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De nouveau cette ombre encapuchonnée. Une ombre de moine, énorme et furtive, glissant le long des vitres. Astrid tressaille, la pupille agrandie, et lâche son ouvrage.

— Tu l’as vu ? Tu l’as vu, Fidèle ? Il est encore là… Mais qu’est-ce qu’il me veut, à la fin ?

Fidèle a réagi au quart de tour. Museau froncé, babines retroussées, il aboie à perdre haleine, les deux pattes posées sur le rebord de la fenêtre.

— Bon chien…, murmure Astrid en lui flattant la nuque.

L’ombre s’efface sans demander son reste, mais Fidèle continue de montrer les crocs, une vibration rauque dans la gorge.

Un peu rassurée, Astrid se réinstalle, la tête de l’animal posée sur ses genoux. De l’ongle, elle lui agace le poil entre les oreilles.

— Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais peur, dans cette maison…, marmonne-t-elle. Ces pièces, ces meubles, ce jardin, ce paysage, je les connais jusque dans leurs moindres détails. Je pourrais y vivre les yeux fermés. Même aveugle, je n’y serais pas dépaysée. En quarante ans – quarante et un, l’hiver prochain ! –, j’ai eu le temps de m’y habituer…

Elle plonge son regard dans celui, fondant d’amour, du chien.

— Quarante ans…, répète-t-elle, comme pour se convaincre d’une aberration.