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La voix de Meisje s’est tue, me livrant au silence. Un silence oppressant qui me cerne de toute part, à peine troublé par la respiration régulière d’Astrid et les rafales de vent souquant dans les ténèbres.

Je laisse retomber le rideau, et regagne ma carpette où je m’étends de tout mon long. Mais, j’ai beau fermer les yeux, le sommeil me fuit. Mon corps est en fusion. Est-ce le rut qui me met dans cet état, ou ai-je, tout bonnement, des insomnies ?

Des insomnies – ô la plaisante chose ! –, comme avant…

C’est étrange à quel point ma vie a peu varié depuis cet « avant » – qui a, il faut bien le reconnaître, de furieux relents d’« aujourd’hui ». La mort semble n’avoir été qu’une parenthèse dans le flux calme de mes jours. Une escale entre deux navires. J’ai repris mon petit bonhomme de chemin, sous une autre forme certes, mais dans des conditions semblables, aux côtés du même être et dans le même cadre. Les pieds dans mes pantoufles, si cette expression peut convenir à un chien.

Rien n’a changé, dans la petite maison de briques rouges. Mon absence, puis mon retour, n’ont pas troublé le cours du train-train journalier. Et je suis reconnaissant à Astrid de n’avoir modifié ni sa tenue vestimentaire, ni ses petites manies, ni ses rites culinaires, ni l’agencement des meubles et des bibelots. Bref, d’avoir préservé, pour le réincarné que je suis devenu, le confort d’une routine douillette dans laquelle je puisse me lover.

Seule amélioration – et elle est de taille ! – : la perception constante et ô combien jubilatoire que j’ai de Meisje. Les grésillements que son fumet hormonal allume dans mes nerfs, et qui font de chaque instant une fête intime.

Même si cette fête me tient, pour l’heure, éveillé, haletant, l’humeur mauvaise et prêt à mordre…