PREMIÈRE PARTIE

Historique de l’histoire globale

L’histoire globale, qu’on considère souvent comme une innovation apparue récemment aux États-Unis, a en fait une longue histoire. Elle puise ses racines dans l’Antiquité : en effet, aux origines de l’histoire globale, il y a l’histoire comparée, et celle-ci a été pratiquée, sans encore être théorisée comme telle, par Hérodote et d’autres historiens de l’Antiquité. L’histoire comparée a connu une évolution au cours des siècles mais s’est surtout véritablement développée au xxe siècle. L’histoire globale puise aussi ses racines dans le courant de l’histoire universelle, qui lui aussi remonte à l’Antiquité.

Mais c’est effectivement à partir du milieu du xxe siècle qu’est véritablement apparue l’histoire mondiale, dans le climat universaliste de l’après-guerre. Ce courant se caractérise alors par une conception pacifiste. Si c’est surtout aux États-Unis que l’histoire mondiale s’est développée alors, il est important de noter qu’elle a eu des précurseurs français, tel Fernand Braudel. Les pères fondateurs américains de l’histoire mondiale, au rang desquels figurent William McNeill et Immanuel Wallerstein, peuvent être regroupés en trois générations successives. Depuis les années 1980, l’histoire mondiale a connu un formidable essor aux États-Unis, se traduisant par la parution de nombreux ouvrages.

Si le terme de world history a dominé dans les débuts, peu à peu l’appellation, proche, mais distincte, de global history, a gagné du terrain. Le terme « global » met l’accent sur l’accroissement des phénomènes d’interdépendance et des processus d’intégration à l’échelle de la planète. Ainsi, plus encore que l’histoire mondiale, l’histoire globale tend à être pensée dans le cadre du phénomène de la mondialisation.

L’histoire globale se caractérise en outre par une forte aspiration interdisciplinaire, ce qui a donné lieu à des travaux novateurs, mêlant les compétences de l’historien à celle de l’archéologue, du biologiste, du géographe, etc., à l’image des travaux de Jared Diamond sur le rôle des facteurs biologiques dans l’évolution des civilisations. De plus, l’histoire globale permet de décentrer le regard vers des régions du monde souvent négligées par l’historien classique, et donne lieu à des innovations méthodologiques, comme l’illustre le jeu sur les échelles, le va-et-vient entre local et global qu’elle permet.

Comment a émergé l’histoire mondiale ? Comment est-on passé peu à peu de l’histoire mondiale à l’histoire globale ? Quelles sont les différentes innovations méthodologiques et épistémologiques qu’offre ce courant ? Comment l’histoire globale met-elle à contribution les différentes disciplines, de l’anthropologie à l’économie ? Quelles sont les différentes facettes de ce courant multiforme, qui utilise les apports des cultural, postcolonial et subaltern studies, et qui se décompose en plusieurs courants voisins : histoire transnationale, connectée, croisée, partagée… ?

Un panorama historique méthodique de l’histoire mondiale/globale permettra de répondre à ces questions.