> Problème de femme (résolu!)
Ouain! Pas facile de trouver des serviettes sanitaires dans un hôtel en plein milieu d’un trou perdu! En fait, je n’en ai pas trouvé. J’ai fait le tour des salles de bains et y’avait même pas de machine distributrice. Et je ne voulais pas parler de ça à Grand-Papi. Ça me gênait trop.
Je devais vraiment changer de serviette, mais il ne m’en restait plus. Le temps que j’en trouve une, j’ai mis une tonne de papier de toilette dans le fond de ma culotte, genre l’équivalent de trois arbres. Et puis telle une aventurière sans peur, je suis partie à la recherche de l’objet tant convoité.
J’ai vu sur le tableau accroché à l’entrée une affiche qui affirmait qu’à la réception, on pouvait nous « dépanner » si on avait oublié un objet dans nos « soins personnels ». Le problème: c’était un homme qui était à la réception. Pas question que j’aille lui demander ça à lui! Des fois, je me dis que je suis trop orgueilleuse… Tsé, j’ai attendu une heure avant que la femme que j’avais vue auparavant revienne à son poste! Elle était partie souper. Je me suis avancée (OK, j’ai sauté dessus, sentant que le papier de toilette se désintégrait dans ma culotte) et je lui ai demandé si elle pouvait m’aider dans mes « soins personnels ».
- Problème de femme? elle m’a demandé en me faisant un gros clin d’œil.
« Problème de femme »? Quelle affreuse expression! Comme les filles qui disent qu’elles sont « malades » quand elles ont leurs règles. Je n’ai jamais compris ça. Bon, la femme qui était au comptoir était vieille, genre 50-55 ans. À son époque, avoir ses règles, c’était être « impure » et être « sale ». Je me suis résignée:
- Ouais, problème de femme.
Elle a levé l’index et elle est disparue dans le bureau à l’arrière. Puis, elle est réapparue avec un sac en plastique blanc, comme celui qu’on nous donne à l’épicerie.
- Désolée, elle a dit, il n’en restait plus. Avec ça, tu vas pouvoir te débrouiller.
Devant mon air interloqué, elle s’est mise le sac sur la tête et avec les deux poignées, a fait un nœud sous son menton.
- Faudra que t’apprennes à te débrouiller dans la vie, ma petite fille. Je sais que c’est pas sexy, mais c’est parfait pour protéger tes cheveux sous la douche. Eh puis, ce n’est pas comme si t’avais un public.
Comment lui dire sans l’insulter que c’est de serviettes sanitaires dont j’ai besoin et pas ce qu’elle s’est mise sur la tête?
- Euh, j’ai un autre « problème de femme »?
Elle m’a fixée intensément, genre trop longtemps. Je crois qu’elle a réalisé qu’elle avait l’air ridicule. Puis elle est disparue dans la pièce derrière le comptoir. Elle est revenue avec des trucs longs et minces enveloppés dans du papier (mais sans son sac sur la tête). Des tampons! Je n’avais jamais mis ça!
- OK, euh, merci. Mais vous n’auriez pas des serviettes à la place?
- Non.
- OK, ça va. C’est combien?
- Un dollar chacun.
J’ai tapoté mon jeans. Shiiiiiiiiiit! J’avais oublié mon portefeuille dans la chambre. Je lui ai dit que j’allais revenir dans une minute. J’ai couru dans le corridor, j’ai déverrouillé la porte puis j’ai pris mon portefeuille. J’ai vu du coin de l’œil que le renardeau allait s’enfuir. Noooon! Je l’ai rattrapé de justesse par le bout de la queue. Quand je suis revenue à la réception, c’était l’homme qui était derrière le comptoir. Re-shiiiiiiiit! Il a vu que j’étais déçue. Je me suis assise sur une des chaises et j’ai décidé d’attendre.
- C’est pour toi les tampons?
Il aurait pu poser sa question plus fort! - Oui.
- Combien t’en as besoin?
Je n’ai pas fait de calcul dans ma tête. J’ai dit:
- Cinq.
Il en a compté cinq (il s’est repris trois fois!) et les a posés sur le comptoir. J’ai levé les yeux et j’ai vu la tête de la femme dépasser du chambranle de la porte. Lorsqu’elle a croisé mon regard, elle a disparu aussitôt.
J’ai payé. Puis il m’a dit:
- Ne les utilise pas tous en même temps.
Ha. Ha. Ha. Full drôle.
Je me suis réfugiée dans la salle de bains de la chambre d’hôtel. Et ç’a été l’apprentissage. Je ne suis pas niaiseuse, je sais que ça ne va pas dans les oreilles. C’est juste que c’est plus compliqué que de coller une serviette dans le fond de sa culotte. Et j’ai appris à l’école qu’il faut faire attention à un truc qui s’appelle le « choc toxique », ne pas le garder plus longtemps que dix heures parce que ça pourrait nous rendre malade.
Genre que ça m’a pris une demi-heure pour être capable de le mettre! J’avais l’air d’une folle. Ça prend de la technique. Mais j’étais supra satisfaite quand j’ai réussi! Je me promenais dans les corridors de l’hôtel la tête haute. J’avais le goût, comme dans les comédies musicales, de chanter une chanson qui démontrerait ma joie. Genre:
«Oh tampon!
J’ai réussi à te mettre pour de bon,
Même si c’était la première fois,
Que je me battais avec toi ».
Assez de niaiseries. Je suis crevée. Allez, dodo.