AILE DE COLOMBE s’assit sur le seuil de sa tanière et jeta un coup d’œil dehors. Une odeur de feuilles mouillées flottait dans le camp.
« Il ne pleut plus.
— Le ciel se dégage ? » demanda Feuille de Lis en s’étirant dans son nid.
Des nuages couraient toujours dans le ciel mais un vent puissant les dispersait rapidement.
— Oui. La lune sera visible lorsque nous arriverons sur place. »
Ce soir-là, après plusieurs jours d’orage, l’Assemblée pourrait avoir lieu. Aile de Colombe trépignait d’impatience. Elle n’avait pas vu Cœur de Tigre depuis la dernière nuit de beau temps. Clan des Étoiles, fais qu’il soit à l’Assemblée, ce soir !
Poil de Bourdon s’approcha d’elle, une souris dans la gueule.
« Coucou, fit-il en lâchant le rongeur devant les pattes de la guerrière. Je me disais que tu avais peut-être faim.
— Non, merci. » Elle repoussa l’offrande du bout de la patte. « Nous allons bientôt partir, Étoile de Feu sort de sa tanière. »
Elle jeta un coup d’œil vers sa sœur et ajouta :
« Tu as l’air en meilleure forme. » À cause du mauvais temps, le clan avait été confiné au camp et Feuille de Lis avait pu récupérer une partie de son sommeil en retard. « Griffe de Ronce va peut-être revenir sur sa décision. »
Le lieutenant n’avait pas choisi Feuille de Lis pour l’Assemblée car il la trouvait trop fatiguée.
« Je préfère rester ici et me coucher tôt », répondit l’intéressée.
Aile de Colombe la fixa, étonnée. Était-elle pressée de retourner dans la Forêt Sombre ? Elle haussa les épaules et sortit dans la clairière où Pelage de Lion et Flocon de Neige attendaient déjà. Patte de Renard était assis près d’eux, pendant que Nuage de Cerise jouait avec le bout de la queue de Nuage de Loir.
« Attendez-moi, lança Pétale de Rose. Poil de Bourdon arrive, il essaie juste d’engloutir une autre souris avant qu’on y aille.
— Il va finir aussi gros que Plume Grise, s’il continue à se goinfrer comme ça », pouffa Aile de Colombe.
Étoile de Feu sauta de la Corniche et leva les yeux vers la lune.
« Nous devrions partir maintenant, déclara-t-il tandis que Tempête de Sable le rejoignait dans la clairière. L’éclaircie ne va peut-être pas durer. »
Griffe de Ronce s’étira près de la tanière des guerriers puis suivit Étoile de Feu vers la sortie.
« Et Œil de Geai ? Il ne vient pas avec nous ? lança soudain Pelage de Lion.
— Non. Les autres clans ne le considèrent plus comme un guérisseur, répondit le lieutenant en caressant du bout de la queue le poil hérissé du guerrier.
— Allons-y, ordonna Étoile de Feu avant de se glisser dans le tunnel de ronces. L’Assemblée risque d’être écourtée s’il se remet à pleuvoir. »
Aile de Colombe emboîta le pas à la patrouille en essayant de ne pas glisser sur les feuilles humides. Du coin de l’œil, elle remarqua un pelage gris tout près d’elle : Poil de Bourdon. Encore lui ! Elle pressa l’allure pour le semer mais il accéléra à son tour. Elle contourna alors un roncier et lui coupa la route pour qu’il soit obligé de la laisser passer devant.
Elle atteignit le sommet de la butte avant lui et, dès qu’elle vit le lac, elle envoya une prière silencieuse à ses ancêtres. Faites que Cœur de Tigre soit là !
« Tu es déjà fatiguée ? demanda Pétale de Rose en s’arrêtant près d’elle.
— Moi, pas ! » s’écria Pluie de Pétales en passant en trombe pour s’élancer dans la descente à la suite de leurs camarades.
Poil de Bourdon, lui, s’immobilisa brutalement devant Aile de Colombe et Pétale de Rose.
« À cause de toi, j’ai failli percuter un arbre ! lança le guerrier rayé.
— Tu n’as qu’à regarder où tu vas, gronda Aile de Colombe. Un peu plus, et tu me faisais trébucher. » Elle se lança dans la descente en marmonnant : « Espèce de cervelle de souris maladroite !
— Pourquoi es-tu si méchante avec lui ? lui murmura Pétale de Rose. Ce n’est pas un crime, tu sais ! »
Aile de Colombe sursauta, elle n’avait pas vu qu’elle était suivie. Poil de Bourdon leur passa devant à toute allure et disparut dans les hautes herbes.
« Qu’est-ce qui n’est pas un crime ? lui demanda-t-elle, étonnée que sa camarade ait l’air si furieuse.
— C’est évident ! Il t’apprécie beaucoup. Même si ce n’est pas réciproque, tu n’as pas à le blesser. À moins que cela t’amuse, de le faire souffrir ?
— Pas du tout ! s’écria la jeune guerrière en se sentant coupable.
— Alors va t’excuser. »
Aile de Colombe grimaça. Pétale de Rose avait raison. Si Poil de Bourdon éprouvait des sentiments qu’elle ne partageait pas, ce n’était pas une raison pour le punir.
« D’accord ! »
Elle se remit en route en suivant les traces de Poil de Bourdon dans l’herbe. Elle dévala la petite pente jusqu’à la berge du lac et atterrit sur les galets juste derrière lui, mais il continua sa route sans ralentir.
« Attends ! haleta-t-elle.
— Quoi ? gronda-t-il en la laissant le rattraper.
— Écoute… je suis désolée de t’avoir parlé comme ça. »
Il tourna la tête vers elle, ses yeux froids comme de la glace.
« J’en ai assez que tu te fasses les griffes sur moi comme si j’étais une vieille souche d’arbre. Défoule-toi sur quelqu’un d’autre, d’accord ? J’ai compris que mes sentiments n’étaient pas réciproques, reprit-il en regardant droit devant lui. Je m’en remettrai. Je suis juste déçu car tu n’es pas celle que je pensais. »
Aile de Colombe sentit ses poils se hérisser. Comment osait-il lui parler comme ça ? Elle donnait tout pour son clan, et il en voulait encore plus ? Ce n’était pas juste. Elle ralentit le pas pour le laisser la distancer.
« Alors ? fit Pétale de Rose en la rejoignant.
— Merci beaucoup, gronda la jeune guerrière. La prochaine fois, je te laisserai aller t’excuser toi-même.
— Il est furieux ?
— Oui, fit-elle, la queue battante. Et il n’est pas le seul. »
Folle de rage, elle rabattit les oreilles pour ne plus entendre les commérages de ses camarades et courut d’une traite jusqu’à l’arbre-pont qui reliait l’île au rivage. Elle resta en retrait pour laisser passer les autres, la gueule ouverte afin de guetter le parfum de Cœur de Tigre. Malheureusement, l’air était chargé de tant d’odeurs de chats qu’elle ne le discerna pas.
Quand vint enfin son tour de traverser, elle se rendit compte que, dans la clairière, toutes les têtes étaient tournées vers le Clan du Tonnerre.
« Est-ce qu’il est venu ? lança un apprenti du Clan de l’Ombre à un camarade.
— Tu le vois ?
— Il n’oserait pas ! »
Aile de Colombe se crispa.
« De qui parlent-ils ? demanda-t-elle à Aile Blanche.
— D’Œil de Geai », répondit la guerrière en se frayant un passage dans la foule à son côté.
Aile de Colombe suivit sa mère au milieu des regards hostiles et s’arrêta près de Pluie de Pétales et de Poil d’Écureuil. Étoile de Feu continua jusqu’au Grand Chêne, tandis que Griffe de Ronce rejoignait Cœur de Roseau, Pelage Fauve et Patte Cendrée sur les racines. Nuage de Loir et Nuage de Cerise trottèrent vers un groupe d’apprentis au bord de la clairière. Aile de Colombe scruta l’assemblée à la recherche de Cœur de Tigre.
Trois guérisseurs – Petit Orage, Plume de Crécerelle et Feuille de Saule – étaient rassemblés sous le chêne. Aube Claire faisait les cent pas devant eux en fouettant l’air avec sa queue.
« À la voir, on dirait qu’elle aimerait qu’Œil de Geai vienne pour provoquer une bagarre », glissa Aile de Colombe à sa mère.
Elle sentit alors un souffle chaud dans son oreille et, en se tournant, elle vit que Saule Rouge se penchait vers elle.
« Les assassins doivent être punis ! feula-t-il.
— Œil de Geai n’est pas un assassin ! s’insurgea-t-elle.
— Pourquoi n’est-il pas là, alors ? renchérit Patte de Gravier. La culpabilité l’empêche de montrer ses moustaches ?
— C’est vous qui lui avez dit de… »
Aile Blanche s’immisça soudain entre eux et, d’un coup d’épaule, elle écarta Patte de Gravier.
« Reste près de tes camarades, Aile de Colombe, lui conseilla-t-elle. Visiblement, certains ont oublié la trêve. »
La chatte blanche jeta un coup d’œil vers le disque rond de la lune, comme suspendu au-dessus de l’île. Un nuage s’attardait devant elle, comme une toile d’araignée déchiquetée.
« C’est injuste, gémit-elle à l’oreille de sa mère. Ils ordonnent à Œil de Geai de ne pas venir et ensuite ils prétendent que s’il n’est pas là, c’est qu’il est coupable !
— Ils essaient juste de nous provoquer.
— Mais pourquoi ? »
Alors qu’Aile de Colombe bouillonnait de colère, elle aperçut enfin deux oreilles sombres à l’autre bout de la clairière. Cœur de Tigre !
Au même instant, le silence se fit sur l’île car Étoile de Jais leva le museau pour clamer :
« Que l’Assemblée commence ! Tout d’abord, je souhaite remercier Étoile de Feu. »
Le meneur rouquin plissa les yeux, méfiant.
« Tu as suivi la volonté des autres clans en gardant Œil de Geai confiné dans votre camp jusqu’à ce que nous découvrions la vérité concernant la mort de Plume de Flamme. »
Assise près de Petit Orage, Aube Claire se redressa, ses yeux lançant des éclairs. Elle hocha la tête d’un air méprisant pour montrer qu’elle approuvait.
« Et comment découvrirons-nous la vérité ? lança Patte d’Araignée, dressé sur ses pattes arrière.
— Nous attendons que le Clan des Étoiles s’exprime, répondit Petit Orage avant de jeter un coup d’œil vers Aube Claire. C’est une situation délicate pour tout le monde.
— Oui, ce n’est simple pour personne », confirma Feuille de Saule.
Aile de Colombe tendit le cou pour apercevoir Cœur de Tigre.
« Ne les dévisage pas ! la rabroua sa mère, ce qui fit sursauter Aile de Colombe. Nous ne voulons pas provoquer le Clan de l’Ombre ! »
La jeune guerrière rentra la tête dans les épaules et reporta son attention sur les chefs.
« La chasse a été bonne pour le Clan du Vent au cours de la dernière lune, déclara Étoile Solitaire, la queue en panache. Nous sommes prêts pour la saison à venir.
— Nous aussi, déclara Étoile de Brume. Le lac est rempli de poissons et aucune maladie n’a frappé le Clan de la Rivière.
— Le Clan des Étoiles s’est montré clément avec tous les clans au cours de la saison des feuilles vertes passée », confirma Étoile de Feu.
Son regard se troubla soudain. Ce serait peut-être la dernière belle saison que les clans connaîtraient.
« Le Clan de la Rivière n’a qu’une seule inquiétude, reprit la meneuse, qui scruta la foule d’un air interrogateur. Nous avons trouvé des traces de chats errants et de solitaires sur notre territoire. Nous ne les avons pas vus, mais leurs odeurs et leurs empreintes sont bel et bien là. »
Aile de Colombe se figea en pensant aux nuits où Cœur de Tigre et elle s’étaient promenés au-delà des territoires des clans. Est-ce que leur odeur avait atteint des terres ennemies ?
Étoile de Brume agita le bout de la queue.
« Et pourtant, nous n’avons trouvé aucune trace sur nos frontières. À croire que ces chats apparaissent brusquement à l’intérieur de notre territoire. »
Aile Blanche se pencha vers Aile de Colombe et lui glissa à l’oreille :
« Les tunnels se poursuivent peut-être jusqu’au territoire du Clan de la Rivière. »
Mais sa fille l’entendit à peine. Elle resserra ses pattes contre elle. Patte d’Araignée n’avait-il pas dit qu’il avait entendu des miaulements étrangers pendant une nuit de garde ? Griffe de Ronce avait ordonné de renforcer les patrouilles nocturnes. Est-ce notre faute, aussi ?
Étoile de Feu pencha la tête de côté, visiblement intéressé.
« Nous avons nous aussi repéré des signes d’intrusion. Ils sont venus de nuit sans que nos patrouilles les repèrent.
— Nous avons également flairé des traces suspectes, annonça Étoile Solitaire.
— Des intrus sont venus dans nos pinèdes aussi, déclara Étoile de Jais.
— Vous les avez vus ? voulut savoir Étoile de Feu.
— Non. Nous n’avons trouvé que des odeurs, des branches brisées, des bouts de fourrure. Comme vous, pas sur les frontières, mais au cœur du territoire, dans des endroits parfaits pour tendre des embuscades.
— Comme si l’ennemi venait faire du repérage avant une invasion », conclut Étoile de Feu, la mine sombre.
Aile de Colombe sentit que les pelages se hérissaient autour d’elle. Chacun échangeait des murmures avec son voisin.
« J’ai trouvé de la fourrure rousse sur un buisson d’ajoncs ! lança Œil de Myosotis. Son odeur ne ressemblait à aucune de celles des clans.
— Et moi, j’ai repéré des empreintes près de notre terrain d’entraînement, ajouta Pelage de Fumée. Elles empestaient comme je ne sais quoi. »
Chacun y alla de son anecdote jusqu’à ce que Pluie de Pétales se dresse sur ses pattes arrière pour lancer :
« Je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter. Il a fait beau et chaud pendant la saison des feuilles vertes. Les chats domestiques et les solitaires s’aventurent toujours plus loin par beau temps. »
Sa réaction étonna Aile de Colombe. Pourquoi sa camarade était-elle si prompte à minimiser le danger ?
« Ce n’étaient pas des chats errants ! J’ai entre autres reconnu l’odeur du Clan de la Rivière ! protesta Pelage Fauve.
— Et il y avait vraiment celle du Clan de l’Ombre sur notre territoire, renchérit Griffe de Ronce.
— Aucun de mes guerriers n’a franchi votre frontière ! protesta Étoile de Jais.
— Le Clan de la Rivière n’a pas besoin d’aller se perdre chez vous, gronda Étoile de Brume. Nous avons tout ce qu’il nous faut chez nous ! »
Les chefs échangèrent des œillades mauvaises. Étoile Solitaire agitait la queue pendant qu’Étoile de Jais foudroyait Étoile de Feu du regard.
« Écoutez-vous un peu ! cracha ce dernier. À vous entendre, nous avons tous envahi tous les territoires ! C’est impossible !
— Alors comment expliques-tu ces traces ? » le défia Aube Claire.
Étoile de Feu s’approcha du bord de sa branche.
« Si des chats errants ont traversé nos territoires, ils ont pu emporter avec eux les odeurs des clans et les propager comme des puces dans leur sillage.
— C’est vrai que ces odeurs étaient déroutantes, reconnut Étoile de Brume.
— S’ils peuvent emporter des odeurs d’un territoire à un autre, alors une patrouille des clans pourrait faire de même, leur fit remarquer Étoile Solitaire.
— Dans ce cas, nous devons tous organiser des patrouilles pour trouver ces chats.
— Oui, des patrouilles supplémentaires ! exigea un guerrier de l’Ombre.
— Nous devons rester sur nos gardes ! feula une chatte du Clan de la Rivière.
— Et si nous découvrons quelque chose, nous devrons avertir les autres clans, suggéra Étoile de Feu.
— Pour leur dire ce que nous avons découvert ? s’indigna le meneur du Vent. Jamais !
— Je protège mon propre clan, gronda Étoile de Brume. Chacun pour soi. »
Gueule bée, Aile de Colombe sentit un guerrier du Vent la bousculer pour retrouver ses camarades plus loin dans la clairière. Tout autour d’elle, chacun se rapprochait des siens. La chatte grise jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le groupe d’apprentis s’était dissout et Nuage de Cerise et Nuage de Loir revenaient à toute vitesse vers le Clan du Tonnerre.
Étoile de Jais sauta du Grand Chêne, bientôt imité par Étoile de Brume. Étoile Solitaire lança un dernier coup d’œil venimeux à Étoile de Feu avant de les rejoindre dans la clairière.
« Viens, Aile de Colombe, fit Aile Blanche. Nous n’accomplirons pas le Partage ce soir. »
Aile de Colombe tendit le cou. Impossible de retrouver Cœur de Tigre dans cette marée de fourrures !
« J’arrive tout de suite ! » dit-elle à sa mère, qui suivait Poil d’Écureuil et Pluie de Pétales.
Tandis que les guerriers fonçaient tous vers l’arbre-pont, elle avait l’impression d’être une feuille portée par le courant.
Un miaulement familier la fit sursauter.
« Aile de Colombe ? »
Elle pivota et son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu’elle vit Cœur de Tigre.
« J’ai cru qu’on avait été découverts, avec toutes ces histoires d’odeurs sur les mauvais territoires ! fit-il, la queue haute.
— Moi aussi ! Nous devrons être plus prudents.
— Oui. Il y aura des patrouilles… » Il approcha son museau de son oreille et chuchota : « Retrouvons-nous au nid de Bipèdes abandonné. Demain soir. »
Au même instant, elle sentit ses poils se dresser sur sa nuque, comme si on l’observait. Elle tourna la tête et aperçut Poil de Bourdon, qui la fixait. Son ventre se noua.
« Nous parlions juste des intrus, dit-elle aussitôt à son camarade. Cœur de Tigre voulait savoir si j’avais remarqué quelque chose. »
Poil de Bourdon écarquilla les yeux.
« Je me disais qu’on pourrait demander aux autres patrouilles si elles avaient découvert les traces suspectes les mêmes nuits que nous, ajouta-t-elle, si nerveuse qu’elle bavardait comme une pie.
— Tu peux parler à qui tu veux, rétorqua-t-il dans un haussement d’épaules. C’est une Assemblée. »
Il prit le chemin vers l’arbre-pont puis disparut dans les herbes hautes.
« Je ferais mieux d’y aller, déclara Aile de Colombe.
— Moi aussi », fit Cœur de Tigre.
Il se mit en route, entre Pelage Fauve et Aube Claire qui passaient justement devant eux.
Aile de Colombe se lança à la poursuite d’Aile Blanche, suivant son odeur dans l’herbe, et la rattrapa sur la berge.
« Tout va bien ? s’inquiéta la guerrière tandis qu’elles attendaient que les clans traversent les uns après les autres.
— Oui », fit-elle d’un ton aussi gai que possible.
Sans répondre, Aile Blanche se rapprocha de sa fille jusqu’à ce que leurs fourrures se touchent. Des nuages s’amoncelaient dans le ciel et le vent se levait, poussant des vagues sur les galets. Aile de Colombe aurait voulu pouvoir se confier à sa mère à propos de Cœur de Tigre, lui dire à quel point il comptait pour elle, à quel point la prophétie pesait lourd sur ses trop frêles épaules. Mais elle ne pouvait parler de la prophétie qu’à ceux qui étaient concernés et Aile Blanche serait dévastée si elle apprenait que sa fille aimait un chat d’un autre clan.
La guerrière pâle se pressa contre elle en murmurant :
« Je suis là, si tu as besoin de moi. »
Des gouttes de pluie perlèrent sur le pelage d’Aile de Colombe. Sa vue se brouilla et elle se dit que c’était à cause de la pluie.
« Merci, Aile Blanche », murmura-t-elle.