UNE CHAÎNE DE montagnes aux pics enneigés se dressait à l’horizon. Sur le plus haut sommet, qui semblait braver le vent glacial, quatre silhouettes étaient tapies.
« Nous sommes venus. » La chatte blanche se recroquevilla un peu plus sur le granite argenté, luttant contre la bise qui lui glaçait les os. « Tout comme vous nous l’avez demandé. »
Son camarade salua d’un hochement de tête les félins qui les attendaient.
« Salutations à vous, Plume de Chouette et Ombre Brisée.
— Salut à toi, Pente. » Ombre Brisée hérissa sa fourrure épaisse pour se protéger du froid. Ses yeux, qui reflétaient la voûte nocturne, croisèrent le regard de la chatte blanche. « Je suis heureux de te revoir, Demi-Lune. »
Deux nouvelles silhouettes glissèrent telles des ombres sur la pierre et vinrent s’installer près des quatre ancêtres des temps révolus.
« Étoile Bleue, Petite Feuille, je suis contente de vous voir », lança Demi-Lune aux guerrières du Clan des Étoiles
Étoile Bleue enroula sa queue autour de ses pattes.
« Nous sommes venues car la fin est proche, miaula-t-elle d’un ton solennel.
— Vous nous croyez donc, maintenant ? » fit Plume de Chouette, les yeux plissés.
Petite Feuille émit un grondement sourd.
« Étoile Bleue vous a toujours crus ! Ce sont les autres que nous devrons convaincre.
— Le temps va nous manquer ! » pesta Pente.
Le ciel tournoyait autour d’eux, strié des fils argentés laissés par les étoiles filantes, mais la cime de la montagne semblait figée, comme un guerrier sur le point de bondir pour donner le coup de grâce.
Les yeux d’Étoile Bleue scintillèrent.
« Les clans feront leurs propres choix. Je ne peux rien faire de plus. »
Pente se pencha vers elle.
« Mais les prophéties vous ont aidées, non ?
— Oui, confirma l’ancienne meneuse en glissant un coup d’œil vers sa guérisseuse. Petite Feuille a reconnu l’étoile enflammée qui m’a conduite jusqu’à Étoile de Feu. »
Plume de Chouette félicita Petite Feuille d’une œillade avant de répondre :
« Elle a bien utilisé son don. Depuis le début, les parents des parents d’Étoile de Feu incarnent l’ultime espoir des clans.
— Et le quatrième ? fit Pente, visiblement inquiet. Quand identifieront-ils le dernier félin ?
— Ils doivent se dépêcher, lâcha Ombre Brisée. Le temps presse.
— Nous ne pouvons rien faire de plus, dit Demi-Lune, ses yeux verts glissant soudain vers deux silhouettes qui grimpaient vers eux. Minuit, c’est toi ?
— Moi venir avec Pierre. »
Le grand blaireau avança d’un pas lourd sur le granite lisse. Pierre apparut derrière lui, son corps pâle dépourvu de poils luisait au clair de lune.
Ombre Brisée eut un mouvement de recul.
« Salutations, Minuit. Je… je ne savais pas que tu connaissais Pierre.
— Nous nous connaître depuis aube des temps, lui apprit le grand animal de sa voix grave. Depuis que chats poser patte près de l’eau pour la première fois. »
Pierre s’assit sur la roche froide. Ses yeux aveugles et globuleux évoquaient deux lunes blanches.
« Nous avons contemplé ensemble la première aube sur le lac.
— L’aurore embraser eau, se rappela Minuit. Et, dans reflet de feu, nous voir futur de tous les chats. Tribu de l’Eau Vive, cinq clans, quatre clans, forêt et lac.
— Nous avons vu tout votre périple, du lac à la forêt, de la forêt jusqu’au lac », ajouta Pierre. Il pencha la tête de côté et regarda les autres digérer cette information. « Les prophéties ont toutes pour origine ce reflet de l’aube – celui au pelage enflammé qui sauverait les clans ; celle au poil argenté qui sauverait la Tribu de l’Eau Vive ; et enfin les Quatre qui porteraient le dernier espoir, non pas des clans, mais de la lumière même.
— Maintenant, nous craindre ultime crépuscule, la fin de votre histoire, ajouta Minuit en grattant le roc.
— Les quatre élus nous sauveront, non ? s’enquit Demi-Lune d’un ton implorant.
— Eux venir comme nous avoir vu, et alors eux rallumer les feux les plus sombres possible. » Minuit regarda ceux des temps révolus et leurs yeux noirs perçants. « Ainsi, vous et tous ceux morts depuis longtemps briller de nouveau comme étoiles.
— Pourtant les ténèbres arrivent, les mit en garde Pierre.
— Ténèbres nées en même temps que lumière, le coupa Minuit. Maintenant, tous devoir se battre. »
Tandis que les autres frémissaient, Pierre fit glisser sur eux ses yeux aveugles.
« Merci d’avoir protégé les prophéties pendant si longtemps, alors qu’elles vous avaient été transmises par des chats morts et oubliés de tous depuis des lunes et des lunes.
— Tant de vies perdues…, soupira Ombre Brisée.
— Toute vie est brève, lui rappela Pierre.
— Comme celle de mon fils ! feula-t-elle en lui décochant un regard accusateur. Pourquoi n’as-tu pas pu sauver Feuille Morte ?
— Mon devoir n’a jamais été de sauver qui que ce soit ! répliqua-t-il. Quel serait l’intérêt d’une vie contrôlée par un autre ? Il faut du choix. De la liberté. Je peux montrer la direction mais chacun doit marcher sur ses propres pattes.
— Doit-on comprendre que les clans seront seuls pour l’ultime bataille ? demanda Pente, méfiant.
— Jamais ! démentit Demi-Lune, les oreilles rabattues en arrière. Je me battrai au côté d’Œil de Geai.
— Et je me battrai auprès de mon fils, ajouta Ombre Brisée.
— Et moi avec Éclair Crochu et mes chatons, pour vaincre les ténèbres, renchérit Plume de Chouette, l’œil pétillant.
— Quant à moi, je mourrai une dixième fois pour défendre le Clan du Tonnerre ! lança Étoile Bleue.
— Ils ne seront jamais seuls, déclara Demi-Lune. Nous serons auprès d’eux comme nous l’avons toujours été.
— Lumière contre ténèbres, gronda Minuit. La fin de tout – ultime aurore. »
Du bout de la queue, Pierre frôla le flanc du blaireau.
« Ce que toi et moi attendons depuis toujours, mon ami. »