Chapitre 4
Comme l’écrit l’historien américain Akira Iriye, éditeur du Palgrave Dictionary of Transnational History, paru en 2009, « l’histoire transnationale peut être considérée comme faisant partie de l’histoire globale »1. Il s’agit de retracer l’apparition du terme « transnational », de préciser quelle est sa signification appliquée à l’histoire, et de présenter un éventail des travaux historiques réalisés dans ce champ.
L’historien français Pierre-Yves Saunier, un des pionniers de l’histoire transnationale, retrace dans son article « transnational » du Palgrave Dictionary of Transnational History2, comment a peu à peu émergé le mot « transnational » : employé dans les années 1950-1960 aux États-Unis dans le registre économique (pour parler notamment des firmes transnationales). Le terme « transnational » est aussi utilisé dans le registre juridique et dans le registre géopolitique. À la fin des années 1960, un groupe de chercheurs en relations internationales définit son approche en termes de « relations transnationales », par opposition à « relations internationales ». Parallèlement, Raymond Aron dès 1962 emploie l’expression « société transnationale » pour qualifier les interactions entre des acteurs non-étatiques (commerce, migrations, échanges d’idées…). Et en 1967 le chercheur en Peace studies Johan Galtung utilise l’expression « transnational » pour qualifier le type de loyauté qui se développe dans des organisations qui transcendent les frontières nationales. En 1970-1971, les politistes américains Robert Keohane et Joseph Nye organisent une conférence sur les « relations transnationales ». Insistant sur l’importance des phénomènes qui transcendent les frontières étatiques, ils appellent les chercheurs à étudier les organisations et les interactions transnationales (mouvements de capitaux, de personnes, d’objets et d’idées dans lesquels au moins un acteur n’est pas un agent d’un gouvernement).
Dans les années 1970, le terme de « firmes transnationales » se répand, de même que le souci de les encadrer ; ainsi l’ONU crée en 1975 le « centre sur les firmes transnationales » pour contrôler leur action et leur politique sociale3. Par ailleurs, les ONG sont séduites par le terme « transnational » et l’adoptent pour qualifier leur propre action, par opposition à l’action gouvernementale. Cela est illustré par exemple par le changement de nom de la revue International Associations, qui en 1977 devient Transnational Associations.
Saunier remarque que l’emploi du terme « transnational » a été en particulier important dans les cultural studies et l’anthropologie. Un des épicentres a été le Center for Transcultural studies, lié à l’université de Chicago et à l’université de Pennsylvanie. Ce centre a entrepris un programme pour l’internationalisation de la culture et de la communication à partir de 1986 sous l’impulsion notamment d’Arjun Appadurai, ainsi qu’un « Project for Transnational Cultural Studies ».
Saunier observe en outre qu’alors que le terme « transnational » a été utilisé dans les années 1970 par des personnes de gauche pour critiquer le capitalisme débridé des firmes transnationales, il est aujourd’hui plus utilisé par des personnes de droite, qui l’emploient pour désigner une élite transnationale composée notamment d’agents des ONG et des organisations internationales.
Quelques historiens dont l’Australien Ian Tyrell ont commencé à explorer le concept d’histoire transnationale dès le début des années 1990. Mais le terme de « transnational » n’a pas été immédiatement retenu, les historiens l’utilisant alors de manière interchangeable avec l’adjectif transfrontalier (« cross-national » et « cross-border » en anglais). Peu à peu, un nombre de plus en plus important d’études ont été publiées, portant sur les échanges, les interactions et les réseaux ainsi que sur d’autres thèmes axés sur les contacts et les associations transfrontalières, interculturelles voire même trans-civilisationnelles.
Akira Iriye a écrit un petit livre publié en 1997 intitulé Cultural Internationalism and World Order. Comme il le relate, « il s’agissait là d’une tentative d’écrire l’histoire internationale, non pas sous l’angle des relations des États entre eux mais plutôt de montrer comment des organisations privées ou semi-privées ainsi que des institutions internationales ont participé à définir un ordre mondial reposant sur une compréhension dépassant les frontières nationales et culturelles. Dans ce cas, les rôles principaux étaient tenus par les individus, les fondations, les organisations religieuses ainsi que, d’une part, les organisations non gouvernementales et celles à but non lucratifs et, de l’autre, les organisations inter gouvernementales. Ces acteurs non-étatiques entretenaient leur propre vision et cherchaient à créer un monde fondé et construit sur des postulats différents de ceux définis par les grandes puissances et les États souverains. »
Puis, en 2002, Akira Iriye a publié Global Community: The Role of International Organizations in the Making of Contemporary World (Communauté mondiale : le rôle des organisations internationales dans la création du monde contemporain) qui, à bien des égards, est une suite à Cultural Internationalism and World Order. « En écrivant ce dernier, j’avais été tellement impressionné par le rôle joué par les groupes transnationaux privés ainsi que par les organisations intergouvernementales que je décidai d’écrire une étude complémentaire qui cette fois insisterait sur leurs multiples activités dans des domaines aussi variés que les échanges en matière d’éducation, d’aide au développement, de préservation de l’environnement, et de protection des droits humains. Il devint alors très clair que toutes ces activités étaient des objectifs internationaux (ou plutôt transnationaux) auxquels les organisations internationales avaient dévolu leurs ressources humaines et financières sans que ni ces programmes, ni les organisations les développant n’aient été le sujet d’un traitement systématique dans la plupart des comptes rendus de la vie internationale. Je pensais que le temps était venu de corriger cette situation en mentionnant que ces programmes et ces organismes servaient la cause d’une « communauté mondiale » qui ne remplaçait pas forcement l’ordre international traditionnel. Plutôt que de s’intéresser exclusivement aux guerres, à la diplomatie, à l’équilibre des forces etc., au sein des États souverains, les historiens devraient commencer à prêter attention à des entités non étatiques et interétatique ainsi qu’à leurs engagements. » « J’étais enfin convaincu que l’heure de l’histoire transnationale était finalement arrivée ». « L’émergence d’une histoire transnationale suggère une prise de conscience que la nation n’est plus (si elle l’a jamais été) l’unique paramètre de l’identité humaine »4.
Récemment, l’approche transnationale a connu un intense engouement, à tel point que le terme « transnational » tend désormais à remplacer, parfois presque systématiquement, celui d’« international ». Au-delà de l’effet de mode, ce changement de vocabulaire a une réelle signification : l’approche transnationale se fonde sur la remise en cause de l’importance de la signification des frontières étatiques. Cette remise en cause peut être liée à l’idée d’un certain recul du rôle des États, et/ou à la prise de conscience de l’importance d’autres acteurs, non-étatiques. Par rapport au terme d’« international », celui de « transnational » signifie qu’on ne prend pas forcément pour cadre spatial celui d’un ou plusieurs États, mas un cadre qui peut être plus mouvant ; il signifie aussi qu’on ne considère pas forcément comme principaux acteurs les États, mais plutôt des acteurs non-étatiques (par exemple des intellectuels ou experts se déplaçant dans différents pays, associations ou réseaux agissant au-delà des limites étatiques) et que l’on entend suivre leurs trajectoires par-delà les frontières. Cette approche, qui s’attache à saisir les circulations, réseaux et trajectoires, s’est révélée féconde et a donné lieu à de multiples études historiques.
L’approche globale a donné lieu à de nombreuses études sur différents objets transnationaux, comme les maladies (William McNeill, Plagues and Peoples, 1976, Alfred Crosby, America’s Forgotten Pandemic: The Influenza of 1918, 1989), le commerce (Kenneth Pomeranz et Steven Topik, The World That Trade Created: Society, Culture, and the World Economy, 1400 to the Present), l’énergie (Vaclav Smil, Energy in World History. Global Perspectives and Uncertainties, MIT Press, 2003), la danse (William McNeill, Keeping together in time. Dance and Drill in the human history, 1995), le feu (Johan Goudsblom, Fire and Civilization. 1992), la nourriture (Raymond Grew, Food in Global History, 1999), les migrations (Wang Gungwu, Global History and Migrations, 1996, Linda Basch et alii, Towards a Transnational Perspective on Migration, 1992), les guerres, la religion, l’art, etc.5. L’approche est réellement originale, car ces objets n’avaient jamais été pris comme véritable centre d’une recherche : par un déplacement de perspective, ils sont désormais appréhendés dans leur caractère mouvant, c’est l’historien qui se déplace et suit les objets qu’il étudie. Ainsi, dans ses travaux sur les migrations, Wang Gungwu, loin de se borner à l’étude d’un lieu délimité d’avance et de se contenter d’étudier les migrants qui en partent ou qui y arrivent, analyse les déplacements des migrants, et les liens entretenus à distance entre membres de mêmes communautés d’origine, et liens intensifiés de nos jours grâce aux perfectionnements des télécommunications. Ces différents travaux mettent donc l’accent sur les interconnexions au niveau mondial, sur les différentes modalités par lesquelles les cultures entrent en contact les unes avec les autres et interagissent entre elles. L’ouvrage collectif The Palgrave Dictionary of Transnational History (2009), auquel ont contribué aussi bien des Américains que des Européens, s’inscrit en plein dans cette perspective : il s’attache à saisir les circulations d’acteurs et d’idées, à reconstituer leurs trajectoires à travers des réseaux6.
Ainsi l’histoire transnationale fournit une nouvelle manière de penser les échanges, politiques, économiques, culturels, entre les espaces, en prenant en compte tous les mouvements (de capitaux, d’idées, d’hommes…) qui se font en dehors des relations strictement inter-étatiques. Ce courant en plein essor apporte un enrichissement considérable à la réflexion historique.
Le concept de « transfert culturel » a été élaboré par Michel Espagne et Michael Werner pour étudier les emprunts (d’idées, de discours, de textes) que les cultures allemandes et françaises se font l’une à l’autre depuis le XVIIIe siècle, en mettant l’accent sur les processus de réception et de transformation de ces emprunts dans la société d’accueil7.
La notion de transfert culturel implique un mouvement d’objets, personnes, populations, mots, idées… entre deux espaces culturels (États, nations, espaces linguistiques, aires culturelles…). La théorie des transferts culturels propose d’en analyser les supports et les logiques. Elle s’intéresse à tous les domaines de l’interculturel8. Il s’agit d’analyser comment des éléments d’une culture se déplacent vers une autre culture et en cela se modifient.
Cette problématique est née dans les études germaniques, sur l’impulsion de Michel Espagne et de Michael Werner9. Ces deux chercheurs s’interrogeaient sur l’origine de certains fonds d’archives et de bibliothèques concernant d’abord l’histoire culturelle allemande, mais localisés en France. Cela a donné naissance à une réflexion sur le « moment allemand de la culture française » depuis le XVIIIe siècle : une sorte de « mémoire française de l’Allemagne », conservée dans les archives et les bibliothèques et dont la littérature, la philosophie, l’histoire, la politique, gardent encore des traces. Suite à ces réflexions, ces deux chercheurs ont créé en 1985 un « groupement de recherches sur les transferts culturels ». Ils entendaient faire de « la manière dont les cultures occidentales importent et s’assimilent des comportements, des textes, des formes, des valeurs, des modes de penser étrangers (…) un véritable objet de recherches scientifique »10.
En fait l’idée des transferts culturels est née chez un petit groupe de chercheurs spécialistes de l’écrivain allemand Heinrich Heine : observant que celui-ci, qui a passé vingt-cinq ans à Paris, a cherché à s’adresser aussi au public français, notamment en utilisant la pensée et la langue saint-simonienne, qu’il trouvait particulièrement apte à faire passer des catégories allemandes en français, ces chercheurs se sont rendus compte que cette proximité surprenante venait d’un contact antérieur, oublié, entre culture française et allemande, dû aux séjours à Berlin des proches de Prosper Enfantin, l’un des principaux chefs de file du mouvement saint-simonien.
Ces chercheurs en transferts culturels ont notamment étudié la réception de la philosophie allemande en France, dans la première moitié du XIXe siècle, autour du philosophe français Victor Cousin. Ils ont mené des enquêtes empiriques pour isoler les éléments de la culture allemande présents en France à l’état latent.
Michel Espagne montre comment les traductions de la littérature allemande en français au XIXe siècle ont enrichi la langue et la littérature françaises. Ainsi, Loève-Weimars, premier traducteur de Hoffmann et de Heine en français, a subverti les contraintes rhétoriques françaises et les a adaptées aux caractéristiques du modèle allemand11.
Les travaux de ces chercheurs ont mis en évidence qu’une bonne partie des Allemands qui sont venus à Paris au XIXe siècle et se sont intégrés à la vie intellectuelle sont des juifs allemands qui ont rencontré des difficultés pour faire carrière en Allemagne : ainsi, paradoxalement, les Français entendaient parler de l’Allemagne et de sa culture par ceux qui en ont été exclus.
Les chercheurs en transferts culturels montrent aussi comment le déplacement de certains intellectuels de l’Allemagne à la France (ou inversement) a pu féconder leur pensée : ainsi, selon Jürgen Trabant, l’idée révolutionnaire énoncée dans les années 1880 par le philosophe allemand Guillaume de Humboldt selon laquelle chaque langue crée une « vision du monde » particulière, serait née de son transfert de l’Allemagne vers Paris ainsi que de sa rencontre avec le pays Basque et avec la radicale étrangeté de la langue basque.
Le choix du terme « transferts » est le fruit d’une réflexion soigneusement mûrie de la part de ces chercheurs : comme le souligne Michel Espagne : « le terme de transfert n’a pas, à l’exclusion de son emploi en psychanalyse, de valeur prédéterminée. Mais il implique le déplacement matériel d’un objet dans l’espace. Il met l’accent sur des mouvements humains, des voyages, des transports de livres, d’objets d’art ou bien d’usage courant à des fins qui n’étaient pas nécessairement intellectuelles. Il sous-entend une transformation en profondeur liée à la conjoncture changeante de la structure d’accueil. Car la relation entre cultures, et plus particulièrement entre la France et l’Allemagne, semblent se nouer en général à des niveaux hétérogènes, comme si tout livre et toute théorie devaient avoir une fonction radicalement différente de celle qui lui était dévolue dans son contexte originel. C’est la mise en relation de deux systèmes autonomes et asymétriques qu’implique la notion de transfert culturel. Les besoins spécifiques du système d’accueil opèrent une sélection : ils refoulent des idées, des textes ou des objets, qui demeurent désormais dans un espace où ils restent éventuellement disponibles pour de nouvelles conjonctures »12.
La théorie des trasnferts culturels implique une forte critique du comparatisme. En effet elle pointe que le comparatisme littéraire a le défaut de poser l’existence de littératures nationales distinctes, il présuppose des aires culturelles closes, ne réfléchit pas assez à la notion de frontières, et ne prend pas assez en compte les métissages.
Les théoriciens des transferts culturels invitent à questionner non seulement les concepts utilisés (comme celui de culture nationale), mais aussi les sources de toute recherche portant sur plusieurs ensembles nationaux, notamment par une généalogie de leur constitution, une analyse de leurs taxinomies.
La méthode des transferts culturels insiste sur deux analyses : celle des contextes d’accueil et de départ d’un transfert, et celle de ses vecteurs (voyageurs, enseignants, traducteurs, artisans émigrés, musiciens, commerçants…). La recherche sur les transferts culturels emprunte ses outils à plusieurs disciplines : histoire littéraire, histoire de l’art, philologie, sociologie, économie, histoire politique.
L’analyse des transferts culturels s’est d’abord consacrée aux relations franco-allemandes, dans la lignée des recherches de Claude Digeon13. Elle s’est étendue depuis à d’autres domaines. Le roman donne un exemple de transfert culturel : comme genre littéraire produit par la culture européenne moderne, il a été introduit en Russie au XVIIIe siècle et en Inde au XIXe siècle avec des conséquences inégales puisqu’en retour les romans russes sont lus au niveau international tandis que les romans indiens non.
Il est intéressant de présenter quelques exemples précis de travaux en transferts culturels. Michael Harbsmeier a étudié les rapports et les journaux intimes de diplomates chinois datant de 1866-1876. Observe que ces diplomates chinois ont été frappés en premier lieu par l’intérêt « ethnologique » des Européens pour leur propre pays, il met en évidence la vision de l’Europe que se font ces Chinois comme un « monde à l’envers »14. Carmen Bernand a quant à elle étudié les écrits de Garcilaso de la Vega, métis, fils de conquistador et de princesse péruvienne, qui malgré l’Inquisition du XVIe sicèle, a écrit les chroniques du Pérou en « traduisant » ce monde selon les termes de la tradition latine, grecque et judéo-chrétienne. En particulier, à un niveau plus personnel, en tant que métis et déraciné, il aurait opéré un transfert (au sens psychologique) sur la figure du juif errant et en particulier Léon L’Hebreu dont il a fait plusieurs traductions15.
En outre, l’histoire mondiale/globale, par sa volonté de mettre en lumière des connexions inédites, présente aussi des points communs avec la « connected history », qui s’intéresse aux passeurs d’une civilisation à une autre, qui tissent les liens concrets entre le « système Monde »16.
L’histoire connectée se fonde sur la volonté de « reconnecter » des histoires qui ont été séparées en particulier à la suite du cloisonnement produit par l’essor des historiographies nationales.
D’origine indienne, Sanjay Subramanyam est un historien cosmopolite (il a enseigné en Inde, aux États-Unis à UCLA, en Angleterre à Oxford et en France à l’EHESS) et polyglotte (il maîtrise une dizaine de langues).
La démarche que Sanjay Subrahmanyam a appelée « histoire connectée » (« connected history ») consiste pour l’historien à jouer le rôle d’une sorte d’électricien rétablissant les interconnexions au niveau mondial, c’est-à-dire les connexions continentales et intercontinentales que les historiographies nationales auraient artificiellement rompues en adoptant un cadre spatial étatique17. S’affranchissant des découpages dictés par ces frontières, l’histoire connectée entend briser les compartimentages des histoires nationales, pour mettre au jour les relations, passages, influences, transferts, parentés jusque là occultés18. Décentrant le regard, cette histoire s’intéresse prioritairement aux « passeurs » d’une civilisation à une autre. Si cela peut être fait plus facilement pour le champ économique (c’est ce qu’a fait par exemple Sanjay Subrahmanyam, mettant en lumière le rôle des réseaux marchands à l’époque moderne19), cela peut être envisagé aussi pour le champ culturel, où différents types de « passeurs » (ou médiateurs) peuvent être identifiés et suivis.
Dans un article pionnier paru en 2001 dans les Annales, Sanjay Subramanyam s’interroge : « Quels furent les grands phénomènes qui unifièrent le monde au début de la période moderne, permettant aux habitants des diverses parties du globe, en dépit de leur dispersion, d’imaginer pour la première fois l’existence d’événements se produisant véritablement à l’échelle mondiale ? » Il observe que plusieurs types d’événements ont été tour à tour pris en compte par les historiens. « Les microbes, par exemple, qui se sont propagés d’un bout à l’autre de l’Eurasie durant la grande période mongole et immédiatement après, entraînant des épidémies de peste aux confins des terres eurasiennes. L’argent et les métaux précieux, dont d’autres chercheurs ont patiemment retracé le cheminement de par le monde depuis les grands gisements de Potosí en Bolivie à partir des années 1570, ou du Japon à peu près à la même époque, entraînant parfois de désastreux effets d’inflation et à l’origine de révoltes sociales. Les plantes et les animaux, selon les partisans de la thèse de l’échange colombien, qui présentaient tous deux un potentiel de développement pour l’agriculture et le bétail, annihilèrent aussi parfois d’anciens styles de vie et décimèrent d’anciennes populations ». Subramanyam appelle à s’intéresser à un autre type de phénomène qui s’est produit à l’échelle globale au cours des XVe, XVIe et XVIIe siècles, qui a eu de très amples répercussions sur les plans culturels, sociaux et même politiques : le « réseau complexe de mouvements politiques millénaristes qui accompagnent le processus de l’expansion européenne ». Il observe qu’on a certes déjà beaucoup écrit sur ces mouvements, considérés comme des foyers de rébellion et de résistance, ou des mécanismes de défense désespérée de groupes menacés qui produisirent leurs propres prophètes. Mais il propose une nouvelle approche, globale, connectée, de ces phénomènes, qui ne se résumerait pas à une simple synthèse des connaissances déjà existantes. Il s’interroge : « qu’en est-il du millénarisme politique en tant qu’idéologie dominante, fondement d’empires et moteur des ambitions impériales ? »20. S. Subrahmanyam montre que le millénarisme d’État, présent dans un immense espace étiré entre le Tage et le Gange, au service des ambitions dynastiques, peut être l’objet d’une double lecture : d’un côté, celle qui identifie les traits communs qui le constituent, de l’autre, celle qui repère la transmission et le réemploi des mêmes références dans des contextes différents.
Son livre Vasco de Gama : Légende et tribulations du vice-roi des Indes (2012) a été très mal accueilli au Portugal, car il y déboulonne le mythe de cet explorateur, figure révérée au Portugal21. Chercheur iconoclaste, Sanjay Subramanyam n’hésite pas à bousculer les habitudes et les modes de pensée convenus du monde universitaire.
Sa démarche d’histoire connectée lui a permis d’écrire récemment un ouvrage stimulant : Comment être un étranger (2013)22. Il répond à cette question en croisant les destins de trois personnages dont la carrière s’est jouée entre l’Europe, l’Iran et l’Inde monghole aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles : le premier est le « Maure Meale », un prince de Bijapur (centre-ouest de l’Inde) réfugié auprès des Portugais de Goa à la suite de querelles dynastiques puis balloté d’un camp à l’autre au gré des conflits d’intérêts, écartelé entre la culture de l’Islam indo-persan et celle de la Contre-Réforme des jésuites. Le deuxième est un voyageur, négociant et aventurier anglais, Anthony Sherley ; passionné de philosophie politique, de diplomatie et de commerce, il est devenu prince à la Cour safavide d’Ispahan avant de finir son parcours comme amiral espagnol, ayant été écarté par l’Angleterre en raison de son originalité ; enfin, l’auteur présente l’itinéraire de l’aventurier vénitien Nicolò Manuzzi : à la fois marchand, artilleur et médecin autodidacte, il brille à Delhi auprès du « Grand Mogol » et parcourt le sous-continent indien jusqu’à sa mort. À travers ces trois personnages se dessinent, non pas un choc des cultures – idée que Sanjay Subrahmanyam récuse – mais les débuts de la conscience moderne de l’altérité.
En restituant les conditions dans lesquelles se sont effectués les premiers contacts entre Hollandais, Malais et Javanais au tournant du XVIIe siècle, Romain Bertrand, directeur de recherche à la Fondation nationale des Sciences politiques, pionnier de l’histoire connectée23, signe, avec L’histoire à parts égales (2011)24, un livre magistral, qui a valu à son auteur le prix du livre d’histoire des Rendez-vous de l’histoire de Blois.
Il y étudie la rencontre, à la fin du XVIe siècle, entre des marchands hollandais, et les habitants du port de Banten, à Java, cité multiculturelle de 40 000 habitants. Le tout premier contact passe par l’intermédiaire d’émissaires portugais envoyés par les autorités locales ; bientôt sont utilisés aussi des intermédiaires chinois.
Les voyageurs hollandais sont plongés dans un univers d’incertitudes radicales : ils ne parlent pas les langues locales, ignorent les rituels en usage. Ils sont là pour commercer, mais cela s’avère difficile étant donné leur ignorance des usages javanais. Ils multiplient donc les impairs et sont considérés par les Javanais comme des brutes, des rustres. La distance est immense entre les univers sociaux des deux communautés. Romain Bertrand adopte une approche originale, adoptant successivement le point de vue des deux parties en présence, pour maintenir la « part égale » entre eux. La méthode est proche de celle de la « comparaison réciproque » telle que l’a définie Kenneth Pomeranz, conférant une égale dignité aux deux univers observés, sans téléologie ni ethnocentrisme. Romain Bertrand a utilisé des sources provenant justement de ces deux communautés : les livres de bord et récits de voyage européens, et toutes les chroniques insulindiennes disponibles, considérées à égalité de statut documentaire, en se gardant de toute condescendance anthropologique, malgré le constat d’une incontestable asymétrie documentaire. L’auteur met au jour également la féroce concurrence que se livrent dans l’Océan Indien les hommes de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales et ceux de l’Estado da India portugais, ainsi que celle qui a cours entre les principaux sultanats d’Insulinde. D’où des jeux complexes d’alliance et de balancier entre les uns et les autres. Romain Bertrand, au terme de sa minutieuse enquête, récuse toute analyse en termes de « choc des civilisations », ou de conflit entre islam et chrétienté.
L’auteur révèle aussi que cette rencontre hollando-javanaise ne se joue pas en vase clos. Au contraire, elle se fait dans un cadre local où sont présents des Indiens, de Chinois, des esclaves noirs, des Suisses, des Français… L’Insulinde apparaît ainsi comme un lieu « global » : Java est en effet reliée par des « connexions au long cours » avec la Chine impériale via ses marchands, avec le monde persan et l’Empire ottoman via les oulémas, avec le Gujarat via ses marins et négociants. En effet, les élites javanaises entretenaient des liens anciens avec la péninsule arabique, l’Empire ottoman, la Chine impériale, mais aussi le monde persan et l’Inde moghole.
Romain Bertrand fait également bien apparaître que l’arrivée des Européens n’est qu’un événement parmi d’autres pour les Insulindiens.
Avec ce livre que Romain Bertrand qualifie d’« expérimentation historiographique », d’« exploration thématique conjointe et parallèle » plutôt que de comparaison structurelle terme à terme entre deux univers, nous avons affaire à un véritable tournant historiographique25. Accorder la même importance, lorsqu’on analyse la « rencontre » entre deux peuples, à chacun de ces deux groupes, en termes de sources utilisées notamment, apparaît désormais essentiel.
Serge Gruzinski, directeur d’études à l’EHESS, a également appelé de manière pionnière à faire de l’histoire connectée26. Spécialiste de l’Amérique latine, il s’intéresse aux expériences coloniales comme lieux de métissages et de naissance d’espaces hybrides et comme première manifestation de la mondialisation. Il a été ainsi commissaire de l’exposition « Planète métisse » présentée au Musée du Quai Branly en 2008-2009.
Dans La Pensée métisse (1999), Serge Gruzinski montre que le mélange et l’hybridation ont toujours existé. L’acculturation, l’adoption par un groupe d’éléments de culture différente, est un phénomène universel et constitutif des cultures, source d’émulation et de créativité. L’analyse de Gruzinski porte principalement sur le Mexique après la conquête espagnole, période d’intenses brassages interculturels. Deux peuples, deux cultures distinctes, espagnole et indienne, très différentes l’une de l’autre, ont réussi à imbriquer leurs deux imaginaires artistiques, l’inspiration indienne devenant indissociable de l’influence occidentale, pour créer un véritable univers hispano-indien, comme le montrent par exemple l’architecture urbaine (plans des villes), les décorations religieuses et notamment la peinture (fresques des couvents), les chants et les fêtes, la littérature. Serge Gruzinski s’attache dans ce livre à défaire l’écheveau des brassages qui, au cours des XVIeet XVIIe siècles, se sont élaborés au Mexique et, plus généralement, dans la région amazonienne.
Dans Les quatre parties du monde : histoire d’une mondialisation (2004)27, Serge Gruzinski vise, en prenant pour objet la monarchie catholique de Philippe II, à renouveler le projet braudélien d’une histoire totale, celle de la première « mondialisation », en étendant le cadre spatial pour englober aussi l’Asie, la Nouvelle-Espagne et l’Afrique. La comparaison avec l’œuvre de Fernand Braudel s’étend d’ailleurs à la construction de l’ouvrage. Mais ce livre se distingue de l’œuvre braudélienne car Gruzinski s’intéresse plutôt aux connexions, aux interactions ponctuelles à longue distance, aux influences croisées et aux métissages.
La première partie de l’ouvrage raconte le « décentrement du monde », désenclavement des hommes et de leurs créations qui atteint les provinces les plus éloignées de l’Empire catholique. Un des exemples les plus intéressants est l’effort systématique de collecte des savoirs locaux : dès les premières décennies de la colonisation en Amérique latine, dès les premiers séjours en Inde, en Chine ou au Japon, des moines et des hommes d’Église principalement s’engagent dans le recueil de l’histoire et des légendes des sociétés locales, dans le recensement de leurs savoirs et techniques, dans la collecte de leurs langues.4Ainsi se constitue une première élite internationalisée. Ces collecteurs (religieux, militaires ou mercenaires, commerçants, artistes, administrateurs, hommes de loi…) apparaissent comme de précoces « artisans de la mondialisation ». Bientôt ils sont rejoints dans leurs travaux de collecte par des métis et par des artisans locaux. Ainsi se mettent en place des métissages dans la langue, les arts, les techniques…, comme l’illustre par exemple l’influence de la peinture occidentale sur l’art des miniaturistes indiens et des peintres japonais.
Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur dépeint le revers de cette expérience, en opposant la mondialisation, qui va de pair avec l’acculturation réciproque, à la globalisation, qui selon lui est unilatérale et relève de la domination ou de l’hégémonie (hégémonie de l’Europe sur le monde, en l’occurrence). Il montre que dans ces échanges et ces métissages, il y a toujours une domination du modèle européen. Le métissage apparaît en fait plutôt comme une occidentalisation28.
Dans L’Aigle et le Dragon. Démesure européenne et mondialisation au XVIe siècle (2012)29, Serge Gruzinski invite à « une lecture globale des visites ibériques » dans le monde du XVIe siècle. Il y explore la mondialisation hispano-lusitanienne. L’enjeu est de ne pas se laisser enfermer dans le carcan rétrospectif du grand récit de l’expansion européenne. Il s’agit, comme le dit Gruzinski lui-même, de « rebrancher les câbles que les historiographies nationales ont arrachés ». Il compare la conquête du Mexique par les Espagnols et la conquête de la Chine par les Portugais, deux événements qui se situent à quelques années seulement d’intervalle. Gruzinski montre, par son étude d’histoire connectée, comment « dans le même siècle, les Ibériques ratent la Chine et réussissent l’Amérique »30.
Ainsi, l’histoire connectée offre un apport considérable, en ce qu’elle amène à faire peser d’un poids égal les sources de différentes origines (par exemple dans l’étude d’une situation de contact entre deux peuples) et parce qu’elle rétablit la continuité des phénomènes, au-delà de la barrière souvent artificielle des frontières étatiques. Les travaux en histoire connectée publiés ces dernières années par des chercheurs comme Romain Bertrand ou Sanjay Subramanyam emportent la conviction. On peut ajouter à ces chercheurs qui s’intéressent à l’histoire du monde au fil des siècles et aux contacts, interactions entre cultures qui s’y sont déployés, les travaux de Patrick Boucheron : avec Histoire du monde au XVe siècle et Pour une histoire-monde, il va dans le même sens31.
Michael Werner, pionnier de l’histoire des transferts culturels, a également développé le concept d’histoire croisée, notamment avec son article rédigé avec Bénédicte Zimmermann : « Penser l’histoire croisée » (2003). Il y explique en quoi consiste cette manière de faire de l’histoire : « l’histoire croisée appartient à la famille des démarches « relationnelles » qui, à l’instar de la comparaison, des études de transfert et, plus récemment, de la Connected et de la Shared history, interrogent des liens, matérialisés dans la sphère sociale ou simplement projetés, entre différentes formations historiquement constituées. À ce titre, elle reprend, à nouveaux frais, les discussions menées, au cours des dernières années, sur la comparaison, les transferts et, plus généralement, les interactions socioculturelles. Elle offre en particulier des pistes nouvelles pour sortir de l’impasse des débats entre comparatistes et spécialistes des transferts, sans pour autant minorer les apports de ces deux approches sur lesquelles elle s’appuie largement »32.
Il donne des exemples de recherches en histoire croisée : l’accent peut porter sur la dimension historique constitutive des éléments croisés et sur l’histoire du croisement lui-même, comme dans la recherche menée par Sebastian Conrad sur la constitution de l’histoire japonaise à la confluence entre tradition locale et importation d’une historiographie nationale européenne33. L’enquête vise alors les moments et les phénomènes en amont du croisement, de même que les modalités de ce dernier. Mais il est également possible de s’intéresser à ce qui se passe en aval, aux produits et aux processus que le croisement génère plus ou moins directement. C’est le cas d’une étude réalisée par Kapil Raj sur les effets du croisement entre méthodes indiennes et anglaises dans la naissance d’une cartographie britannique au début du XIXe siècle34. « Celle-ci n’apparaît plus alors comme une réalisation authentiquement “anglaise”, mais comme le résultat d’un va-et-vient entre deux traditions distinctes qui se sont fécondées ». De la même manière, Christine Lebeau montre dans ses recherches sur la figure de l’administrateur au XVIIIe siècle, comment les savoirs administratifs se sont constitués de manière croisée par la circulation, à travers toute l’Europe, de mémoires et de documents de provenances diverses, conservés dans les papiers privés des gestionnaires des finances publiques de l’époque35. Enfin, « une étude de la réception de la Germanie de Tacite en Europe entre le XVe et le XXe siècle peut révéler des phénomènes de croisements historiques – la circulation des arguments et leur réinterprétation selon des contextes nationaux –, mais elle peut aussi mettre l’accent sur la nécessité de croiser différentes réceptions nationales pour constituer une problématique de recherche de dimension européenne »36.
Quant à l’expression de Shared history (« histoire partagée »), elle a été, au départ, utilisée pour l’histoire partagée de groupes ethniques différents et a ensuite été étendue à l’histoire des genres, avant d’être mobilisée dans la discussion sur les Post-Colonial studies37.
Ainsi, toutes ces approches : l’histoire transnationale, l’histoire des transferts culturels, l’histoire connectée, l’histoire croisée, partagée, se rattachent au spectre de l’histoire globale. Elles sont intéressantes par les innovations méthodologiques et épistémologiques qu’elles apportent ; allant plus loin que le simple comparatisme, elles ouvrent des champs fertiles pour de nouvelles recherches, fondées sur l’analyse des déplacements d’acteurs, d’idées, etc., au-delà des frontières et sur une prise en compte équilibrée des sources pour les saisir.
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1. Akira Iriye, « Réflexions… », article cité.
2. Pierre-Yves Saunier, « Transnational », article dans Pierre-Yves Saunier et Akira Iriye (dir.), Palgrave Dictionary of Transnational History, Londres, Palgrave Macmillan, 2009.
3. Cf. Chloé Maurel, « OIT et responsabilité sociale des entreprises transnationales depuis les années 1970 », in L’Organisation mondiale du travail. Origine. Développement. Avenir, sous la direction d’Isabelle Lespinet-Moret et de Vincent Viet, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, p. 179-192.
4. Akira Iriye, « Réflexions… », article cité.
5. William McNeill, Plagues and Peoples, Anchor Books, 1998, première édition 1976 ; Alfred Crosby, America’s Forgotten Pandemic: The Influenza of 1918, Cambridge University Press, 1989, 2003, initialement publié sous le titre Epidemic and Peace, 1918, Greenwood Press, 1976 ; Kenneth Pomeranz et Steven Topik, The World That Trade Created: Society, Culture, and the World Economy, 1400 to the Present, Armonk and London, Sharpe, 1999 ; Vaclav Smil, Energy in World History. Global Perspectives and Uncertainties, Cambridge, MIT Press, 2003 ; William McNeill, Keeping together in time. Dance and Drill in the human history, Harvard University Press, 1995 ; Johan Goudsblom, Fire and Civilization, London, Penguin Press, 1992 ; Raymond Grew, Food in Global History, Boulder, Westview Press, 1999 ; Wang Gungwu (dir.), Global History and Migrations, Westview Press, 1996 ; Linda Basch, Nina Glick Schiller, Cristina Szanton-Blanc, Towards a Transnational Perspective on Migration: Race, Class, Ethnicity and Nationalism, New York, New York Academy of Sciences, 1992.
6. Akira Iriye et Pierre-Yves Saunier (dir.), The Palgrave Dictionary…, op. cit.
7. Capucine Boidin, « L’Horizon anthropologique des transferts culturels », Revue Germanique internationale, n°21, janvier 2004.
8. Béatrice Joyeux-Prunel, « “Les transferts culturels” Un discours de la méthode », Hypothèses, 2002/1, p. 149-162.
9. Cf. l’article-manifeste de Michel Espagne et Michael Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France : genèse et histoire (1750-1914) », Annales ESC, n°4, juillet-août 1987, p. 969-992. Repris dans M. Espagne et M. Werner (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIIe-XIXe siècles), Paris, Éditions Recherches sur les civilisations, 1988.
10. M. Espagne et M. Werner, Transferts, op. cit., p. 5.
11. Michel Espagne, « La fonction de la traduction dans les transferts culturels franco-allemands au XVIIIe et au XIXe siècle », Revue d’histoire littéraire de la France, 1997/3 (n° 97), p. 413-427.
12. M. Espagne, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, PUF, 1999, p. 286.
13. Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française, Paris, PUF, 1959, sur le poids de l’exemple allemand dans la réflexion politique française au XIXe siècle.
14. Michael Harbsmeier, « Le monde renversé, quelques expériences chinoises de la modernité européenne au XIXe siècle », Revue Germanique internationale, n°21, 2004, p. 163-180.
15. Carmen Bernand, « Les incas sont-ils un peuple bon à penser ? Moïse, Platon, Rome et l’exotique apprivoisé », Revue Germanique internationale, n°21, 2004, p. 105-120.
16. Comme l’a fait par exemple Sanjay Subrahmanyam pour l’histoire moderne, avec Merchant Networks in the Early Modern World, Aldershot, Variorum Books, 1996, contribution à la série « An Expanding World ».
17. Sanjay Subrahmanyam, « Connected histories: notes towards a reconfiguration of early modern Eurasia », in Victor Lieberman (dir.), Beyond Binary Histories. Re-Imagining Eurasia to c. 1830, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1999, p. 289-316.
18. Cf. Caroline Douki, Philippe Minard, « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? Introduction », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2007/5, n°54-5, p. 19-20.
19. Sanjay Subrahmanyam, Merchant Networks in the Early Modern World, Aldershot, Variorum, 1996.
20. Subrahmanyam Sanjay, « Du Tage au Gange au XVIe siècle : une conjoncture millénariste à l’échelle eurasiatique », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2001/1 56e année, p. 51-84.
21. Sanjay Subramanyam, Vasco de Gama : Légende et tribulations du vice-roi des Indes, Paris, Alma Éditeur, collection « Essai Histoire », 2012.
22. Sanjay Subramanyam, Comment être un étranger, Paris, Alma Éditeur, collection « Essai Histoire », 2013.
23. Romain Bertrand, « Rencontres impériales. L’histoire connectée et les relations euro-asiatiques », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 54, n°4-bis, dossier « Histoires globales », 2007, p. 55-75.
24. Romain Bertrand, L’Histoire à parts égales, Paris, Seuil, 2011.
25. Philippe Minard, « Pour l’histoire connectée », La vie des idées, 4 avril 2012 (recension du livre de Romain Bertrand).
26. Serge Gruzinski, « Les mondes mêlés de la monarchie catholique et autres “connected histories” », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2001/1 56e année, p. 85-117.
27. Serge Gruzinski, Les quatre parties du monde : histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière, 2004.
28. Compte rendu du livre Les quatre parties du monde par Jérôme Sgard, Critique internationale, 2005/1, n° 26, p. 166-170.
29. Serge Gruzinski, L’Aigle et le Dragon. Démesure européenne et mondialisation au XVIe siècle, Paris, Fayard, 2012.
30. Laurent Testot, « Histoires parallèles : la guerre de Chine n’a pas eu lieu », Blog Histoire globale, 19 janvier 2012 (recension du livre L’Aigle et le dragon).
31. Patrick Boucheron, Histoire du monde au XVe siècle, Paris, Fayard, 2009, et Pour une histoire-monde, Paris, PUF, 2013.
32. Werner Michael et Zimmermann Bénédicte, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/1 58e année, p. 7-36. Cf. aussi Bénédicte Zimmermann, Claude Didry et Peter Wagner (dir.), Histoire croisée de la France et de l’Allemagne, Paris, Édition de la Maison des Sciences de l’Homme, 1999 ; et Bénédicte Zimmermann et Michael Werner (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Seuil, collection « Le genre humain », 2004.
33. Sebastian Conrad, « La constitution de l’histoire japonaise. Histoire comparée, histoire des transferts et interactions transnationales », in M. Werner et B. Zimmermann (dir.), Histoire croisée…, op. cit.
34. Kapil Raj, « Histoire européenne ou histoire transcontinentale ? Les débuts de la cartographie britannique extensive, XVIIIe-XIXe siècles », in ibid.
35. Christine Lebeau, « Éloge de l’homme imaginaire : la construction de la figure de l’administrateur au XVIIIe siècle », in ibid.
36. Michael Werner, article cité.
37. cf. Ann Laura Stoler et Frederick Cooper, « Between Metropole and Colony. Rethinking a Research Agenda », in id. (dir.), Tensions of Empire. Colonial Cultures in a Bourgeois World, Berkeley, University of California Press, 1997, p. 1-56, ainsi que Stuart Hall, « When was the Post-Colonial? Thinking at the Limit », in I. Chambers et L. Curti (dir.), The Post-Colonial Question. Common Skies, Divided Horizons, Londres, Routledge, 1996, p. 242-260. Pour le concept de Entangled history, voir Sebastian Conrad et Shalini Randeria (dir.), Jenseits des Eurozentrismus. Postkoloniale Perspektiven in den Geschichts und Kulturwissenschaften, Francfort, Campus, 2002.