Annexe I
Les notes de Nietzsche sur la Geschichte der französischen Literatur des XVIII. Jahrhunderts de Hermann Hettner1
1. La vie et la personnalité de Voltaire
Frédéric l.(e) Gr.(and) écrivit le 10 février 1767 : « Bayle a commencé le combat, une foule d’Anglais l’a suivi, votre vocation est de l’achever »2
V.(oltaire) est un esprit des plus variés et des plus mobiles ; il est pourtant toujours resté lui-même. Son mérite est d’avoir étalé au grand jour ce qui n’avait été jusqu’alors que les arcanes de cercles isolés. Ses disciples l’ont appelé un patriarche : ses relations avec les princes les plus puissants, la diffusion sans précédent de ses écrits, son audacieuse intervention dans les luttes de l’Église et de l’État, ainsi que la totale approbation de sa recherche agitée de l’innovation. Carlyle remarque : voudrait-on le retrancher de l’histoire du XVIIIe siècle, cela amènerait dans la situation actuelle une différence plus importante qu’on ne saurait le dire de n’importe quel autre homme du siècle dern.(ier).3
Les jugements les plus contradictoires sur lui. Il intervient aujourd’hui encore dans la marche du présent. En France on combat pour et contre lui.
Hommages flatteurs : *l’Église et la philosophie du XVIIIe siècle [sic] par Lanfrey.*4
Voltaire, un avare et un fourbe méprisable.
*Ménages et finances de Voltaire p.(ar) Nicolardot.*5
Le lieu et le jour de sa naissance, en 1694, sont incertains. 21 novemb.(re) selon le certificat de baptême, à Paris. Son père Françoïs (sic) Arouet. A St. Louis le Grand [sic6] élevé par les Jésuites. L’un de ses maîtres dit qu’il serait un jour le chef des ennemis fr.(ançais) de la religion. Œdipe en 1718 avec de violentes malveillances et des acclamations bruyantes, il projette déjà la Henriade. En 1717 embastillé pour un an. En 1725, il se disputa, lors d’un banquet, avec le Cheval.(ier) de Rohan ; il était […] Roh.(an) le fit attaquer par ses valets. V.(oltaire) le provoque en duel. R.(ohan) porte plainte. Volt.(aire) embastillé en 1726 ; et exilé à l’étranger.
Il va en Angleterre en 1726-1729. Change son nom, d’après […] remarque un anagramme *Voltaire = Arouet l(e) j(eune)*. C’est là que sa personnalité prend de la profondeur.
Goethe dit d(e) Byron que ses poèmes étaient des discours parlementaires refoulés7. Cette remarque vaut avant tout pour Voltaire. Dans toutes les formes imaginables poétiq.(ues) et scientifiq.(ues) il cherche à défendre sa puissante cause.
Ses attaques contre l’Église sont passionnées et hardies. Mais il a toujours tenu ferme à la croyance en Dieu : ni nature sans créateur, ni de possibilité pour l’humanité de subsister sans un juge de la vertu e.(t) du vice.
Sur ses vues polit.(iques) aussi l’Angleterre eut une grande influence. Éloge dans la Henriade de la constitution angl.(aise).
« God and Liberty »8. Voltaire était en religion un déiste et un rationaliste, en polit.(ique) un libéral.
Pourquoi pèse une telle malédiction sur lui, plus que sur […] ? Les écrits de Voltair(e) sont légers, frivoles e(t) sans don divin. Goethe à Frau von Stein : « Tu trouveras que c’est comme si un dieu, par exemple Momus, mais une vraie canaille de dieu, écrivait sur ce qu’il y a de plus élevé dans le monde »9.
La malédiction de V.(oltaire) est sa nature méphistophélique. « C’est une pitié, écrit Fr.(édéric) le Gr.(and), qu’à un génie si noble soit attachée une âme de vaurien »10.
Il est vain, avide et insincère.
Toujours dans des escarmouches. Son humeur destructr(ice) provient de la source impure d’une vanité querelleuse. Il voulait aussi être le héros du jour, prêtait l’oreille à chaque brise de l’opinion publ.(ique).
Les combats de Volt.(aire) pour la plupart des vengeances personnelles.
Pourtant il était libre de cette envie jalouse qui ne souffre aucune autre grandeur à côté d’elle. Envers Diderot et d’Alembert d’une […] amitié et reconnaissance.
Cherche le brillant extérieur et la richesse.
Il se poussait chez tous les grands et les nobles : il était en relation avec tous les princes du temps.
Goethe a dit de lui : « que difficilement quelqu’un, pour être indépendant, s’était fait si dépendant ».11 Jouer en bourse son occupation principale à côté de la litt.(érature). Sans l’acquitter de toutes sortes de manigances malhonnêtes. V.(oltaire) avait une grande prédilection pour les rentes viagères.
Fourbe penchant au mensonge. En cas de danger, il renie ses livres.
D’Angleterre, retourné à Paris, Rouen, Hollande, alternativement. Rêve de retr(aite). Chez la Marquise du Châtelet, femme pleine d’esprit et débauchée, en 1735, au château de Cirey.
Là, années heureuses et laborieuses. Voltaire l’aimait profondément et sincèrement. Elle eut une nouvelle liaison avec S.(aint) Lambert, qui se termina par une mort en couches.
À trente-cinq ans [sic]12. Sommet de sa gloire. Connu en Europe comme le premier écr.(ivain) vivant. Honneurs extérieurs : *Gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi* ; il vend la charge e.(t) conserve titre et privilèges. Il achète le palais du Marquis d.(u) Châtelet. Théâtre e.(t) salons brillants dans sa maison. Dispute avec Crébillon : *Rome sauvée* d.(e) Volt.(aire), Catilina d.(e) Crébillon, face à Électre Oreste, face à la Semiramis sa Semiramis. Sans obtenir la victoire auprès de ses ennemis ni à la cour.
Pressantes invitations de Fr.(édéric) le Gr.(and) à Sanssouci.
Sa relat.(ion) avec Fr.(édéric) est un épisode sans signification très profonde pour l’interprétation historique de V.(oltaire). […] dans les deux camps les intentions les plus pures. Le 8 août 1736 les premières lettres. En 1740 la première entrevue près de Clèves. En nov.(embre) de la m.(ême) année il est venu à Rheinsberg.
Le voyage revint cher au roi : et pourtant, il n’avait voyagé que par ordre de Fleury pour espionner.
Avec irrit.(ation), le roi écrit à Jordan : Des 6 jours, où il s’est montré ici, chacun m’a coûté 550 th.(alers) ; j’appelle cela cher payer un bouffon13.
En 1742 une chaleur.(euse) rencontre à Aix-la-Chapelle. Moins favorable en 1743 à Berlin. Les affaires diplomat.(iques) dérangeaient.
Volt.(aire) voulait devenir ambass.(adeur) de France à Berlin.
Malgré tous les désaccords, Fr.(édéric) ne laisse toutefois pas de vouloir l’attirer à la cour. Épigramme du roi : il serait un soleil couchant. Volt.(aire), piqué, annonce sa visite. Il arriva en 1750. 20 000 livres par an, appartement dans le château royal, table ouverte etc. le titre de chambellan, ordre14.
Lune de miel enivrante. Mais déjà en nov.(embre) des désaccords ; ensuite la fameuse brouille de Voltaire avec le juif Abr.(aham) Hirsch15 [sic]. À cause des errements de Voltaire le club de beaux esprits français est sens dessus dessous. Immixtion de Voltaire dans les affaires diplomatiques.
Maupertuis e.(t) Voltaire. * « du docteur Akakia »* Le roi interd.(it) de l’imprimer. Cependant, V.(oltaire) le fait. V.(oltaire) renvoie tout avec des vers émouv.(ants), cherche à mettre son bien en sécurité. Réconciliation. En 1753 à Potsdam. * « Le Tombeau de la Sorbonne satire contr.(e) Maupertuis. V.(oltaire) fait une tentative d’évasion. 26 mars 1753 il quitte Potsdam.
Va à Leipzig. Gotha, Francfort s.(ur) le M.(ain) Là emprisonnement de V.(oltaire).
* « vie privée du roi de Prusse »* très vexant. En 1757 la correspondance reprend, en 1759 pardon. Puis, nouveau refroidissement.
V.(oltaire) à la cour de Charles Théodore. Puis Colmar. Puis, avec la margrave de Baireuth se rend au bord du lac de Genève. S’achète là-bas une propriété *les délices*. En 1758 il achète Tournai [sic]16 e.(t) Fernai [sic] et vit dès lors à Fernai [sic]17.
Dernière période de sa vie. C’était un vieillard malade, souffreteux. Noble et riche. Fastueux. {Élégance surchargée du château e.(t) jardin d.(e) Fernei [sic] ; bon théâtre privé. Beaucoup de succès. Plus hardi et plus frais que le jeune homme. *Écrasez l’infâme* sa devise de mauvaise réputation. Stimule les encyclop.(édistes), écrit Tancrède. Tous livres philos.(ophiques) pour saper la superstition et fonder une religion rationnelle. Contre un système judiciaire défectueux. De Fernai [sic] il fait en peu de temps une ville entreprenante, active. *Commentaires sur Corneille *, moyen de doter richement la nièce de Cor.(neille). Sa vieillesse distinguée par de nobles choses. L’Histoire de Jean Calas. V.(oltaire) a combattu pour lui pendant trois ans. « Nul sourire, dit-il, n’est passé sur mes lèvres durant cette époque ; je me le serais compté comme une profonde injustice. » L’Histoire des Sirven. de la Barre. Montbailli. Lally. Peu de jours avant sa mort V.(oltaire) a appris la cassation de son procès.
Il a beaucoup lutté contre le servage. Sa noble nature trouve un écho favorable dans toute l’Europe : raison et tolérance.
Les ombres de la vieillesse : renie ses livres, communie, va à confesse.
26 ans dans la retraite. Âgé de 84 a.(ns). En 1778 quitta Fernai [sic] e.(t) a fait le voyage pour Paris. Entrée triomphale, mais cause de sa mort. Description de Grimm : le vieillard à l’académie et au théâtre.
Ces émotions, le projet d’un dictionnaire franç.(ais), des fautes de régime lui firent contracter une maladie. Il mourut le 30 mai 1778. Efforts des hommes d’église. Macaulay dit : « On doit reconnaître à V.(oltaire) et à ses contemporains que le véritable secret de leur force est un enthousiasme débordant, qui malgré tout était caché sous leur légèreté. »
2. Voltaire philosophe
Sa philosophie n’est mentionnée que très furtivement par les historiens allemands. Il n’est pas un esprit créatif, mais il a donné la plus large audience à ce que d’autres avaient conquis. Les raisons de cette mésestime.
Sa signification n’a jamais été méconnue par les Franç.(ais). Le plus souvent toutefois à travers des lorgnettes partisanes.
Religion. Dieu, le monde, le mal.
Combat passion.(né) contr.(e) l’Église et la révélation. Renversement du christianisme équivalent au bonheur de l’humanité.
*Écrasez l’infâme*. Ses armes empruntées aux Anglais. Aucune sensibilité pour la profonde poésie de la Bible.
V.(oltaire) est déiste. Éprouve la même haine pour les dogmes de l’église et ceux qui nient dieu. Est attaqué pour cette raison par les deux camps.
La croyance en dieu résultat de sa pensée. Sans examen plus avancé de son être. La seule chose qu’il ose dire de Dieu, la justice. Beaucoup sur la preuve de l’existence de Dieu. Il nie l’argumentum a consensu gentium.
La p.(reuve) cosmologique déjà avancée par Platon e.(t) Arist.(ote) puis par Leibniz comme la doctrine de la raison suffisante. « Tout tient son être e.(t) mouvement d’une autre chose, cette autre chose aussi etc. Soit un cercle vicieux, soit une cause finale : celle-ci, c’est Dieu. » Preuve insuffisante pour le dieu pers.(onnel). V.(oltaire) cherche à la perfectionner. *vous existez donc il y a un dieu.*
La p.(reuve) téléolog.(ique) De l’opportunité de ce monde à un sage contremaître. Anaxagore, Socrate e.(t) les pères de l’Église. Limite de la pr.(euve) : on n’a pas le droit d’ajouter que cet être a créé la matière à partir du néant. Pourtant Voltaire la reprend.
La pr.(euve) morale. Sans Dieu, pas de moralité. *« Si dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer18, mais toute la nature nous crie qu’il existe »*19 Sa preuve favorite la téléolog.(ique). Défenseur des *causes finales*.
« En nous et autour de nous il n’y a nulle part la nature, tout sans exception est art. »20 Notre amour de dieu égale celui que nous portons à un artiste, dont l’œuvre nous bouleverse. (le néoplatonicien Philon) Considération sur le mal. Deux périodes : dans la première un élève de Bolingbroke, Shaftesbury e.(t) Pope dans le sillage de Leibniz : essaye de nier le mal. Dans la deuxième il cherche à expliquer ce qui indéniablement est là e.(t) à le justifier.
Différent à partir de 1755 tremblement de terre de Lisbonne. « Comme la nature est cruelle ! On aurait peine à dire pourquoi les lois du mouvement doivent faire de si terribles ravages *dans le meilleur des mondes possibles*. Candide satire impitoyable contre l’optimisme.
*Le poème sur le désastre de* Lisbonne. En particulier deux articles du dictionnaire philos.(ophique) *tout est bien. Tout en Dieu.* Renoncer à la connaissance : nous condamnons la superstition, nous aimons Dieu e.(t) le genre humain – c’est notre prof.(ession) de foi en peu de mots.
Psychologie et morale. La nature et l’immortalité de l’âme, l’expérience des sens et la liberté du vouloir, la vertu.
Prépondérance de la morale. « L’éthique la vraie religion e.(t) philosophie ».
L’essence de l’âme, il la considère comme inconnaissable. Multiples doutes du penseur sérieux. En premier lieu : si elle est un être séparé, ou inhérente à la matière. Penchant plutôt vers la dernière solution, vers Locke. « L’âme ne serait que la capacité humaine de penser et de sentir liées aux conditions corpor.(elles). »
Perplex.(ité) de V.(oltaire) sur la persistance de la personne dans son optique matérial.(iste). Il dit parfois que l’on peut aussi bien manger e.(t) boire après sa mort que penser e.(t) se souvenir. Mais lorsqu’il repense à sa croyance en Dieu, ses objections matérial.(istes) s’évanouissent. On peut aussi peu nier que prouver l’immortalité. V.(oltaire) a préféré s’arrêter, dans ses pensées, à une réponse affirmative à cette question, parce qu’elle lui paraissait indispensable à la vie morale de l’être humain.
La nature de la pensée et de l’action humaines.
Partisan de Locke dans la théorie de la connaissance. « Début e.(t) fondement de toute connaissance serait uniquement dans l’expérience des sens. » Combat contre les idées innées. « Micromégas » roman satir.(ique).
Répercussion sur son analyse de la liberté du vouloir humain. Il cherche d’abord à se soustraire à ces conséquences, finalement il fait honneur au caractère inexorable de la pensée.
D’abord « La liberté de l’âme est la santé de l’âme. »21
Ensuite la négation de la liberté du vouloir repose sur la négation des idées inn.(ées). « l’homme ne peut vouloir que dans la suite d’idées, qui sont entrées dans le cerveau par le biais d’impressions extérieures. » Ce revirement un indice du sérieux, de l’objectivité de V.(oltaire) e.(t) de son zèle sans ménagements pour la vérité.22
Malgré ces principes sur les idées inn.(ées) e.(t) la liberté du vouloir il souligne la solidité inébranlable e.(t) l’éternité de la vertu e.(t) du vice. Locke remet en question un principe moral universellement valable. V.(oltaire) conteste Locke là-dessus, c’est son principal mérite. Unanimité des peuples là-dessus. *sur la loi naturelle*. « l’homme ne pourrait pas changer la nature, le juge trônerait en lui. » Il suit Newton natura est semper sibi consona. « La morale est la même chez tous les hommes, aussi vient-elle de Dieu ; le culte est différent, aussi est-il œuvre humaine. »
Comme Lessing a proposé comme testament de ses convictions intimes l’Évangile de Jea.(n), ainsi Voltaire aussi avertit *aimez dieu, mais aimez aussi les mortels*.-23
Politique et histoire. Liberté et égalité, le despotisme éclairé, l’histoire.
V.(oltaire) prend, en politique aussi, une position médi.(ane).24 Contre la tyrannie et les innovations mensongères.
En 1755, Ode à la liberté. Il construit ses convictions politiques avec, sous les yeux, les institutions angl. (aises). Le bien-être du peuple serait seulement là où sont *liberté* e.(t) *égalité*.
Il conçoit la liberté et l’égalité de manière très rationnelle et très noble. « tous seraient égaux comme êtres humains mais pas comme membres de la communauté. »
Il exige subordination de l’Église à l’État, liberté de conscience, liberté de la presse, adoucissement des lois criminelles, amélioration de l’école populaire, imposition égale.
V.(oltaire) historien. Encore universellement lu « Charles XII », Russie sous Pierre le Grand. Sans prétention à une signification profonde *annales de l’empire* « d’un piquant épigrammatique »25 *Siècle de Louis XIV*. Souvent tableau embelli. V.(oltaire) dépeint comment le roi fonda des académies, comment les moines ont dépeint les princes, qui avaient fondé les monastères. Mais cela a fait époque, qu’un tel poids soit accordé à l’art e.(t) à la culture ».
1- Les parenthèses entourent les éléments ajoutés pour une meilleure compréhension du manuscrit, les astérisques tout ce qui était en français dans le texte de Nietzsche et de Hettner.
2- La lettre de Frédéric II (D13043) dit en fait : « Voilà ce que Bayle a commencé de faire, en quoi il a été suivi par nombre d’Anglais, et vous avez été réservé pour l’accomplir ». Il est intéressant de noter que c’est de ce même verbe « vollenden » que provient le terme « Vollender », celui qui achève et accomplit, que Nietzsche utilisera pour qualifier Voltaire dans l’aphorisme « Voltaire » du Gai Savoir (§ 101).
3- Carlyle, Miscellaneous Essays, vo. II, Chapman & Hall, London, 1st edition 1839, final 1869, p. 124 : « it may be said that to abstract Voltaire and his activity from the eighteenth century, were to produce a greater difference in the existing figure of things, than the want of any other individual, up to this day, would have occasioned ».
4- Il s’agit de l’ouvrage de Pierre Lanfrey, L’Église et les Philosophes au 18e siècle, Paris, 1857 (2e éd.), repris chez Slatkine, Genève, 1970.
5- Paris, A. Dentu, 1854.
6- Repris de Hettner.
7- Cette expression provient des Conversations de Goethe avec Eckermann, 25 décembre 1825.
8- Cette expression provient de l’anecdote de la rencontre de Voltaire, lors de son dernier séjour à Paris avec Benjamin Franklin, rapportée par Hettner. Voltaire aurait béni le petit-fils de l’Américain en prononçant ces trois mots anglais. Voir R. Pomeau, Voltaire en son temps, V. « On a voulu l’enterrer », Oxford, VF, 1994, p. 266-268. Nietzsche put lire plus tard une évocation de cette anecdote par Voltaire, dans le deuxième tome des Lettres choisies (Lettre au marquis de Florian, 15 mars 1778, p. 323 ; D211101).
9- Goethe an Charlotte von Stein, Eisenach le 7 juin 1784 (lettre 1942, Goethes Briefe, 6. Band, Weimar, Hermann Böhlau, 1890, p. 289).
10- « Voltaire vient de faire un tour qui est indigne. Il mériterait d’être fleurdelisé au Parnasse. C’est bien dommage qu’une âme aussi lâche soit unie à un aussi beau génie. Il a les gentillesses et les malices d’un singe. » (Lettre à Algarotti, 12 septembre 1749, Lettres de Frédéric le Grand, Berlin 1851, chez Rodolphe Decker, p. 65-66.
11- Les guillemets sont de Nietzsche. Il s’agit chez Hettner d’une citation approximative du 11e livre de Poésie et vérité de Goethe : « Difficilement quelqu’un s’est rendu si dépendant pour être indépendant » (Goethe, Werke, Hamburger Ausgabe, DTV, oct. 1998, Band 9, Autobiographische Schriften, p. 486).
12- Lapsus de Nietzsche. Il a en fait 55 ans dans le texte de Hettner.
13- « Ton avare boit la lie de son insatiable désir de s’enrichir ; il aura mille trois cents écus. Son apparition de six jours me coûtera par journée cinq cent cinquante écus. C’est bien payer un fou ; jamais bouffon de grand seigneur n’eut de pareils gages. » (Lettre à Jordan du 28 novembre 1740, Lettres de Frédéric Le Grand, op. cit., t. XVII, p. 72.)
14- Il s’agit de l’ordre « pour le mérite » (en français dans Hettner).
15- C’est bien le nom que Hettner donne à Abraham Hirschel.
16- « Tournay » chez Hettner.
17- « Ferney » pourtant chez Hettner.
18- Vers célèbre extrait de l’Épître CIV A l’auteur des Trois Imposteurs, 1769 : Si les cieux, dépouillés de son empreinte auguste, / Pouvaient cesser jamais de le manifester, /Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer ».)
19- Il s’agit selon Hettner de la paraphrase par Voltaire de ses propres vers dans une lettre à Henri de Prusse (Bd 54 ; S.148).
20- Hettner fait ici référence au chapitre VIII de l’Histoire de Jenni, le dialogue de Freind et de Birton sur l’athéisme : « FREIND. – Et si je vous disais qu’il n’y a point de nature, et que dans nous, autour de nous, et à cent mille millions de lieues, tout est art sans aucune exception. BIRTON. – Comment ! tout est art ; en voici bien d’une autre ! ». Il s’agit là d’un topos de l’argumentation voltairienne.
21- Traité de métaphysique, chap. VII. VF14, p. 460-467.
22- La question de la liberté du vouloir est un aspect important de la réception de Voltaire par Nietzsche via Schopenhauer. Celui-ci insiste le premier, à l’honneur de Voltaire, sur son revirement entre le chapitre VII du Traité de métaphysique (VF, 14, p. 460-467), et, trente-deux ans plus tard, en 1766, le XIIIe « Doute » du Philosophe ignorant, (« Suis-je libre ? ») : « L’ignorant qui pense ainsi n’a pas toujours pensé de même, mais il est enfin contraint de se rendre. » (VF62, p. 47). Ce chapitre est aussi mentionné par Paul Rée, l’ami de Nietzsche si influent au moment de la rédaction de Humain, trop humain, dans son De l’origine des sentiments moraux (Ursprung der moralischen Empfindungen), 1877. À ce propos, voir GM, Avant-propos, § 4.
23- « Aimez Dieu, lui dit-il, mais aimez les mortels. » est le vers exact du septième Discours en vers sur l’homme auquel Hettner fait référence (VF, 17, Oxford, 1991, éd. critique par Haydn T. Mason, p. 525).
24- On peut rapprocher cette appréciation de la remarque de Nietzsche dans Humain, trop humain : « Ce n’est pas la nature de Voltaire, avec sa modération, son penchant à arranger, à purifier, à modifier […] qui [a] éveillé l’esprit optimiste de la Révolution, contre lequel je crie : « Écrasez l’infâme ! » (I, Q463)
25- Cette notation rappelle la caractérisation par Nietzsche de son propre style : « Mon sens du style, de l’épigramme dans le style, s’est éveillé presque spontanément à mon contact avec Salluste » (Crépuscule des idoles, « Ce que je dois aux Anciens », 1.