L’Overlook étincelait de mille feux sous le givre cybernétique. Les gargouilles crachaient des étoiles et leurs yeux lançaient des éclairs. Le faucon effectua une large courbe plongeante puis s’engouffra entre les deux énormes portes entrouvertes. Il plana dans le gigantesque hall, qui avait pris l’allure d’une gare déserte gagnée par la glaciation. Le barman, figé, tel un instantané photographique, servait un whisky à un client. Le liquide ambré sortait de la bouteille, épais comme du miel et éclaboussait l’intérieur du verre. Le client allumait une cigarette en recrachant un épais nuage de fumée qui s’évasait en cône au sortir de ses lèvres. Tout était immobile, liquide, flamme, fumée, évoquant une peinture hyperréaliste ou un film 3D en arrêt sur image.
Le même spectacle habitait les salles de jeu. Les instantanés – visages grimaçants, poses extravagantes, colère, rire, dépit – étaient à la fois fabuleux, ridicules, poignants et grotesques.
Au troisième étage, les portes de la salle de bal étaient grandes ouvertes. Au centre de l’immense pièce, comme plongée en catalepsie et abandonnée par un magicien facétieux, planait la Dame Blanche dans sa robe blanche. Le faucon en fit plusieurs fois le tour puis se posa.
Katleen glissa lentement le long des plumes de Mona, s’avança vers la Dame Blanche puis se tourna vers Harry.
— Elle est morte…
Harry secoua la tête en caressant les ailes du faucon maintenant repliées.
— La mort n’existe pas. Tu es morte et tu es vivante. Il n’y a que conscience et non-conscience. Le reste est littérature. C’est peut-être là qu’est la réponse.
— À quoi ?
— À toutes les questions.
— Qui suis-je ?
Elle toucha la joue de la femme blanche. Elle était tiède et non froide comme on aurait pu s’y attendre.
— Katleen, répondit Botkine avec un temps de retard.
Elle se pencha et fit glisser ses lèvres le long de la joue tiède puis s’immobilisa sur les lèvres de la belle endormie et l’embrassa.
La glace cybernétique qui l’emmaillotait se mit à couler comme du mercure.
Les paupières de la Dame Blanche papillotèrent.
— Et pour moi, tu es Karen, dit-elle en un souffle.