudins, accueillirent avec soulagement. Il faut dire qu’être en permanence agressé par une horde de pelucheux avides de transpiration n’était pas très folichon. Les pelucheux adoraient le sel et tout était bon pour faire taire les gargouillements de leur estomac. Et puis la sueur était riche en vitamine C, alors pour des rejetons en pleine crise de croissance, c’était bienvenu. Mais, se retrouver avec une larve poilue collée sous les aisselles ou essayant de vous écarter les cuisses était en revanche moyennement attrayant.

— Alors comme ça, tu as revu Harry ? lança Katleen dès que David eut disparu.

Helen sourit.

— Je me disais bien que tu ne pouvais pas avoir lâché le morceau.

— Ouais… Sauf que le morceau, en l’occurrence, c’est toi qui ne l’as pas lâché.

— Et c’était super, crois-moi.

Katleen se redressa d’un bond. La fureur avait tendu ses traits. Gommé toute fatigue. Les ailes de ses narines palpitaient. Elle se jeta sur Helen qui la bloqua par les épaules.

— Vraiment super… son dernier concert ! précisa Helen en souriant.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Le visage de Katleen était tout près de celui d’Helen. Helen la retenait par les épaules et si elle la lâchait, elle s’écraserait sur elle de tout son poids. La jalousie crépitait sur sa peau. On sentait qu’elle aimerait peser des tonnes pour réduire le corps d’Helen en miettes…

— J’ai assisté au dernier concert de Jérémy Cornélicus. J’ai appris qu’il allait mixer du Shandragore West et je ne pouvais pas rater ça.

— Tu vas me faire croire que tu n’y es allée que pour le concert ?

— Et toi, comment se fait-il que tu n’y étais pas ?

La pression des épaules de Katleen sur les paumes d’Helen diminua.

— Eh bien, c’est…

— Tu t’es disputée avec Harry parce que tu ne comprenais pas pourquoi il partait. Il te laissait tomber pour aller passer des vacances sur la Lune… C’est ça que tu te disais. Et tu as eu du mal à l’accepter.

— J’ai toujours du mal. Et s’il… s’il se remettait avec toi, c’est moi qui ne m’en remettrais pas.

— Il ne se remettra jamais avec moi.

La pression sur les paumes d’Helen diminua encore d’un cran.

— Il t’aime. Il me l’a dit, mais en trois ans il a changé. Profondément changé. Il paraît tout le temps ailleurs…

La pression diminua encore et Helen relâcha la tension de ses bras. Le visage de Katleen se rapprocha d’un cran.

— C’est un autre Harry Botkine qui est revenu du mythopoïos. Et j’ai peur…

— … de le perdre ?

La tiédeur de sa respiration, l’odeur légèrement aigre-douce de sa peau…

— Oui.

La pression cessa totalement et les lèvres de Katleen se posèrent sur celles d’Helen.

 

David les retrouva nues et assoupies, ruisselantes de sueur.

Il rapportait une Thermos d’amphécafé et l’odeur de noisette brûlée les sortit de leur torpeur.

— Pendant que vous faisiez plus ample connaissance, Robert a déniché une info intéressante.

Helen et Katleen avaient recommencé à se mordiller les lèvres.

— Si vous pouviez vous concentrer cinq minutes, ça m’arrangerait !

Katleen se passa les mains dans les cheveux d’un geste lascif.

— On t’écoute…

— Abraham Flighenstein ne s’est pas toujours appelé ainsi. Il a demandé et obtenu un changement de patronyme il y a une quinzaine d’années.

— C’est ça, ton info intéressante ?

— En soi, ça n’a effectivement pas grand intérêt, mais avant de s’appeler Flighenstein, notre astronaute s’appelait Sharkey. Abraham Sharkey.