CHRONOLOGIE

1854. 20 octobre. Naissance, à six heures du matin, à Charleville dans le département des Ardennes, de Jean-Nicolas-Arthur Rimbaud. Son père, Frédéric Rimbaud (né le 7 octobre 1814), est capitaine d’infanterie. Sa mère, Vitalie Cuif (née le 10 mars 1825), est la fille de propriétaires ruraux possédant une ferme à Roche, dans le canton d’Attigny. Rimbaud a un frère aîné, Frédéric, né en 1853.

1855-1856. Du 14 mars 1855 au 28 mai 1856, le capitaine Rimbaud participe à la campagne de Crimée.

1858. Le 15 juin, naissance de Vitalie Rimbaud, sœur de Jean-Arthur et de Frédéric.

1860. Le 1er juin, naissance d’Isabelle Rimbaud, sœur de Jean-Arthur, Frédéric et Vitalie.

En août, le capitaine Rimbaud rejoint sa garnison à Grenoble. Les deux époux vivront désormais séparés. Sur le souvenir fantasmatique de ce départ, voir « Mémoire » (p. 157).

1861. Au mois d’octobre, Rimbaud entre en neuvième à l’Institution Rossata.

1862-1863. Durant l’année scolaire, Rimbaud écrit une sorte de fantaisie (voir p. 11).

1865. Rimbaud, qui a fait ses deux premiers trimestres de sixième à l’Institution Rossat, entre, à partir de Pâques, au collège de Charleville.

1868. Rimbaud adresse « en secret » une lettre en vers latins au Prince impérial à l’occasion de la première communion de celui-ci (le 8 mai).

1869. Le 15 janvier, le Moniteur de l’enseignement secondaire spécial et classique. Bulletin de l’Académie de Douai, n° 2, publie une pièce en vers latins de Rimbaud, « Ver erat… » (« Le Songe de l’écolier »).

Le même bulletin, n° 11, publie, le 1er juin, une autre pièce de Rimbaud, « Jamque novus… » (« L’Ange et l’Enfant »).

Le 15 novembre, le Moniteur de l’enseignement secondaire, n° 22, publie une autre composition en vers latins de Rimbaud, « Abd-al-Kader », qui lui valut de remporter le premier prix au concours académique de vers latins.

À la fin de l’année, Rimbaud compose « Les Étrennes des orphelins ».

1870. En janvier, le professeur de rhétorique du collège, M. Feuillâtre, est remplacé par le jeune Georges Izambard (âgé de vingt-deux ans), avec lequel Rimbaud va se lier d’amitié.

Le 2 janvier, La Revue pour tous publie « Les Étrennes des orphelins ».

Le 24 mai, Rimbaud envoie à Théodore de Banville, dans l’espoir d’être publié dans une prochaine livraison du Parnasse contemporain, une lettre contenant trois poèmes : « Sensation », « Ophélie » et « Credo in unam ».

Le 13 août, La Charge publie « Trois Baisers ».

Rimbaud compose alors un certain nombre de poèmes, dont « Vénus anadyomène » et « Les Reparties de Nina ».

Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse. Rimbaud compose le sonnet « Morts de Quatre-vingt-douze ».

Le 29 août, première fugue de Rimbaud. Il part pour Paris, en passant par Charleroi. Il arrive à Paris le 31. Arrêté à sa descente du train, car il n’a sur lui ni billet ni argent, il est conduit au dépôt, puis à la prison de Mazas.

2 septembre : désastre de Sedan. Napoléon III capitule devant l’armée prussienne.

4 septembre : proclamation de la IIIe République. Le 5 septembre, grâce à l’intervention d’Izambard, Rimbaud est libéré. Il va à Douai, chez les tantes d’Izambard, les demoiselles Gindre. Il y reste une quinzaine de jours et en profite pour recopier ses poèmes sur un cahier, à l’intention d’un jeune poète, Paul Demeny, que lui avait fait connaître son professeur et qui venait d’être édité.

Le 26 septembre, Rimbaud revient à Charleville. Mais le 7 octobre, il reprend la route, passe de nouveau par Charleroi et pousse jusqu’à Bruxelles. Entre le 20 et le 30 octobre, il est de nouveau chez les demoiselles Gindre où il complète le « Cahier de Douai » (ou « Recueil Demeny »), qu’il confie à P. Demeny. Le 1er novembre, Mme Rimbaud fait intervenir un commissaire de police. Rimbaud est obligé de revenir à Charleville. Le collège a fermé ses portes en raison de la guerre. Rimbaud vit alors une période d’oisiveté. Il lit et fait de longues promenades avec son ami Ernest Delahaye.

25 novembre, Le Progrès des Ardennes, n° 18, publie « Le Rêve de Bismarck » signé « Jean Baudry », pseudonyme adopté par Rimbaud.

1871. Le 1er janvier, les Allemands occupent Mézières et Charleville. Le 28 janvier, l’armistice est signé. Le 17 février, Thiers devient chef du pouvoir exécutif. Le 25 février, Rimbaud part en train pour Paris. Il y vit misérablement et revient à pied à Charleville le 10 mars. Le 18 mars, la Commune de Paris est proclamée. Rimbaud prend parti pour les insurgés. Il écrira bientôt des poèmes communards : « Chant de guerre Parisien », « Les mains de Jeanne-Marie », « Paris se repeuple ».

Mi-avril-début mai, Rimbaud, selon Ernest Delahaye (Entretiens politiques et littéraires, décembre 1891), serait allé à Paris. Il se serait engagé dans les corps-francs et aurait séjourné à la caserne de Babylone. Une note de police du 26 juin 1873 concernant Verlaine et Rimbaud à Londres signale que le jeune « Raimbault [sic] sous la Commune a fait partie des francs-tireurs de Parisb ». Notons toutefois que Rimbaud était à Charleville le 17 avril et qu’il y sera les 13 et 15 mai, comme le prouvent ses lettres. La répression versaillaise, la Semaine sanglante, commence le 21 mai. Pour ses amis, la participation de Rimbaud à la Commune ne faisait pas de doute.

Dans sa biographie de Rimbaud parue dans Les Hommes d’aujourd’hui (1888), Verlaine note : « Retour à Paris pendant la Commune et quelques séjours à la caserne du Château-d’Eau parmi de vagues vengeurs de Flourens. »

Le 13 mai, Rimbaud envoie à Georges Izambard une lettre où il expose ses idées nouvelles sur la poésie. Elle contient le poème « Le Cœur supplicié ».

Le 15 mai, il adresse à Paul Demeny la lettre dite « du voyant » qui développe longuement certains éléments de la lettre précédente. Elle contient aussi « Chant de guerre Parisien », « Mes Petites amoureuses » et « Accroupissements ».

Le 10 juin, Rimbaud envoie une nouvelle lettre à Paul Demeny. Il lui demande de brûler le cahier qu’il lui a donné l’an passé et lui présente trois nouveaux poèmes, « Les Poètes de sept ans », « Les Pauvres à l’Église » et « Le Cœur du pitre ».

Le 15 août, Rimbaud adresse une lettre à Théodore de Banville contenant l’ironique « Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs », signé « Alcide Bava ».

Rimbaud entre en relation avec Charles Bretagne, un employé aux contributions indirectes de Charleville, féru d’occultisme, homosexuel sans doute et ami de Paul Verlaine.

En septembre, Rimbaud envoie coup sur coup deux lettres à Verlaine. Il les accompagne de plusieurs poèmes, « Les Effarés », « Accroupissements », « Les Douaniers », « Le Cœur volé », « Les Assis », « Mes Petites amoureuses », « Les Premières Communions », « Paris se repeuple ». Verlaine répond à Rimbaud en lui proposant de venir à Paris.

Fin septembre, Rimbaud débarque à Paris, avec « Le Bateau ivre » en poche. Il est d’abord accueilli rue Nicolet à Montmartre dans l’hôtel des Mauté, les beaux-parents de Verlaine, qui logent sous leur toit leur fille Mathilde et Paul Verlaine, qui vient de l’épouser. Georges, le fils du jeune couple, naît le 30 octobre. Verlaine fait venir Rimbaud à l’un des dîners des Vilains Bonshommes (rassemblant les poètes parnassiens ses amis). Rimbaud y récite « Le Bateau ivre ». Sa lecture soulève l’enthousiasme. Durant toute cette période, Rimbaud va fréquenter les frères Cros, Léon Valade, Émile Blémont, Forain dit « Gavroche » le dessinateur, Étienne Carjat le photographe (avec qui il aura une grave altercation).

En octobre, il doit quitter l’hôtel des Mauté. Il loge quelque temps dans l’atelier de Charles Cros, puis dans une chambre que lui prête Théodore de Banville. Fin octobre, sur l’initiative de Charles Cros, est fondé le Cercle dit « Zutique », qui tient ses assises dans une chambre de l’Hôtel des Étrangers, à l’angle de la rue Racine et de la rue de l’École-de-Médecine. En attendant mieux, Rimbaud habite là, en compagnie du musicien bohème Ernest Cabaner. Il collabore plusieurs fois à l’Album Zutique (le 22 octobre, les 1er, 6 et 9 novembre). Mi-novembre, Rimbaud loge dans un immeuble situé à l’angle du boulevard d’Enfer (aujourd’hui boulevard Raspail) et de la rue Campagne-Première.

Fin décembre, Fantin-Latour commence à peindre le tableau Coin de table où figurent Verlaine et Rimbaud, à côté de Jean Aicard, Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan, Pierre Elzéar Bounier, Émile Blémont. Le tableau ne sera achevé qu’en avril 1872.

1872. Verlaine et Rimbaud scandalisent par leur comportement les milieux littéraires qu’ils fréquentent. Verlaine menant une vie de plus en plus irrégulière, Mathilde Mauté, dans la seconde moitié du mois de janvier, décide de partir dans sa famille à Périgueux et emmène son jeune fils. Bientôt Verlaine, inquiet de cette situation, conseille à Rimbaud de quitter Paris et d’aller chez l’une de ses parentes à Arras. Rimbaud y consent. On sait peu de chose sur ce séjour. Il rejoint ensuite la demeure maternelle à Charleville où il fréquente surtout Delahaye. À la bibliothèque municipale, il lit toutes sortes de livres et, par exemple, les ariettes de Favart, écrivain du XVIIIsiècle auteur de nombreux vaudevilles et opéras-comiques. Il correspond avec Verlaine et lui envoie des lettres que son correspondant qualifie de « martyriques ». Selon Ernest Delahaye, Rimbaud avait alors l’idée d’écrire des textes en prose sous le titre Photographies du temps passé (il aurait rédigé plusieurs textes dans cette veine). Selon Verlaine, il travaillait à des « Études néantes ».

Vers le 15 mars, Mathilde revient à Paris. Elle semble réconciliée avec Verlaine. Mais leurs rapports vont rapidement se détériorer. Début mai, Rimbaud, à l’instigation de Verlaine, revient, lui aussi. Il loge bientôt rue Monsieur-le-Prince, dans une chambre donnant sur la cour du lycée Saint-Louis. Il écrit alors certains poèmes, comme « Fêtes de la patience », ou recopie ceux qu’il a composés les mois précédents. Il les date de « mai 1872 ». Ses relations sexuelles avec Verlaine font peu de doute, comme le prouve de ce dernier le sonnet « Le Bon Disciple », daté de mai 1872.

En juin, Rimbaud loge à l’hôtel de Cluny, rue Victor-Cousin, près de la place de la Sorbonne.

Le 7 juillet, comme il n’a pu convaincre Verlaine d’abandonner femme et enfant pour le suivre, il décide de quitter seul la France pour la Belgique et de laisser Verlaine à ses démêlés conjugaux. Comme il porte au domicile de Verlaine (qu’il ne compte pas revoir) sa lettre de rupture, il rencontre celui-ci. Verlaine prend alors la décision immédiate de quitter sa famille. Le 9 juillet, en route pour la Belgique, Verlaine et Rimbaud s’arrêtent à Charleville pour voir Bretagne. Ils vont ensuite en train à Bruxelles (par Walcourt et Charleroi), où ils logent au Grand Hôtel liégeois.

Le 21 juillet, Mathilde et sa mère viennent à Bruxelles pour convaincre Verlaine de repartir à Paris avec elles. Il y consent, mais, dans le train du retour où Rimbaud s’était aussi embarqué, il leur fausse compagnie à la gare frontière de Quiévrain. Les deux amis continuent de vivre à Bruxelles.

Le 7 septembre, ils prennent le bateau à Ostende pour l’Angleterre. Ils arrivent à Douvres le lendemain. Ils trouvent à se loger à Londres, au 34, Howland Street, dans un appartement qu’Eugène Vermersch habitait avant eux. Ils connaissent les exilés de la Commune, le dessinateur Félix Régamey, Jules Andrieu, Lissagaray... Ils visitent l’« immense ville », mélange de misère et de modernité. Verlaine continue d’écrire ses Romances sans paroles ; Rimbaud compose peut-être certains textes des Illuminations (le 14 septembre avait paru, contre son gré, semble-t-il, son poème « Les Corbeaux » dans La Renaissance littéraire et artistique, revue dirigée par Émile Blémont).

Le couple Verlaine-Rimbaud vit bientôt dans un état alarmant de pénurie et doit se contenter de l’argent que Mme Verlaine envoie à son fils. De son côté, Mathilde poursuit une demande en séparation, ce qui inquiète Verlaine dont Rimbaud découvre un peu plus chaque jour la veulerie.

Début novembre, Rimbaud informe sa mère de sa situation. Mme Rimbaud vient à Paris et a une entrevue avec Mme Verlaine, puis avec Mathilde. Elle engage Rimbaud à revenir.

En décembre, Rimbaud est de retour à Charleville. Sa présence y est attestée le 20 de ce mois.

1873. En janvier, Verlaine, seul et malade à Londres, réclame du secours. Rimbaud et Mme Verlaine viennent le voir. Rimbaud décide de rester. La vie du couple reprend. Pour pouvoir donner des leçons qui leur rapporteraient quelque argent, Verlaine et Rimbaud perfectionnent leur anglais. Ils fréquentent la bibliothèque du British Museum.

Le 4 avril, Verlaine, inquiété par le procès que lui intente sa femme, décide de repartir en France. Après avoir tenté de s’embarquer à Newhaven, il prend le bateau à Douvres pour Anvers, va à Namur, puis s’installe à Jéhonville (Luxembourg belge) chez sa tante Évrard. Le 11 avril, jour du vendredi saint, Rimbaud arrive à Roche (propriété de Mme Rimbaud) où se trouve alors toute la famille.

Le 20 avril, Verlaine, Delahaye et Rimbaud se retrouvent à Bouillon, ville des Ardennes belges près de la frontière.

Vers le 15 mai, Rimbaud annonce dans une lettre à Delahaye qu’il souhaite écrire un Livre païen ou Livre nègre, « histoires atroces » (il en a déjà composé trois).

Le 25 mai, Verlaine et Rimbaud repartent pour l’Angleterre. Ils visitent Liège le 26 mai et s’embarquent à Anvers le 27. À Londres, ils louent une chambre chez Mrs. Alexander Smith, au 8, Great College Street, Camden Town. Ils cherchent toujours à donner des leçons de français. Mais le couple est mal considéré par les réfugiés de la Commune. Verlaine, inquiet aussi de la demande en séparation voulue par sa femme et pensant pouvoir de nouveau la convaincre, part après une violente querelle. Il s’embarque, le 3 juillet, pour Anvers. Impuissant, Rimbaud assiste à ce départ.

Cependant, Verlaine regrette bientôt ce qu’il a fait et envoie une lettre d’explication à Rimbaud.

Le 4 juillet, arrivé à Bruxelles, il écrit à sa mère, à Mme Rimbaud, à Mathilde à qui il demande de venir le rejoindre dans les trois jours, sinon il se donnera la mort. Mathilde ne répond pas à cet appel. Mais dès le 5 juillet Mme Verlaine vient à Bruxelles. Le 6 juillet, Verlaine écrit à Edmond Lepelletier en lui demandant de soigner l’édition des Romances sans paroles et confirme sa volonté de se donner la mort : « Je vais me crever. » Le 8 juillet, tout en ayant renoncé au suicide, il envoie un télégramme à Rimbaud lui annonçant sa décision d’entrer comme volontaire dans les troupes carlistes.

Le soir même, Rimbaud arrive. Les deux hommes se rendent à l’Hôtel de la Ville de Courtrai avec Mme Verlaine. La journée du 9 juillet se passe en discussions et querelles, Rimbaud ayant dit son intention de quitter Verlaine et de partir pour Charleville ou Paris.

Le 10 juillet, Verlaine, de bon matin, achète un revolver. Après une nouvelle discussion, il tire sur Rimbaud et le blesse au poignet gauche. Rimbaud va se faire soigner à l’hôpital Saint-Jean. Puis, vers 19 heures, persistant dans sa décision de partir, il se dirige vers la gare du Midi, toujours accompagné de Verlaine et de la mère de celui-ci. Verlaine menaçant en chemin de se servir de son revolver (contre lui-même ou contre Rimbaud ?), Rimbaud avertit un agent de police. Verlaine est aussitôt arrêté et écroué.

Le 11 juillet, Rimbaud entre à l’hôpital Saint-Jean pour qu’on extraie de son poignet la balle qu’il a reçue du premier coup de feu tiré par Verlaine. Le lendemain, il est interrogé par un juge d’instruction et fait une déposition en faveur de Verlaine. Il signera son désistement le 19 juillet et sortira de l’hôpital le lendemain.

Le 8 août, Verlaine comparaît devant la sixième chambre correctionnelle de Bruxelles. Il est condamné à deux ans de prison et 200 francs d’amende. Ce jugement sera confirmé le 27 août. Il est alors incarcéré à la prison des Petits-Carmes, à Bruxelles.

En août, de retour à Roche, Rimbaud écrit Une saison en enfer, sans doute déjà commencé. Il confie son manuscrit à Jacques Poot, imprimeur à Bruxelles. Mme Rimbaud paie de ses deniers une partie de l’édition. Le 22 octobre, Rimbaud à Bruxelles retire ses exemplaires d’auteur. La majorité du tirage restera chez l’imprimeur jusqu’à ce qu’on la découvre, empaquetée, en 1901c ! Il dépose un volume avec envoi « à P. Verlaine » à la prison des Petits-Carmes.

Le 1er novembre, Rimbaud est à Paris où il donne aux quelques rares amis qui lui restent des exemplaires d’Une saison en enfer. Au café Tabourey, il est probable qu’il rencontre le poète Germain Nouveau, qui avait participé aux suites du Cercle Zutique, le groupe des Vivants, et fréquentait Raoul Ponchon et Jean Richepin, que Rimbaud avait connus en 1872. Rimbaud regagne ensuite Charleville où il reste durant l’hiver.

1874. À la mi-mars, Rimbaud vient à Paris et retrouve Germain Nouveau. Avec celui-ci il part pour l’Angleterre. Les deux amis logent au 178, Stamford Street, près de la gare de Waterloo, sur la rive sud de la Tamise. Rimbaud passe des annonces dans certains journaux pour donner des leçons de français. À cette époque, il recopie, aidé parfois de Germain Nouveau, la plupart de ses Illuminations.

À la mi-avril, Nouveau, pour des raisons peu claires, décide de revenir en France. Tant bien que mal, Rimbaud essaie de subsister. Il cherche un emploi de précepteur.

En juillet, désespéré, il fait appel à sa mère. Mme Rimbaud et Vitalie viennent à Londres (Vitalie nous a laissé dans son journal de nombreux détails sur ce séjour). Le 31 juillet, Rimbaud part pour une destination inconnue. Selon V.P. Underwood et Enid Starkie, il va prendre un emploi dans le port de Scarborough, Yorkshire, qu’évoquerait « Promontoire » (p. 286).

Le 9 novembre, Rimbaud fait passer une annonce dans le Times pour trouver un emploi.

Le 29 décembre, il revient à Charleville pour se mettre en règle avec les autorités militaires. Son frère Frédéric s’étant engagé pour cinq ans, il peut bénéficier d’une dispense de service militaire.

1875. Durant le mois de janvier, Rimbaud, pour obtenir une situation dans le commerce ou l’industrie, se met à apprendre l’allemand.

Le 13 février, il part pour Stuttgart. Il loge dans cette ville, au 7, Hasenbergstrasse, puis, à partir du 15 mars, au 2, Marienstrasse, dans une pension de famille.

Le 2 mars, Verlaine, qui avait été libéré le 16 janvier après dix-huit mois de captivité à la prison des Petits-Carmes, à Bruxelles, puis à la prison de Mons, revoit Rimbaud à Stuttgart. Au cours de cette entrevue, marquée par une bagarre brutale, Rimbaud aurait donné à Verlaine le manuscrit des Illuminationsd. Il l’aurait également chargé d’envoyer à Germain Nouveau des « poèmes en prose » siens (s’agit-il des mêmes textes ?) pour que celui-ci, alors en Belgique, les fasse publier. Verlaine accomplira fidèlement cette mission. Cependant, la rupture entre les deux amis se consommera définitivement dans les mois suivants, ce qui n’empêchera pas Verlaine de continuer de s’informer auprès d’Ernest Delahaye des errances de Rimbaud et, à l’occasion, de se moquer dans des « Vieux Coppées » de celui qu’il appelle « l’homme aux semelles de vent », mais aussi bien « Homais », « le Philomathe », « l’Œstre » (le taon)...

En mai, Rimbaud quitte Stuttgart pour l’Italie. Le 5 ou le 6, il est à Milan. Puis il traverse la Lombardie.

Le 15 juin, sur la route de Livourne à Sienne, il est frappé d’une insolation. Le consul français de Livourne le fait rapatrier à Marseille où il est soigné à l’hôpital. Peu après, il a l’intention de s’engager dans les troupes carlistes et de passer en Espagne ; mais il n’y parvient pas.

En juillet, il revient à Paris et, pendant les vacances, assure la fonction de répétiteur dans un cours de vacances à Maisons-Alfort.

Vers le 6 octobre, il est à Charleville où il fréquente de nouveau Delahaye, Louis Pierquin, Ernest Millot. À l’époque, il envisage de devenir Frère des Écoles chrétiennes pour être envoyé en Extrême-Orient. Il se plonge dans l’étude de plusieurs langues étrangères et apprend le piano.

Le 18 décembre, Vitalie meurt d’une synovite tuberculeuse.

1876. Début avril, Rimbaud part pour Vienne où il se fait voler son argent. Il revient à Charleville.

En mai, il se rend à Bruxelles, puis à Rotterdam. Le 18 mai, au port de Harderwijk sur le Zuyderzee, il se fait enrôler pour six ans dans l’armée coloniale hollandaise.

Le 10 juin, le Prins van Oranje, sur lequel se trouvent les quatre-vingt-dix-sept fantassins recrutés, appareille à Niewe Diep. Le 22 juin, le navire arrive à Naples.

Le 19 juillet, le Prins van Oranje aborde à Padang (Sumatra). Le navire repart pour Batavia. Le 30 juillet, la compagnie à laquelle appartient Rimbaud embarque pour Samarang. Le 15 août, Rimbaud est porté déserteur. Le 30 août, il embarque à Samarang sous un nom d’emprunt, à bord du Wandering Chief, navire écossais qui fait route jusqu’en Angleterre, en passant par Le Cap, Sainte-Hélène (23 octobre)...

Le 6 décembre, Rimbaud débarque à Queenstown en Irlande, prend le train jusqu’à Cork où il s’embarque pour Liverpool. À Liverpool, il prend un bateau qui le mène au Havre. Le 9 décembre, il est de retour à Charleville.

1877. Durant l’hiver, Rimbaud reste à Charleville ou à Roche.

En mai, il est à Cologne, recruteur de volontaires pour le compte d’un agent hollandais.

Le 14 mai, on le retrouve à Brême où il écrit, sans succès, au consul des États-Unis pour s’engager dans la marine américaine. On le voit ensuite à Hambourg. Puis il travaille comme employé au cirque Loisset.

En juillet, il suit le cirque Loisset à Stockholm, puis à Copenhague. À la fin de l’été, il revient à Charleville.

En automne, il s’embarque à Marseille pour Alexandrie ; mais, malade, il doit débarquer en Italie à Civitavecchia. Rétabli, il va jusqu’à Rome, revient jusqu’à Marseille et regagne enfin Charleville où il reste durant l’hiver.

1878. En janvier, The Gentleman’s Magazine à Londres publie « Petits Pauvres » (« Les Effarés »), signé « Alfred [sic] Rimbaud ».

Rimbaud, durant ce premier semestre, serait allé à Hambourg ou en Suisse.

Il passe l’été à Roche.

Le 20 octobre, il quitte Charleville, traverse à pied les Vosges, la Suisse et passe le Saint-Gothard.

Le 19 novembre, arrivé à Gênes, il s’embarque pour Alexandrie où il signe un contrat d’embauche avec E. Jean et Thial fils, de Larnaca, port de Chypre.

Le 16 décembre, il entre en fonction à Larnaca où il surveille l’exploitation d’une carrière.

1879. Rimbaud, dans des conditions difficiles, continue son travail. Il a parfois de graves discussions avec les ouvriers.

Fin mai, atteint de typhoïde, il doit rentrer rapidement en France. Il revient à Roche, se rétablit. L’été, il participe aux travaux de la moisson.

En septembre, il rencontre pour la dernière fois Delahaye qui vient passer quelques jours à Roche.

1880. Rimbaud passe l’hiver à Roche.

En mars, il s’embarque pour Alexandrie, regagne Chypre. Il est alors engagé comme chef d’équipe pour construire le palais d’été du gouverneur sur le mont Troodos (2 100 m).

Le 20 juin, il quitte son emploi pour en prendre un autre plus lucratif.

En juillet, se jugeant mal payé, il donne sa démission et part pour l’Afrique. Il est possible que ce départ soit dû aussi au meurtre d’un ouvrier qu’il aurait commis dans un mouvement de colère. À Aden, port de la mer Rouge, grâce à une recommandation qu’il a pu obtenir à Hodeïdah d’un négociant français, un certain Trébuchet, il se fait engager par l’agence Mazeran, Viannay, Bardey et Cie, spécialisée dans le commerce (importation-exportation).

Le 10 novembre, il est affecté à la succursale Bardey de Harar, ville du centre de l’Abyssinie, qui comptait alors plus de 30 000 habitants. Il s’embarque jusqu’à Zeïlah, puis traverse le désert somali et arrive enfin à Harar, début décembre.

1881. Rimbaud s’habitue difficilement à ce nouveau poste, en dépit d’un climat plus favorable.

En avril, Alfred Bardey et son équipe arrivent à Harar.

En mai-juin, Rimbaud fait une expédition à Boubassa, à cinquante kilomètres de Harar.

Durant le mois de juillet, frappé d’un accès de fièvre, il doit s’aliter.

En septembre, irrité de n’avoir pas été promu à la direction de l’agence de Harar, il donne sa démission. Le 15 décembre, il reprend son travail à Aden, toujours à l’agence Bardey.

1882. Rimbaud continue à travailler à Aden. Il a la pleine confiance d’Alfred Bardey. Rongé par l’ennui, il songe à écrire un « ouvrage sur le Harar et les Gallas » et à le soumettre à la Société de géographie (lettre à Ernest Delahaye du 18 janvier).

1883. Le 28 janvier, à Aden, Rimbaud gifle un magasinier. Le consulat de France est informé de l’affaire. Alfred Bardey se porte garant de Rimbaud.

Le 20 mars, Rimbaud signe un nouveau contrat de travail pour deux ans avec l’agence Bardey. Le 22 mars, il se met en route pour Harar où il s’installe de nouveau, comme directeur de l’agence cette fois. Il fait de la photographie à ses moments perdus.

En août, il envoie son associé Sotiro en expédition pour reconnaître l’Ogadine (région située entre Harar et le désert somali).

En septembre, au retour de Sotiro, il organise trois nouvelles expéditions dans ce pays et participe à l’une d’entre elles.

Le 10 décembre, revenu, Rimbaud rédige un rapport sur son voyage pour Alfred Bardey qui le communique à la Société de géographie.

Cette année-là, Verlaine a publié dans plusieurs numéros de la jeune revue Lutèce (du 5 octobre au 17 novembre) une étude sur Rimbaud qui sera reprise l’année suivante dans son livre Les Poètes maudits (Vanier éditeur).

1884. Publication du « Rapport sur l’Ogadine » signé « Arthur Rimbaud » dans les Comptes rendus des séances de la Société de géographie (rapport présenté lors de la séance du 1er février).

Les événements politiques forcent l’agence Bardey à fermer. Le 1er mars, Rimbaud doit quitter Harar. Il parvient à Aden le 23 avril. Dans les lettres qu’il envoie à sa famille, il se montre désespéré : « Il est impossible de vivre plus péniblement que moi. »

En juin, Alfred Bardey crée une nouvelle société avec son frère. Il engage (le 19 juin) Rimbaud pour six mois. Rimbaud à cette époque et pendant deux ans au moins semble avoir vécu avec Mariam, une Abyssinienne, qu’il connaissait déjà peut-être à Harar.

En septembre, l’Égypte doit évacuer Harar, qui dépendait d’elle auparavant.

1885. Le 10 janvier, Rimbaud signe un nouveau contrat pour un an avec Pierre Bardey.

Début octobre, il décide de quitter les Bardey et de faire fortune dans le trafic d’armes. Le 8, il signe un contrat avec Pierre Labatut, négociant au Choa. Il devra mener une caravane d’armes jusqu’au Choa et livrer son chargement au roi Ménélik qui s’apprête à affronter l’empereur Jean afin de régner sur l’Abyssinie.

En novembre, Rimbaud débarque au port de Tadjourah, d’où l’expédition doit partir.

1886. Rimbaud doit rester à Tadjourah, car le gouvernement français interdit l’exportation d’armes au Choa. Cependant, grâce à l’intervention du résident français à Obock, il finit par obtenir une autorisation exceptionnelle.

Labatut tombe gravement malade et doit être rapatrié en France où il va mourir. Rimbaud décide alors de s’associer à Paul Soleillet. Mais celui-ci meurt le 9 septembre d’une embolie.

En octobre, Rimbaud décide de tenter seul cette expédition jusqu’à Ankober, capitale du Choa. Il livre 2 040 fusils et 6 000 cartouches.

Cette année-là ont été publiés dans La Vogue (13 et 23 mai, 3, 13 et 20 juin) la plupart des Illuminations de Rimbaud et certains de ses « vers nouveaux ». Ces textes sont publiés en plaquette, la même année, avec une préface de Verlaine.

1887. Le 6 février, Rimbaud atteint Ankober. Il n’y trouve pas Ménélik qui est à Entotto. Il se rend dans cette ville et doit céder à bas prix sa livraison, car il lui faut en outre rembourser les nombreuses dettes accumulées par Labatut au Choa.

Le 1er mai, avec l’explorateur Jules Borelli, il part d’Entotto pour rejoindre Harar. À Harar, le ras Makonnen, gouverneur de la province et cousin de Ménélik, lui verse de l’argent – mais sous forme de traites – pour payer la livraison d’armes.

Revenu à Aden le 30 juillet, Rimbaud décide, après les déconvenues de l’année précédente et les fatigues qu’il a subies, de prendre du repos. À Obock, il s’embarque, accompagné de son domestique Djami, pour Le Caire. Le 5 août, il est à Massaouah où il veut toucher l’argent des traites de Makonnen. On lui fait des difficultés, ses papiers n’étant pas en règle. Aux yeux du vice-consul de France à Massaouah, il est d’abord « un sieur Rimbaud se disant négociant… ».

Le 20 août, Rimbaud est au Caire. Il y reste environ cinq semaines. « J’ai les cheveux absolument gris. Je me figure que mon existence périclite », écrit-il aux siens le 23 août. Prêt à tout pour quitter Aden, il a l’intention de partir pour l’Extrême-Orient. Les 25 et 27 août, Le Bosphore égyptien publie des notes (que Rimbaud a transmises à Octave Borelli, frère de l’explorateur et directeur du journal) sur son expédition au Choa.

Le 8 octobre, il est de retour à Aden.

Le 15 décembre, dans une lettre, il apprend aux siens qu’il a écrit la relation de son voyage en Abyssinie et qu’il a envoyé des articles « au Temps, au Figaro, etc. ».

1888. Pour le compte d’Armand Savouré, Rimbaud a le projet de convoyer une caravane d’armes, depuis la côte jusqu’au Choa ; mais il n’obtiendra pas les autorisations ministérielles.

Le 14 mars, après un voyage d’un mois pour son compte à Harar, il est à Aden.

Le 3 mai, il installe à Harar une agence commerciale pour le compte du négociant César Tian, son correspondant à Aden.

Le 4 août, dans une lettre aux siens, il écrit : « Je m’ennuie beaucoup, toujours ; je n’ai même jamais connu personne qui s’ennuyât autant que moi. »

En septembre-décembre, il reçoit à Harar la visite de plusieurs de ses amis du moment, Jules Borelli, Armand Savouré, Alfred Ilg.

1889. Vainqueur de l’empereur Jean, Ménélik, roi du Choa, devient empereur d’Abyssinie.

Le 2 décembre, dans une lettre à Ilg, Rimbaud demande « un mulet » et « deux garçons esclaves ». Cette demande suffira longtemps pour accréditer la malheureuse légende de Rimbaud trafiquant d’esclaves, légende définitivement détruite par Mario Matucci dans son livre Le Dernier Visage de Rimbaud en Abyssinie.

1890. Rimbaud fait toujours du commerce à Harar.

Dans une lettre datée du 17 juillet que Rimbaud gardera dans ses papiers, Laurent de Gavoty, directeur de La France moderne, petite revue littéraire de Marseille, lui demande sa collaboration et lui dit qu’il le considère comme « le chef de l’école décadente et symboliste ».

1891. Au début de l’année, Rimbaud souffre de douleurs au genou droit.

En mars, il ne peut plus marcher et doit diriger ses affaires depuis son lit (placé sur une terrasse qui domine la cour de sa maison). À la fin du mois, il décide d’aller se faire soigner à Aden.

Le 7 avril, sur une civière construite selon ses plans, il est transporté à travers trois cents kilomètres de désert jusqu’au port de Zeïlah où il embarque le 19 avril. Ses souffrances durant ce transport, dont il nous a laissé l’éphéméride, ont été presque insupportables. À Aden, le diagnostic est très sévère. On parle de cancer du genou.

Le 9 mai, Rimbaud embarque pour la France à bord de L’Amazone. Débarqué à Marseille le 20 mai, il est transporté à l’hôpital de la Conception où il écrit immédiatement à sa mère.

Le 23 mai, appelée d’urgence par télégramme, car Rimbaud doit être opéré, Mme Rimbaud arrive à Marseille. Le 27, Rimbaud est amputé de la jambe droite. Le 9 juin, Mme Rimbaud repart pour Roche.

Le 23 juillet, Rimbaud quitte l’hôpital et, placé dans un wagon spécial, va jusqu’à la gare de Voncq, près de Roche. Durant son séjour à Roche, son état s’aggrave de jour en jour.

Accompagné de sa sœur Isabelle, il repart le 23 août pour Marseille, avec l’idée de s’embarquer pour Aden. Mais le 24, il doit être hospitalisé immédiatement. Le cancer se généralise. Rimbaud est entièrement paralysé.

Le 9 novembre, Rimbaud dicte à sa sœur une lettre incohérente destinée au directeur des Messageries maritimes. Il demande à être porté à bord du prochain navire en partance pour Aden.

Le 10 novembre, Rimbaud meurt à dix heures du matin, à l’âge de trente-sept ans. Ce même jour, paraît Reliquaire. Poésies de Rimbaud, préface de Rodolphe Darzens, aux éditions Léon Genonceaux. Mais cette édition sera vite retirée du commerce en raison d’un désaccord survenu entre Darzens et Genonceaux.

1892. Publication en un volume, avec une préface de Verlaine, de Illuminations. Une saison en enfer, chez Vanier.

1893. Le 12 décembre, d’Alger, Germain Nouveau, ignorant encore la mort de Rimbaud, lui adresse une lettre à Aden (au consulat de France).

1895. Les Poésies complètes de Rimbaud, préfacées par Verlaine, sont publiées chez Vanier, avec des notes de cet éditeur.

1898. Œuvres : Poésies, Illuminations, Autres Illuminations, Une saison en enfer, préface de Paterne Berrichon (de son vrai nom Pierre Dufour, il avait épousé Isabelle Rimbaud en 1897) et Ernest Delahaye, sont publiées aux éditions du Mercure de France.

a- Voir Stéphane Taute, « La scolarité de Rimbaud et ses prix. La fin d’une légende », Centre culturel Arthur Rimbaud, Cahier n° 6, novembre 1978.

b- Voir Henri Guillemin, « Rimbaud fut-il communard ? », dans À vrai dire, Gallimard, 1956, p. 194-200.

c- Voir Louis Piérard, « L’édition originale d’Une saison en enfer », Poésie 42, Seghers, p. 14-15.

d- Voir Verlaine, « Arthur Rimbaud “1884” », Les Hommes d’aujourd’hui, n° 318, janvier 1888.