Annexe 1

Garde à vue de Nicolas Sarkozy le 1er juillet 2014

Voici l’intégralité des déclarations de Nicolas Sarkozy au cours de ses neuf heures de garde à vue, le 1er juillet 2014, dans les locaux de la police judiciaire, à Nanterre, dans le cadre de l’affaire Azibert, juste avant sa présentation aux juges Simon et Thépaut.

Je veux dire que la mesure de garde à vue retenue contre moi porte atteinte à mes droits pour la raison simple et spécifique qu’elle sera connue de la presse instantanément. Deuxièmement, je ne suis pas un justiciable au-dessus des autres, je dois répondre aux questions qu’on va me poser. Je ne me suis jamais soustrait à mes obligations. Quand Mme Dufau m’a téléphoné pour fixer la date et l’heure, j’ai répondu oui sans discuter ou demander quoi que ce soit. Quand M. Gentil a voulu m’interroger dans l’affaire Bettencourt, j’ai eu droit à vingt-deux heures d’interrogatoire. Me mettre en garde à vue correspond à la volonté de m’humilier publiquement. Mais je ne suis pas un justiciable en dessous des autres. J’ai le droit à une justice impartiale. Je demande que soient annexés à la procédure les deux documents suivants : Le premier est une lettre à en-tête du Syndicat de la magistrature qui m’a été adressée le 2 mai 2012 par le président du syndicat Mathieu Bonduelle qui engage son institution. Ce texte du 2 mai 2012 est un tissu d’injures contre moi. Je suis notamment accusé de haïr les juges, de « honnir » la justice, d’avoir affaibli l’autorité judiciaire, et même d’attiser la haine de la justice ! Le texte du Syndicat de la magistrature se termine par un appel en conscience à voter contre moi. Nous sommes à quatre jours de la présidentielle de 2012. Je voudrais joindre un deuxième document qui est un article de Mediapart, six jours plus tard, le 8 mai 2012. Cet article parle d’une magistrate au tribunal de Bobigny qui s’exprime entre guillemets et qui dit « nous [les magistrats de Bobigny] aspirons tous à retrouver du calme, de la sérénité et de la confiance [grâce à l’élection de François Hollande] ». Cette magistrate s’appelle Claire Thépaut. Il est indiqué « juge d’instruction et adhérente du Syndicat de la magistrature ». Interrogée par Mediapart, qui a publié les écoutes entre mon avocat et moi. Mme Thépaut connaît donc Mediapart. Troisième remarque, je me suis il y a quelques jours constitué partie civile dans l’affaire dite du « mur des cons », affaire pour laquelle la présidente du Syndicat de la magistrature a été mise en examen. Je vous rappelle que la cible centrale du « mur des cons », c’est moi, puisque ma tête, sur ce mur dit « des cons », est en quelque sorte la « tête de gondole ». J’émets donc les plus extrêmes réserves sur l’impartialité d’une magistrate qui doit enquêter à charge, certes, mais aussi à décharge sur moi et qui est membre du Syndicat de la magistrature. J’ajoute qu’on me prive de la présence de mon avocat, Me Thierry Herzog, puisqu’il est en garde à vue en même temps que moi. Une atteinte de plus aux droits de la défense.

 

Vous êtes soupçonné d’avoir sollicité l’influence de Gilbert Azibert par l’intermédiaire de Thierry Herzog pour tenter d’influer sur une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation ou, à tout le moins, pour tenter d’obtenir des informations confidentielles. Avez-vous des déclarations spontanées à faire concernant ces faits ?

Je conteste de la façon la plus formelle cette accusation.

 

Quelle est la nature de vos relations avec Me Thierry Herzog ?

Me Thierry Herzog est mon avocat depuis trente ans, peut-être plus. Nous avons prêté serment ensemble en 1981. Nous sommes devenus amis et il a été mon avocat pour tous les dossiers que j’ai eus à traiter. Encore aujourd’hui, il est mon avocat dans le dossier des écoutes Patrick Buisson, où il a plaidé pour moi devant le tribunal et devant la cour d’appel. Il était mon avocat dans l’affaire dite « Bettencourt ». Il est mon avocat dans la constitution de partie civile sur ma plainte en faux et usage de faux contre Mediapart chez le juge Cros. Il est mon avocat dans la constitution de partie civile dans l’affaire du mur des cons. Il a été mon avocat lorsque, président de la République, j’ai été victime de détournement de mes comptes bancaires. Il est mon avocat et mon ami.

 

Quelle est la nature de vos relations avec Gilbert Azibert ?

J’ai entendu parler de Gilbert Azibert sans le connaître à l’époque où il était secrétaire général du ministère de la Justice. J’en ai entendu parler parce que la garde des Sceaux, Rachida Dati, ne souhaitait pas l’avoir comme directeur de cabinet, si mes souvenirs sont exacts. Il est devenu secrétaire général du ministère de la Justice mais je ne l’avais pas rencontré. Je l’ai vu, je ne peux pas vous le garantir mais dans mon souvenir, deux fois, plus une troisième particulière. Je l’ai vu une première fois. Je pense que ce devait être aux alentours du mois de mai 2013, il y avait à ce déjeuner mon directeur de cabinet Michel Gaudin, ma collaboratrice qui anime mes groupes de travail, Véronique Waché, Patrick Ouart et Thierry Herzog. Je me souviens très bien de ce déjeuner puisque c’est là que j’ai décidé que nous aurions un petit groupe qui travaillerait sur les questions d’organisation de la justice. J’ai vingt ou vingt-cinq anciens collaborateurs ou amis qui animent des réseaux d’experts, y compris pour la police à laquelle j’attache un grand prix. Et l’initiative de ce déjeuner était celle de Patrick Ouart qui est ami avec M. Azibert. Le sujet, entre autres, était : à la suite des travaux de la commission Léger, fallait-il ou non créer une Cour constitutionnelle en fusionnant la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel, et dans ce cas-là que faire du Conseil d’État. Deuxième chose, remplacer le juge d’instruction par un juge de l’instruction, et comme j’avais échoué à mettre en place cette réforme, je voulais voir comment on pouvait avoir un juge de l’instruction qui arbitre tous les éléments de l’instruction, et non pas un juge d’instruction qui est une heure à charge et une heure à décharge. Troisième sujet qui me préoccupait, que fait-on du lien entre le parquet et le garde des Sceaux. Ce sont des sujets qui m’intéressent. J’ai d’ailleurs évolué et au final je pense qu’il faudrait rompre ce lien.

Je pense, sans en être certain, que j’ai dû revoir une fois M. Azibert. Je situe cela à l’automne 2013, C’était un rendez-vous assez court et qui m’avait interloqué parce qu’il est venu pour me dire qu’il avait eu des problèmes de santé et qu’il était en retard sur les documents et les papiers sur lesquels il devait travailler pour alimenter ma réflexion sur l’institution judiciaire. Enfin, je l’ai revu une troisième fois. C’était à Bordeaux, au concert de ma femme, où il est venu avec son fils. Je situe cela en décembre. Je me souviens puisqu’à ce concert le maire de Bordeaux est venu avec sa femme dans la loge et Thierry Herzog avait donné mon portable à M. Azibert pour que celui-ci puisse de la salle de concert m’appeler dans la loge de ma femme pour venir avec son fils nous saluer. Je m’en souviens parce que nous étions avec M. Juppé, sa femme, trois amis, M. Azibert et son fils. Nous avons fait des photos avec lui. Voilà en tout et pour tout les contacts que j’ai eus avec M.  zibert. Je pense ne jamais l’avoir eu au téléphone en dehors de l’occasion dont je viens de vous parler.

 

Que savez-vous des fonctions actuellement exercées par Gilbert Azibert ?

Franchement, je sais, comme ancien étudiant en droit, qu’il est un spécialiste de la procédure civile puisque son nom fait référence. Je sais qu’il est avocat général à la Cour de cassation.

 

Une carte à en-tête de votre actuel secrétariat situé rue de Miromesnil a été retrouvée au domicile parisien de Gilbert Azibert. Comment l’expliquez-vous ?

C’est très simple. Le déjeuner dont je vous ai parlé, que je situe aux environs de mai 2013, a eu lieu à mes bureaux rue de Miromesnil. Lorsque je fais un déjeuner de travail, il y a sur la table du papier à en-tête, des cartes et des stylos. C’est la raison pour laquelle il doit avoir cette carte. Je n’ai aucune carte de visite. J’ai du papier à en-tête, ou des fiches cartonnées, mais ce n’est pas une carte de visite au sens strict. Je pense que c’est à cette occasion qu’il a pu obtenir cette carte puisque le second rendez-vous avait eu lieu dans mon bureau.

 

Pouvez-vous nous lister les téléphones que vous avez utilisés et sur quelle période, depuis 2012 ?

J’ai deux téléphones dont je ne connais pas les numéros d’appel par cœur. J’ai un téléphone genre Nokia, que je garde depuis longtemps, et j’ai un iPhone parce que ma femme veut nous envoyer des photos de notre fille. Ces téléphones sont enregistrés à mon nom. J’ai utilisé un troisième téléphone à partir de juillet 2012, qui m’a été fourni par mon avocat, Thierry Herzog. Il craignait, à juste titre d’ailleurs, des écoutes. Et donc dès juillet 2012, il m’a donné ce troisième téléphone par lequel nous avions l’habitude de correspondre pour ce qui concernait les nombreux dossiers en cours et notre stratégie de défense. Il m’a donné le premier en juillet 2012. Par ailleurs, il le changeait quand le compte téléphonique était périmé. Il en prenait un autre. Je n’ai jamais connu l’identité qui était donnée et j’ai appris le nom de Bismuth en lisant la presse.

 

Combien de téléphones différents Me Herzog vous a-t-il remis depuis mai 2012 ?

Je dirais peut-être trois, peut-être quatre.

 

Combien de temps ces téléphones fonctionnaient-ils ?

Je crois qu’il y avait 100 euros de crédit, de cet ordre-là. À ma connaissance, ce n’est pas un délit de recevoir de son avocat un téléphone. Je peux même vous dire que je ne l’ai même pas remboursé.

 

Pourquoi les téléphones étaient-ils remplacés plutôt que de recréditer les cartes ?

Je pense que M. Herzog connaît mon peu d’appétence pour la manipulation technique…

 

Quel était l’objet de votre pourvoi devant la Cour de cassation ?

Remettons en place le contexte. Je suis attrait dans cette affaire Bettencourt, avec une violence judiciaire et médiatique immense, en pleine campagne présidentielle. Voici que j’aurais abusé d’une vieille dame. Au motif que, le 6 février 2007, je serais venu à son domicile, et je l’aurais convaincue de me donner de l’argent. L’accusation repose sur un élément extrêmement ténu. Un maître d’hôtel de Mme Bettencourt m’aurait vu avec une cravate noire, et un autre, six ans après, s’est souvenu que j’aurais porté un col roulé, noir. Sur ces fondements, M. Gentil et ses deux collègues sont convaincus que je ne suis pas venu une fois mais deux fois. Je subis quatre perquisitions, douze heures d’interrogatoires, plus dix heures d’interrogatoires et confrontations. Je suis mis en examen. Je me rends deux fois à Bordeaux. À un moment donné, nous avons engagé une action en nullité devant la chambre de l’instruction qui ne m’a pas donné satisfaction. Et finalement, en septembre 2013, M. Gentil et ses deux collègues me donnent un non-lieu. Il faut deux ans et demi de harcèlement médiatique pour obtenir un non-lieu dont naturellement personne ne parle. Lorsque M. Gentil saisit mes agendas, je défends le principe que ce sont les agendas du président de la République, nous allons devant le juge des libertés, et ce juge dit « M. Gentil, vous conservez les pages sur le rendez-vous de février 2007, le reste, vous les rendez à M. Sarkozy ». Quelques mois après, je découvre l’intégralité de mon agenda dans L’Express et j’apprends que M. Gentil a envoyé mes agendas à un certain nombre de ses collègues, notamment en charge des dossiers Kadhafi, en violation de ce qui avait été prévu devant le juge des libertés. C’est à ce moment-là que je me résous à faire, quelques jours avant mon non-lieu, un pourvoi en cassation, mais cantonné sur la seule question de la séparation des pouvoirs : est-ce qu’on peut saisir l’agenda du président de la République ? Mais l’enjeu pour moi, c’est un enjeu de principe. Dans ma vie quotidienne, dans ma vie de justiciable, cela ne changeait strictement rien. Mon non-lieu n’était pas conditionné aux agendas. Sur l’affaire Bettencourt, cela ne changeait rien. Pour les autres affaires, Kadhafi ou Tapie… Prenez l’affaire Tapie au moment de l’arbitrage, je suis président de la République. Si l’arbitrage est bon, ou s’il n’est pas bon, de toute manière, c’est en tant que président de la République que je dois en rendre compte, donc on ne peut pas m’entendre en tant que justiciable normal. Donc le pourvoi en cassation cantonné sur la question des agendas n’a pour moi dans mon quotidien de justiciable aucune espèce d’importance. Si ce n’est le problème de principe : l’agenda du président de la République est-il privé ou n’est-il pas détachable de la fonction. Mais dans le dossier Tapie, quelle que soit l’issue de la décision de la Cour de cassation, cela ne change rien au fait que j’étais président de la République au moment de l’arbitrage et qu’un président de la République ès qualités ne peut pas rendre compte devant un juge d’instruction. En définitive, la Cour de cassation refuse de se prononcer puisqu’en fait, elle prend un biais en disant au final : « Nicolas Sarkozy a un non-lieu, donc il n’a pas d’intérêt à agir. » Ce qui est juridiquement inexact puisque au moment du pourvoi, je n’avais pas eu mon non-lieu. Or la recevabilité du pourvoi s’apprécie à la date du pourvoi. Or j’ai formé mon pourvoi quelques jours avant mon non-lieu. L’enjeu du pourvoi est pour moi une question de principe, mais extrêmement limité en ce qui concerne ma situation de justiciable.

 

Confirmez-vous que le principal enjeu de ce pourvoi était de ne pas avoir une décision de rejet ?

Je voulais que la Cour de cassation statue. Y a-t-il une séparation des pouvoirs en France ? Des juges d’instruction peuvent-ils juger d’un acte d’un président de la République dans ses fonctions ? Mon souhait était qu’ils reconnaissent que ces agendas n’étaient pas détachables de la fonction. Me Spinosi est mon avocat à la Cour de cassation. Si la Cour de cassation statue, elle ne peut que statuer sur le fait que les agendas du président de la République ne sont pas détachables de la fonction. Donc pour moi, la question ne s’est jamais posée. Donc pour répondre à votre question, je n’ai jamais envisagé que la Cour de cassation réponde « non ».

 

Selon les interceptions téléphoniques réalisées, Thierry Herzog vous a tenu les propos suivants : « Le seul truc pour nous, ce serait le rejet qui serait catastrophique, mais l’irrecevabilité n’a aucune importance entre guillemets. » Cela signifie donc que ce que vous souhaitiez absolument éviter était la reconnaissance de la validité de la saisie des agendas. Toute décision autre (annulation de la saisie ou irrecevabilité du pourvoi) vous était favorable. Confirmez-vous cette analyse ?

Sur le rejet catastrophique, ce ne sont pas mes mots. J’ai une déclaration à faire concernant les interceptions. Je conteste formellement la légalité des interceptions qui ne sont ni plus ni moins qu’un scandale. Je m’explique : ces interceptions, de ce que j’en sais par la presse, sont engagées dans un dossier où je suis partie civile. On désigne deux juges sur le même dossier. Deuxièmement, on décide en septembre 2013 de mettre l’ancien chef d’État sur écoutes, pour des faits présumés de corruption commis en 2007. On pensait que Kadhafi allait me téléphoner ? Ces interceptions ont été prolongées sans qu’il n’y ait aucun élément sur le dossier Kadhafi qui le justifie. On écoute des conversations entre un avocat et son client. Lorsque quelqu’un est en prison et qu’il appelle son avocat, le dispositif d’écoute s’arrête immédiatement. Le secret des conversations entre un avocat et son client est un principe fondamental du droit français. Pendant plusieurs mois, on m’écoute, comme un filet qu’on lance à la mer, espérant me piéger. Or je ne suis pas un trafiquant de drogue, mon casier judiciaire est vierge, je présente toutes les garanties de représentation, et on m’écoute pendant des mois, c’est scandaleux. Je conteste la validité de ces écoutes et donc je ne répondrai à aucune question sur ces écoutes. Concernant votre question : s’agissant de la décision du rejet de la Cour de cassation, je n’y croyais pas. Je n’avais donc pas à la redouter. Concernant la non-recevabilité, elle ne me faisait aucun grief puisqu’elle ne tranchait pas la question au fond. J’aurais tout loisir, à l’occasion d’un autre dossier, de demander à la Cour de cassation de statuer, ce qu’elle serait dans ce cas de figure obligée de faire. Je vous ai ainsi démontré que la décision rendue par la Cour de cassation n’était en aucun cas un enjeu majeur pour moi.

 

Avez-vous pris connaissance du rapport du conseiller-rapporteur communiqué à Me Herzog par Me Spinosi ?

Je ne l’ai pas lu. Me Spinosi me l’a envoyé par fax, ou à mon bureau, mais je ne l’ai pas lu. Mais comme vous le savez, c’est la procédure de la Cour de cassation qui prévoit que tous les avocats partie à la procédure reçoivent ce rapport. Cette information est, à ma connaissance, ouverte sur la pensée fausse que c’est M. Azibert qui fournit ce document à Me Herzog.

 

Combien de documents Me Spinosi a-t-il transmis à MHerzog, ou à vous-même ?

Deux me semble-t-il. Je pense qu’il y avait l’avis du parquet, et, dans mon souvenir, un document assez neutre, qui n’avait pas de conclusion, qui était émis par le rapporteur. Ces informations sont communiquées par Me Spinosi à Me Herzog.

 

Quelle analyse vos conseils ont-ils faite du document assez neutre émis par le conseiller-rapporteur, dont vous venez de nous parler, document réputé d’une neutralité parfaite ?

On m’a dit que c’était la tradition. Je ne devais pas me préoccuper de cela plus que ça. Le rapporteur faisait un rapport neutre, que cela n’avait pas une importance quelconque.

 

Que précisait le conseiller-rapporteur dans ce document transmis par Me Spinosi concernant la recevabilité de votre pourvoi ?

Je ne m’en souviens pas.

 

Que précisait le conseiller-rapporteur dans ce document concernant la validité de la saisie de vos agendas ?

Dans mon souvenir, il ne précisait rien.

 

Avez-vous eu connaissance à un moment quelconque de l’opinion du conseiller-rapporteur s’agissant de la recevabilité de votre pourvoi ?

Je sais que Me Spinosi, comme Thierry Herzog, étaient très optimistes sur la recevabilité de mon pourvoi et donc, sur les chances de l’emporter. Je me souviens que, d’expérience, j’étais plus méfiant. Mais je ne me souviens pas du détail des éléments de la procédure, de ce qu’ils m’ont dit ou pas. Je peux vous parler de l’ambiance. C’est qu’ils étaient tous les deux relativement optimistes.

 

Cet optimisme de vos avocats était-il en lien avec la connaissance de l’opinion du conseiller-rapporteur sur les moyens soulevés par votre pourvoi ?

Il faut leur demander. Je n’en sais rien. Moi j’ai toujours pensé que sur ce dossier, juridiquement, ils ne pouvaient pas me donner tort. Il n’y a pas de vie privée du président de la République, il n’y a donc pas d’agenda privé. Ma petite expérience m’a dit que pour ne pas me donner raison la Cour opterait pour l’irrecevabilité.

 

Avez-vous eu connaissance à un moment quelconque de l’opinion du conseiller-rapporteur s’agissant de la validité de la saisie de vos agendas, notamment par rapport aux dispositions de l’article 67 de la Constitution ?

Non. Je n’ai pas le souvenir d’une certitude que le conseiller-rapporteur était pour ou contre. Je me souviens que l’avocat général était contre cette validité. Ce document émis par l’avocat général est public, sauf à me tromper. Mais j’avais en souvenir de l’action formée concernant la suspicion sur M. Gentil, que je n’avais pas signée, pour qui l’avocat général était favorable à la demande, et pourtant la Cour de cassation n’a pas suivi l’avis de l’avocat général.

 

Avez-vous eu accès, par quelque moyen que ce soit, et à un moment quelconque de la procédure, à l’avis du conseiller-rapporteur qui est censé être couvert par le secret du délibéré ?

Je ne sais pas. Je n’en ai aucun souvenir. Tout ce que je peux vous dire est que j’ai le souvenir que Me Spinosi et Me Herzog étaient optimistes. Je me souviens que l’avocat général nous était favorable. Le reste, je ne me souviens pas. De toute manière je n’y attachais aucune importance pour les raisons que je vous ai déjà indiquées.

 

Quelles démarches, selon les éléments en votre connaissance, Thierry Herzog a-t-il mises en œuvre vis-à-vis de Gilbert Azibert relatives à votre pourvoi dans l’affaire dite Bettencourt ?

Thierry Herzog m’a dit qu’il connaissait bien Gilbert Azibert depuis vingt-cinq, trente ans, qu’il était un grand spécialiste de la procédure. Et qu’il souhaitait recueillir son avis sur les documents rédigés par Me Spinosi. Honnêtement, je trouvais que c’était plutôt une bonne idée que Thierry Herzog s’assure, auprès d’un spécialiste de la procédure, qu’il n’y avait pas d’erreur juridique et que les démarches engagées pour ce pourvoi allaient dans le bon sens.

À votre connaissance, en quels termes Thierry Herzog a-t-il évoqué avec Gilbert Azibert votre pourvoi ? Dans l’affirmative, veuillez préciser ce qui lui a été demandé et à quel moment ?

Je ne sais pas. Il m’avait indiqué qu’ils étaient amis, que Gilbert Azibert était un spécialiste de la procédure, que c’était un homme dont les idées politiques étaient plutôt proches des miennes. Et j’ai trouvé que l’idée de demander à un spécialiste ce qu’il pensait du travail de Me Spinosi était bonne. Concernant la datation, je ne sais plus. J’ai formé le pourvoi fin septembre. Ces discussions doivent remonter à octobre je pense.

 

Lors de la perquisition réalisée au domicile parisien de Gilbert Azibert, l’arrêt no 671 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux du 24 septembre 2013 portant sur le dossier dit « Bettencourt » a été saisi. Selon les premières déclarations de Gilbert Azibert, ce document lui aurait été communiqué par Thierry Herzog. Saviez-vous que votre avocat communiquait des pièces de cette procédure en cours d’instruction à des tiers ?

Non.

 

Pour quelles raisons votre avocat a-t-il communiqué un arrêt de la chambre de l’instruction portant sur une affaire toujours en cours à un tiers ?

Je n’en sais strictement rien. J’imagine qu’il voulait avoir l’analyse juridique de Gilbert Azibert avant que nous ne déposions un pourvoi en cassation. J’imagine que c’est cela, c’est la seule raison que je vois.

 

Thierry Herzog ou Patrice Spinosi [vos avocats], ne disposent-ils pas des connaissances suffisantes pour analyser cet arrêt sans qu’il soit nécessaire de demander des avis à des magistrats de la 2e chambre civile de la Cour de cassation ?

À l’évidence Me Spinosi en dispose. Me Herzog n’est pas avocat à la Cour de cassation. Que Thierry Herzog souhaite, auprès d’un de ses amis, avoir un conseil juridique sur une matière juridique qu’il ne maîtrise pas, je trouve cela plutôt rassurant pour un avocat de faire cela. Cela ne veut pas dire que je ne faisais pas confiance en Me Spinosi. Et M. Azibert est un spécialiste.

 

Avez-vous directement recueilli l’avis de Gilbert Azibert sur ce dossier, dans l’affirmative, dans quelles circonstances ?

Jamais.

 

Avez-vous eu connaissance de démarches de Gilbert Azibert auprès de membres de la Cour de cassation, démarches en lien avec votre pourvoi ?

Je pense, en tout cas dans mon souvenir, que Thierry Herzog a fait état d’informations d’ambiance qu’aurait recueillies M. Azibert incitant à l’optimisme pour notre pourvoi. Je pense que Thierry Herzog a dû me le dire. Pour vous dire la chose, je n’y attachais qu’une importance très relative, instruit que j’étais de toutes les informations optimistes qui m’avaient été données tout au long des précédentes procédures et qui s’étaient toujours terminées de façon négative. Mon avocat m’a souvent dit « tu verras, on va gagner ». J’ai très souvent été déçu, sauf pour le non-lieu bien évidemment. En fait, dans ce cas précis, ce n’était pas une décision d’un magistrat devant trancher sur celle d’un autre magistrat. Car il est toujours difficile lorsque des magistrats doivent statuer sur une décision prise par un autre magistrat de les faire désavouer leur collègue. Pour mon non-lieu, c’était une décision en conscience des trois magistrats. Mais pour en revenir à votre question, Thierry Herzog m’a vraisemblablement informé de ces informations d’ambiance, mais je ne m’y intéressais pas réellement, j’ignorais l’origine de ces informations.

 

Il y a un certain nombre de conversations entre Thierry Herzog et vous dans lesquelles il vous rend compte de démarches faites par Gilbert Azibert auprès de magistrats de la Cour de cassation et dont on peut déduire qu’il a discuté avec eux pour les influencer. Qu’avez-vous su de ces démarches ?

Je ne crois pas une minute à cette thèse. Je connais trop l’indépendance des magistrats vis-à-vis de leurs propres collègues. Influencer qui ? Les magistrats de la chambre criminelle ? Tout le monde sait qu’ils sont dix. Il va influencer dix magistrats de la chambre criminelle ? Pour un enjeu aussi médiocre ? À la chambre criminelle, les seules influences concernant mon affaire sont venues des magistrats de la Cour de cassation qui siègent également à la Cour de justice de la République, qui souhaitaient que la saisie de mes agendas ne soit pas annulée. Les seules influences politiques qu’il y ait eu, ce sont celles-ci. La presse s’en était même fait l’écho. Je trouve même incroyable, pour tout dire, en termes de droit, qu’un magistrat ayant eu à connaître de mes agendas dans le cadre de ses fonctions au sein de la Cour de justice de la République, c’est-à-dire qu’il les a acceptés à l’examen de la Cour de justice de la République, puisse délibérer en tant que membre de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Pour le moins, il aurait dû se déporter. On ne peut pas être juge et partie. Voilà les seules influences qui ont existé. Pour le reste, je ne sais rien des démarches qu’aurait engagées M. Azibert. Je vais vous dire trois choses : La première, c’est que je doute qu’il les ait faites. Mon expérience de la vie et des hommes montre qu’il y a souvent un réel décalage entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. Deuxième chose que j’ai à vous dire, c’est qu’à aucun moment je n’ai demandé à M. Azibert d’avoir une quelconque démarche d’influence auprès de qui que ce soit. Troisième chose, je vous demande de réfléchir à qui je suis et à ce qu’a été ma carrière. Si j’avais besoin d’informations ou d’influence, ferais-je appel à M. Azibert, qui est du parquet civil, alors que je suis devant le siège pénal ? Croyez-vous que je ne pouvais pas téléphoner au premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, que je connais depuis vingt-cinq ans, alors qu’il était premier président de la cour d’appel de Versailles et que j’étais maire de Neuilly ? Croyez-vous que je n’aurais pas pu téléphoner à M. Marin, procureur général près la Cour de cassation, que j’ai nommé ? Je n’avais nul besoin de l’influence de M. Azibert qui, en l’occurrence, n’en avait pas, comme l’a démontré le résultat final. Dois-je me réjouir pour ma défense d’avoir perdu devant la Cour de cassation ? Vous voyez bien que la thèse que vous me présentez ne répond à aucune logique, et au fond, est une insulte à mon intelligence. Par ailleurs, je respecte trop l’institution Cour de cassation, M. Lamanda et M. Marin pour avoir fait la moindre démarche auprès d’eux. Alors reste une question. Pourquoi aurais-je utilisé l’influence présumée d’un homme que j’ai vu trois fois dans ma vie alors que je n’ai pas utilisé mes relations auprès d’hommes que je connais depuis des années et qui sont au sommet de l’institution ? Me croit-on stupide à ce point ? M’imagine-t-on si maladroit ? Je vais donc aller chercher un conseiller à la Cour de cassation, qui part à la retraite, que j’ai vu trois fois, alors que je m’interdis d’appeler les plus hautes autorités de la Cour de cassation avec qui j’ai un lien personnel. Est-ce que cela ne vous frappe pas ?

 

Nous vous donnons connaissance de cette retranscription (communication no 77 du 10 février 2014 à 08 h 58). Pourquoi Gilbert Azibert évoque-t-il avec Thierry Herzog les rencontres qu’il peut avoir avec des conseillers qui siègent dans la formation examinant votre pourvoi ?

Je ne crois absolument pas que Gilbert Azibert ait fait des démarches. Thierry Herzog veut, à la veille de l’audience, me rassurer sur l’ambiance à la Cour de cassation. Il me dit que tout va bien, alors que ce n’est pas vrai. Si ces démarches étaient avérées, pourquoi sont-elles révélées à ce point inexactes ? La meilleure façon de vous démontrer que ces démarches n’ont pas été réalisées, c’est que tout sera démenti. Thierry Herzog me dit que tout allait bien. Mon avocat a voulu me rassurer, me faire plaisir. Je ne sais pas ce que Gilbert Azibert a dit à Thierry Herzog. Les propos rassurants que me tenait Thierry Herzog à la mi-février seront démentis à la mi-mars.

 

Pourquoi n’intervenez-vous pas auprès de Thierry Herzog pour que Gilbert Azibert cesse ces « démarches » rapportées par votre avocat ?

Je ne veux pas me justifier sur des écoutes entre moi et mon avocat. Mais je ne suis pas en contact avec M. Azibert. Mon avocat essaye de me rassurer en me disant que tout va bien. Comme il n’a aucun contact lui-même à la Cour de cassation, et qu’il a son ami Azibert qui lui dit que tout va bien, alors qu’entre parenthèses tout va mal. Mais que voulez-vous que je fasse ? Je ne sais pas qui il voit. Je ne vous souhaite pas de procès, mais quand vous avez un procès, vous souhaitez le gagner ou tout au moins avoir les informations d’ambiance sur l’évolution de l’affaire qui vous concerne.

 

Il apparaît selon cette conversation que Gilbert Azibert irait au contact d’un conseiller qui siège dans la formation qui examine votre pourvoi. Pourquoi vous n’empêchez pas de telles démarches ?

Tout ceci m’apparaît parfaitement fumeux. Je rappelle qu’il s’agit d’une conversation entre un avocat et son client et je vois surtout dans cette conversation la volonté de Thierry Herzog de me donner des bonnes nouvelles et en aucun cas la description d’une démarche précise d’influence sur qui que ce soit.

 

Le soir de l’audience, vous appelez Patrice Spinosi. Vous rappelez-vous de cet échange ?

Non.

 

Suite à la communication avec Me Spinosi, vous rappelez Thierry Herzog pour l’informer d’un élément « intéressant » que vous venez d’apprendre : le délibéré se fait dans la continuité. Sur la base de cette information, vous indiquez qu’il serait opportun, à la lumière de cet élément, d’appeler Gilbert. Pour quelle raison est-il si intéressant que cela d’appeler Gilbert alors que le délibéré était en cours ?

Je n’ai aucun souvenir de cela. Je voulais qu’il appelle Gilbert pour avoir les impressions d’audience. Mon avocat me dit que ça s’est très bien passé. Ils délibèrent dans la foulée, c’est qu’ils y attachent une certaine importance. Je demande donc à Thierry Herzog de contacter Gilbert pour connaître ses impressions de l’audience. Je vous en apporte la preuve. Me Spinosi me dit que ça s’est très bien passé. Je l’ai félicité de sa prestation. Il m’indique que le délibéré est dans la continuité. Comment voulez-vous qu’une personne extérieure puisse influencer un délibéré qui est dans la continuité, c’est-à-dire qui est en train de se dérouler. Toute influence était absolument impossible dans ces conditions.

 

Techniquement, le délibéré débute à l’issue de l’audience et se termine le jour du rendu de l’arrêt. La décision est prise durant ce temps qui pour votre dossier a duré du 11 février au 11 mars. De plus, il semblerait que le débat entre les magistrats examinant le dossier Bettencourt ait été prolongé jusqu’au lendemain. Il était donc possible pour Gilbert Azibert d’entrer en contact avec des magistrats traitant de votre pourvoi. Qu’en pensez-vous ?

Franchement, je n’en sais rien, je ne lui ai rien demandé, il ne m’a rien dit, et pour moi, cela me paraît tout à fait invraisemblable qu’on puisse influencer l’avis de dix magistrats siégeant ensemble. Cela n’a aucun sens, surtout sur une question de principe qui, encore une fois, n’avait aucun impact sur ma situation de justiciable.

 

Dans la continuité de la conversation précédente, Thierry Herzog vous informe qu’il a fini par avoir Gilbert et que ce dernier « ira à la chasse demain ». Que signifie « aller à la chasse » dans ce contexte ?

À l’évidence, c’est la chasse aux informations et cela fait référence aux impressions d’audience.

 

Dans cette même conversation, Thierry Herzog rapporte les propos de Gilbert qui en aurait « un troisième » qu’il devait voir le lendemain, « pour savoir, avant qu’ils délibèrent ». Gilbert devait voir un troisième quoi ? Avant quel délibéré si ce n’est celui de la Cour de cassation qui occupait chacune des conversations interceptées sur les lignes Bismuth ?

Vous me posez les mêmes questions. Je ferai donc les mêmes réponses en ajoutant que c’est un viol du secret des conversations entre un avocat et son client.

 

Dans la conversation, en réponse à la question d’avoir des nouvelles sur la Cour de cassation, Thierry Herzog répond : « Non non, mais euh… Je pense que dès que Gilbert aura quelque chose, il me… il me rappelle. » Comment Gilbert pourrait communiquer légalement des informations sur l’état du pourvoi le 1er février alors que le délibéré doit être rendu le 11 mars ?

Je n’ai aucune idée. Mais là encore ce sont des informations d’ambiance. Dans tous les palais, dans toutes les cours, il y a une ambiance, un contexte. Le fond de ma conviction, c’est qu’en vérité M. Azibert n’avait que très peu d’informations. D’ailleurs ma conviction s’en trouve confortée par l’écart violent entre les propos optimistes qu’il tenait à mon avocat et ce que fut la décision de la Cour.

 

Le 22 février 2014, vous demandez encore des nouvelles de la cassation à Thierry Herzog qui répond une nouvelle fois par la négative, justifiant cela par l’absence de Gilbert. Comment expliquez-vous systématiquement ramener toutes vos interrogations relatives à ce pourvoi à Gilbert Azibert ?

Pas du tout. Les retranscriptions que vous faites se rapportent à cela, mais vous avez sélectionné tout ce qui concerne Gilbert Azibert, cela donne le sentiment que je suis focalisé là-dessus, mais si vous reprenez toutes les conversations, vous vous rendrez compte que nous avions bien d’autres conversations avec Thierry Herzog, M. Azibert n’étant qu’une infime partie de nos échanges.

 

Dans cette conversation du 22 février 2014 (no 130), Thierry Herzog vous précise que Gilbert Azibert a vu « un autre conseiller qu’il n’avait pas vu avant ». Pourquoi Gilbert Azibert se vante-t-il auprès de Thierry Herzog d’avoir contacté tous ces magistrats ?

Demandez-lui.

 

Pourquoi et comment vous êtes-vous procuré la puce correspondant au 07 77… enregistrée au nom de Paul Bismuth ?

Je vous confirme les déclarations précédentes à ce sujet.

 

L’utilisation de cette ligne téléphonique était-elle liée au fait que vos lignes officielles étaient sous surveillance ?

Non. Nous avions recours au téléphone dédié à MHerzog depuis juillet 2012.

 

Quand avez-vous eu connaissance que vos lignes officielles étaient sous surveillance ?

J’en ai eu connaissance au moment où Mme Taubira a menti en brandissant un document qui était celui du rapport fait par le procureur général sur le contenu des écoutes dites « Sarkozy ». Avant, je n’avais que des bruits. Lorsque… je crois que c’est en décembre 2013 que les écoutes Hortefeux ont été publiées dans Le Monde. À ce moment-là, je n’avais pas besoin d’être grand clerc pour me douter qu’il y avait des écoutes. Et toute la presse, y compris MM. Davet et Lhomme, si bien informés, disait à mon avocat que je faisais l’objet d’écoutes.

 

Le téléphone au nom de Paul Bismuth que vous utilisiez pour communiquer avec Thierry Herzog vous servait-il à contacter d’autres interlocuteurs ?

Quasiment jamais.

 

Quasiment jamais, cela signifie donc qu’il ne s’agissait pas d’une ligne exclusivement dédiée aux conversations entre vous et votre avocat ?

À ma connaissance, elle est exclusivement dédiée. À 99 %, ou peut-être 100 %.

 

L’analyse des fadets de votre ligne fait apparaître des communications avec d’autres interlocuteurs que Me Herzog. Le confirmez-vous ?

Cette ligne me servait essentiellement à contacter Me Herzog.

 

Quand avez-vous cessé d’utiliser le téléphone au nom de Paul Bismuth ?

Au moment où il y a eu la perquisition chez Me Herzog puisque son téléphone a été saisi.

 

Quand avez-vous eu connaissance que votre ligne Bismuth était sous surveillance ?

Quand il y a eu la perquisition chez Herzog. Comment aurais-je pu le savoir ?

 

Pourquoi tenez-vous des conversations sur les lignes Bismuth pour préparer les conversations que vous avez sur la ligne officielle ?

Parce que je me doute qu’on est écoutés sur la ligne officielle.

 

Quelqu’un vous a-t-il informé des écoutes judiciaires de vos téléphones ?

Non, personne. Le bruit qui circulait était que j’étais sur écoute, et depuis longtemps. Ce bruit circulait dans les rédactions.

 

Concernant la connaissance de l’écoute de votre ligne Bismuth, très étrangement, dans les heures qui suivent le retour de Thierry Herzog de son voyage précipité à Monaco, le 26 février au matin, vous évoquez Gilbert Azibert avec lui, pour la première fois sur votre ligne officielle que vous savez sur écoute de longue date. Comment expliquez-vous avoir évoqué ce jour-là un sujet que vous aviez pris soin de n’évoquer que sur les lignes Bismuth jusque-là ?

C’est très simple. Connaissez-vous la maîtrise qu’il faut lorsqu’on apprend qu’on est écouté depuis neuf mois ? La vigilance n’est pas la même. Il y a un moment où on se relâche… Si j’avais su que Bismuth était écouté, vous pensez que je ne l’aurais pas su avant ? Si j’avais eu un informateur, il n’aurait certainement pas attendu un mois pour m’informer. Donc je n’ai eu aucun informateur et par ailleurs, prononcer le nom de M. Azibert ne m’apparaissait pas constitutif d’un délit, quel qu’il fût.

 

Cette première évocation de Gilbert Azibert sur votre ligne officielle n’a-t-elle pas de lien avec la visite monégasque impromptue que vous rend votre avocat dans la nuit du 25 au 26 février ?

En aucun cas. Dans la nuit ? C’est absurde, c’était en fin d’après-midi. Et ensuite, nous avons dîné ensemble avec ma femme et lui. À mon souvenir, il doit arriver vers 17-18 heures et il est reparti chez lui à Nice à 22 heures, après qu’il ait dîné avec nous. Où est la nuit ?

 

Quelle était la raison de ce voyage précipité à Monaco pour Me Herzog ?

C’est très simple. Même si je n’ai pas à me justifier de quand je vois mon avocat, à moins que ce soit un délit de voir son avocat. Serais-je le seul justiciable à ne pas pouvoir voir son avocat, où et quand je veux ? Mais je vais malgré tout vous répondre. Ce jour-là Thierry Herzog m’a dit avoir déjeuné avec un journaliste d’un hebdomadaire, Le Point me semble-t-il. Ce journaliste lui a annoncé que les « écoutes Buisson » allaient sortir et que dans ces écoutes, certaines concernaient des enregistrements privés de mon épouse. Mon avocat souhaitait donc nous voir, mon épouse et moi, pour décider de ce que nous devrions faire si ces écoutes étaient publiées. Son avis était clair, il souhaitait attaquer juridiquement Patrick Buisson. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait dans les jours qui ont suivi. Cette discussion devait avoir lieu avec ma femme et moi, et nécessitait que nous en discutions. Cette discussion était d’autant moins un problème que, comme vous le savez, Thierry Herzog habite Nice, et qu’entre Nice et Monaco, en février, il y a à peine un quart d’heure de voiture. Donc il est venu. Nous avons parlé de l’action judiciaire à engager, nous avons eu l’accord de ma femme, il a dîné avec nous et il a regagné son domicile de Nice. Je précise que ce voyage à Monaco n’avait rien d’impromptu pour moi puisqu’il avait fait l’objet d’une réservation pour une thalassothérapie à l’hôtel de Paris durant huit jours pour ma femme, ma fille et moi, un mois auparavant.

 

Cela correspond à la date de l’ouverture de la présente information. N’y a-t-il là qu’une coïncidence ?

Comment voulez-vous que je sache qu’une information judiciaire est ouverte ? Si j’en crois les informations que vous venez de me donner, la décision d’ouverture d’une information judiciaire me concernant a été prise le 25 dans la matinée mais n’a été formalisée que le 26. Comment voulez-vous que mon avocat qui a pris son billet pour venir me rejoindre à Monaco en fin de matinée le 25 ait pu être informé en quelque sorte en direct de la décision de principe de l’ouverture d’une information judiciaire contre X. C’est absurde. Personne de sensé ne peut croire une seconde que le cabinet du garde des Sceaux, le cabinet du ministre de l’Intérieur, que le parquet financier aient pu avoir la moindre fuite à l’endroit de mon avocat. Non pas le jour même, mais la veille de l’ouverture formelle de cette information ! J’affirme que ni mon avocat ni moi n’étions au courant de cette ouverture. J’affirme qu’il n’est pas venu à Monaco pour me parler de cela mais bien pour me parler de ma stratégie de défense s’agissant des fuites « Buisson ». Enfin, vous écoutiez mes téléphones. Vous écoutiez les téléphones de mon avocat. J’étais à Monaco depuis déjà quatre jours. Comment voulez-vous que je sois informé de ce qui se passe au même moment à Paris, c’est-à-dire à mille kilomètres de là ? J’apporte donc le démenti le plus formel à votre question. Vous m’informez que nous allons faire une pause. Je n’ai rien d’autre à déclarer pour le moment.

 

Aviez-vous connaissance des projets de réorientation de la carrière professionnelle de Gilbert Azibert vers la principauté de Monaco ?

Absolument pas jusqu’au moment où je me suis rendu à Monaco, où j’ai dit à Thierry Herzog que j’envisageais de passer des vacances à Monaco. Je ne me souviens pas de la conversation exacte mais quand Thierry Herzog a su que j’allais à Monaco, il m’a alors fait part de la candidature, ancienne, de Gilbert Azibert à un poste dont je n’ai pas compris la nature précise. C’était quelque temps avant mon déplacement à Monaco.

 

Êtes-vous en mesure de nous communiquer les noms des personnes qui quittaient leurs fonctions au sein du Conseil d’État à Monaco en mars 2014 ?

Je n’en ai aucune idée, ni de près ni de loin. Je ne sais pas si M. Azibert postulait pour le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Thierry Herzog m’avait dit qu’il voulait un poste sur Monaco. La question était de savoir où en était sa candidature.

 

Savez-vous quand la décision a été prise et par qui, concernant la nomination en question ?

Pas du tout. J’ignorais la nature exacte du poste envisagé par Gilbert Azibert et j’ignorais par qui la décision devait être prise à Monaco.

 

Vous a-t-il été demandé de faire jouer vos relations afin d’appuyer la demande de Gilbert Azibert pour obtenir le poste qu’il souhaitait ?

Thierry Herzog, si mon souvenir est exact, m’a demandé de voir où en était sa candidature et si dans ce cas, il était possible d’obtenir des renseignements sur ses chances d’obtention du poste. C’est le souvenir que j’en ai, mais je ne peux pas vous préciser quand a eu lieu cette demande.

 

Pourquoi demandez-vous à Thierry Herzog le 22 février 2014 sur la ligne Bismuth de ne pas évoquer sur la ligne officielle, que vous savez tous les deux sur écoute, le fait que vous vous rendez à Monaco ?

Je ne voulais pas que mon séjour à l’hôtel de Paris à Monaco soit connu des autorités politiques françaises, du ministère de l’Intérieur et de la place Vendôme. Je ne voulais pas qu’instantanément se déclenche une campagne « Sarkozy va passer une semaine à l’hôtel de Paris à Monaco ». Ceci dit, cela s’est avéré totalement inefficace dans la mesure où j’ai pris, avec ma famille, un petit hélicoptère pour aller du cap Nègre à Monaco. À l’arrivée, un personnel de l’héliport de Monaco nous a pris en photo, et nous faisions la une de Voici la semaine suivante.

 

Cette précaution n’a donc pas de lien avec un coup de pouce sollicité par Gilbert Azibert par l’intermédiaire de Thierry Herzog ?

Est-ce que vous croyez que je prends huit jours à l’hôtel de Paris avec mon épouse et ma fille pour faire donner un coup de pouce à M. Azibert ? Ce serait une démarche bien étrange et surtout bien longue pour un « coup de pouce ».

 

Thierry Herzog vous a-t-il demandé de faire jouer vos relations afin d’appuyer la demande de Gilbert Azibert pour succéder aux membres du Conseil d’État qui quittaient leurs fonctions en mars 2014 ?

Non. J’ai gardé le souvenir d’une conversation où il me demandait de me renseigner pour savoir où ça en était de la demande de Gilbert Azibert.

Nous vous donnons lecture de la conversation no 57 interceptée sur la ligne Bismuth. S’agit-il de la conversation dont vous venez de nous parler ?

Vraisemblablement. C’est quinze jours avant mon déplacement à Monaco. C’est donc la preuve que le déplacement n’était pas organisé dans le but d’aider M. Azibert. Mais c’est lorsque Thierry apprend que je vais à Monaco qu’il me parle des souhaits de Gilbert Azibert. Dans cette conversation, Gilbert Azibert me fait demander, via Thierry Herzog, là où en est sa candidature. J’ai appris par la suite qu’au moment où Thierry Herzog m’en parle Gilbert Azibert avait déjà déposé sa candidature. Je réponds à Thierry Herzog que cela ne pose aucun problème, s’agissant de quelqu’un dont mon propre avocat utilise les conseils sur une procédure pendante devant la Cour de cassation. J’ajoute que Thierry qui est un ami très proche m’a cent fois demandé pour des gens qu’il aime ou qu’il connaît si je pouvais les aider. C’est une démarche qui m’est apparue d’une banalité extrême. Et je lui réponds, comme souvent avec Thierry Herzog : « Bien sûr, ne t’inquiète pas, je le ferai. » Puis j’arrive à Monaco. Deux jours après mon arrivée, j’appelle le ministre d’État qui s’appelle Michel Roger pour lui dire deux choses : félicitation parce qu’il a été confirmé peu de temps auparavant par le prince. La seconde, je lui ai dit que Carla et moi étions à Monaco pour la semaine et que si le prince était là, nous serions heureux de le rencontrer. Je vous précise que mon épouse est une ancienne résidente monégasque, à l’époque où elle était mannequin. Elle connaît très bien le prince. Et moi, compte tenu de mes anciennes fonctions, je connais très bien le prince. Donc j’ai appelé Michel Roger au téléphone. Comme je n’ai pas son téléphone, j’ai demandé au directeur de l’hôtel de Paris : « Pouvez-vous dire à Michel Roger que je souhaite lui parler. » Donc ça se passe ni sur le Bismuth, ni sur le portable normal. La communication a été passée par l’intermédiaire du téléphone de l’hôtel. Michel Roger me rappelle tout de suite. Je le félicite et je lui demande si le prince est là, précisant que Carla et le prince se tutoient. M. Roger me répond que malheureusement le prince est en Californie. « Il me charge de vous transmettre ses amitiés, me dit M. Roger, mais vous ne pourrez pas le voir. » Je le remercie, lui demande de transmettre mon amical souvenir au prince et je raccroche. Dans ces conditions, comment vouliez-vous que je puisse parler de Gilbert Azibert ? À ce moment-là, je ne parle pas d’Azibert, non parce que je crains d’être accusé de trafic d’influence, mais parce que la conversation, dans sa brièveté, ne s’y prête en aucun cas. J’ajoute que j’aurais été bien en peine de présenter à mon interlocuteur la fonction qu’il envisageait. Si nous avions eu un déjeuner d’une heure et demie, peut-être que l’occasion se serait présentée, en l’occurrence, c’était inenvisageable. Vous pouvez demander à l’hôtel de Paris, faire les fadets, la communication a duré quatre minutes, peut-être cinq. Je ne voyais vraiment pas évoquer M. Azibert dans ce cadre. La preuve, c’est que le 7 mars 2014, une dépêche AFP sort, émanant des services judiciaires de la principauté, selon laquelle Gilbert Azibert n’avait fait l’objet d’aucune intervention extérieure pour obtenir un poste au Conseil d’État de Monaco. Plus loin, ils disent : M. Azibert a bien été candidat à un poste à la Cour de révision, équivalent à Monaco de la Cour de cassation. La dépêche précise qu’au terme du processus de recrutement, sa candidature n’a pas été retenue. Il est également ajouté qu’il n’y a eu aucune intervention pour le poste à la Cour de révision. Ce communiqué indique qu’il n’y a aucune intervention au bénéfice de Gilbert Azibert, pour les deux postes : Cour de révision et Conseil d’État. Je vous remets une copie de cette dépêche et je constate que vous l’annexez au présent. En résumé, voilà le raccourci qu’on peut faire de « mon affaire ». Premièrement, j’espérais une décision positive de la Cour de cassation sur mon pourvoi, je ne l’ai pas eue. M. Azibert espérait une intervention de ma part pour savoir où en était sa candidature, je ne l’ai pas faite. Enfin, M. Azibert espérait obtenir le poste, il ne l’a pas eu. Pour un présumé trafic d’influence, c’est un résultat étrange !

 

Visiblement, les propos de Thierry Herzog ne portent pas sur une prise d’information, mais plutôt pour un « coup de pouce ». La demande de Gilbert Azibert n’était-elle pas plus poussée que simplement savoir où en était sa candidature ?

Si j’avais eu à faire une intervention, que je n’ai pas faite, j’aurais commencé par demander où ça en était, ne serait-ce que pour savoir les chances d’une telle demande de prospérer. Donc dans mon esprit, au moment où j’ai répondu ça, il était question d’une prise d’information. Si j’avais été amené à faire une intervention de cette nature, j’aurais commencé par vérifier là où en était sa candidature, ce que je n’ai même pas fait, comme en atteste le communiqué des services officiels de Monaco.

 

Que signifie selon vous, qui connaissez bien Thierry Herzog, pour lui l’expression « coup de pouce » ?

Si je peux aider un candidat qui est son ami, je l’aide. Un coup de pouce est le contraire du passage en force. Un coup de pouce, c’est une aide finale sur une candidature qui est déjà très engagée. En l’occurrence, ce n’était pas le cas puisque j’ai appris par la suite que sa candidature n’était pas bien engagée.

 

Thierry Herzog indique dans cette conversation avoir rassuré Gilbert : « Tu rigoles, avec tout ce que tu fais. » À quoi est-il fait référence ?

À tout sauf à un pacte. Il faut demander à Thierry Herzog. Mais c’est une phrase « bateau ». Cela fait référence à tout sauf à quelque chose de précis. Ce sont des expressions qu’on emploie au téléphone, d’une banalité extrême.

 

Ce « coup de pouce » venait-il en rétribution de quelque chose ?

Non. Je suis formel. J’ai d’ailleurs passé mon temps à expliquer le contraire. Ce coup de pouce n’a pas eu lieu. J’en ai apporté la preuve.

 

Nous avons intercepté des propos de Thierry Herzog dans lesquels il déclarait concernant les projets monégasques de Gilbert Azibert : « J’ai demandé ça à Sarkozy parce que Gilbert c’est un brave type, euh… voilà. Je lui ai dit puisque t’es à Monaco, regarde. Il nous a rendu des services. » Selon vous, à quels services Thierry Herzog fait-il référence ?

Il faut le demander à Thierry Herzog. Je me pose la question : quels services nous a-t-il rendus ?

 

Dans cette même conversation, Thierry Herzog précise les services que vous aurait rendus Gilbert. Il vous aurait notamment renseigné sur les « magouilles » au sein de la Cour de cassation. Le mot « magouilles » est son propre terme. La croyance en des « magouilles » au sein de la Cour de cassation vous a-t-elle incité à tenter d’influer vous aussi pour obtenir une décision qui vous soit favorable ?

Mais non. Je n’emploierai par le terme de « magouilles » mais plutôt de « pressions », pour faire référence à ce que je vous ai déjà évoqué concernant les magistrats siégeant à la Cour de cassation et la Cour de justice de la République.

 

Nous avons également intercepté une conversation entre Gilbert Azibert et Thierry Herzog le 3 mars 2014 dans laquelle Me Herzog informe Gilbert Azibert que la démarche qu’il avait sollicitée avait bien été faite à Monaco. Comment expliquez-vous ces propos de Me Herzog ?

Je me l’explique d’autant moins que j’ai souvenir d’avoir dit au téléphone à Thierry Herzog que je n’avais pas fait la démarche. Je lui avais expliqué que je ne le sentais pas. Je lui ai dit au téléphone, et je suis sûr que c’était avant le 3 mars. D’ailleurs, vous me confirmez posséder une écoute en date du 26 février attestant que j’ai bien dit à Thierry Herzog que je n’avais pas fait d’intervention pour M. Azibert.

 

Dans ce cas, comment expliquez-vous que votre conseil tienne de tels propos à Gilbert Azibert ?

Parce qu’il voulait être gentil avec son interlocuteur. Cela illustre parfaitement ma réponse d’il y a quelques heures : il y a un fossé qui sépare ce que disent les gens de ce qu’ils font. En tout cas, moi, je suis formel, et vous en avez la preuve, j’informe Thierry Herzog que je n’ai pas fait l’intervention.

 

Dans cette même conversation du 3 mars entre Thierry Herzog et Gilbert Azibert, votre conseil indique avoir appris « certaines choses » l’ayant conduit à « raconter certaines choses au téléphone ». L’explication de votre coup de téléphone à votre avocat pour indiquer que vous n’aviez pas senti de faire l’intervention souhaitée par Gilbert Azibert ne résulte pas de ces choses qu’évoque Thierry Herzog ?

Vous avez la preuve qu’il n’y a pas eu d’intervention de ma part à Monaco. Vous avez une écoute de moi disant à mon avocat que je n’ai pas fait d’intervention. Et vous avez vu que M. Azibert n’a pas eu le poste. Et vous me demandez quoi ? Si j’ai fait semblant de dire à mon avocat que je n’avais pas fait la démarche ? Il faut demander à Thierry Herzog. Je pense que j’ai eu Michel Roger le 25 février. J’ai appelé Thierry Herzog le lendemain pour lui dire que je n’avais pas fait l’intervention.

 

À quel moment de la journée du 25 février avez-vous eu Michel Roger au téléphone ?

Je pense que c’était en fin de matinée.

 

Pourquoi ne pas avoir communiqué l’information concernant Azibert à Thierry Herzog le soir, lorsque vous avez dîné avec lui ?

Mais parce que le soir on est totalement focalisés sur l’affaire Buisson. On est avec ma femme qui se moque du tiers comme du quart de l’histoire Azibert. On parle du recours qu’on va faire devant le tribunal de grande instance de Paris pour bloquer les écoutes Buisson. On ne parle pas du tout d’Azibert.

 

Dans la conversation no 38, après avoir évoqué les réquisitions, vous précisez « non, et puis ce qui est important, c’est que le rapporteur soit du même avis ». Comment avez-vous eu connaissance de l’avis du rapporteur ?

Je n’ai pas connaissance de l’avis du rapporteur. Mais je ne sais pas le contexte de la conversation.

 

Nous vous donnons lecture de cette conversation no 38. Vos propos signifient-ils que le rapporteur et l’avocat général sont du même avis ?

Thierry me parle des conclusions de l’avocat général. Mais ce qui est important, c’est que le rapporteur soit du même avis. C’est une évidence ce que je dis en même temps qu’une espérance. Cela ne veut pas dire que j’ai connaissance avec certitude que le rapporteur soit du même avis. Mais j’insiste quand même. Vous êtes en train de violer le secret de la défense en m’interrogeant sur des conversations avec mon conseil, qui constitue pourtant un droit fondamental de la personne.

 

Dans la conversation no 15 interceptée le 28 janvier 2014 à 12 h 24 entre vous et Thierry Herzog, vous indiquez que vous venez d’avoir connaissance de ce que disait le rapporteur dans son mémoire. Thierry Herzog explique que ce rapport est neutre et se contente d’énumérer les moyens soulevés dans chacun des pourvois, et qu’il faut attendre les réquisitions de l’avocat général pour en savoir un peu plus. Vous posez alors la question suivante : « Mais enfin, notre ami n’a rien dit d’autre… de contraire ? » De quel ami s’agit-il ?

Il s’agit sans doute d’Azibert. Ce sont des notes d’ambiance.

 

Dans la continuité de cette conversation, Thierry Herzog poursuit : « Il m’a dit… Parce que je lui ai téléphoné quand j’avais reçu ça, pour lui dire : “Tu me dis qu’on va répondre aux réquisitions”, je lui ai pas dit plus parce que je suis pas censé… Bon. » Qu’est-ce que Thierry Herzog n’est pas censé faire ou savoir ?

Je n’en sais rien.

 

Dans la conversation no 21 toujours entre vous et Thierry Herzog, ce dernier indique que « le rapporteur était pour l’annulation de la saisie des agendas ». Quand Thierry Herzog a-t-il pu avoir connaissance du point de vue du conseiller-rapporteur concernant la validité de la saisie des agendas présidentiels, et surtout par l’intermédiaire de qui cette information a-t-elle fuité ?

Je n’en ai aucune idée. Je veux simplement vous dire une chose, c’est que cette information (l’avis du rapporteur) est fausse puisque je me le suis fait préciser par la suite par des spécialistes. J’ai appris que dans ce dossier, le rapporteur avait préparé plusieurs projets de décision.

 

La conversation ne porte pas sur le rapport public ni sur le ou les projets de décision, mais sur l’avis personnel du rapporteur. Mais quoi qu’il en soit, l’avis du rapporteur de la même manière que les projets de décision sont couverts par le secret du délibéré. Comment Me Herzog pouvait-il en avoir connaissance ?

À mon avis il n’en avait pas connaissance. Ce sont des bruits de couloir qui lui ont été donnés. Et la suite a montré que cela ne correspondait à aucune réalité. Aucune.

 

Selon le début de la conversation, ces informations proviendraient de Gilbert Azibert. Qu’en pensez-vous ?

Je vous ai dit à de multiples reprises ce que je pensais du sérieux et de la crédibilité des informations qu’aurait rapportées M. Azibert.

 

Voici le début de la retranscription correspondante : Nicolas Sarkozy : « Y a rien de spécial non ? Thierry Herzog : Non, rien du tout si ce n’est que ce matin donc, j’ai rappelé Gilbert, euh… qui m’a dit “ne fais pas trop attention au rapport parce que c’est volontairement qu’il a été neutre”, euh… Et il m’a confirmé les deux trucs. Un que le rapporteur était euh… pour l’annulation de la saisie des agendas ; deux, que les réquisitions seront données euh… le plus tard possible, parce qu’ils sont obligés de les communiquer, qu’elles seront numérotées, enfin, il m’a refait le truc. Je lui fais, de toute façon, t’inquiète pas, y a… Y a personne qui va le dire… Quoi que ce soit, et qui concluent à l’annulation de la saisie des agendas présidentiels. Avec les conséquences que ça aura. » Pouvez-vous préciser de quoi il s’agit lorsque Thierry Herzog parle des « deux trucs » ?

Je vous démontre que ces informations sont fausses. Parce que les réquisitions sont données le jour même. Vous me lisez une conversation indiquant que l’avis de l’avocat général serait donné le plus tard possible. Or la réalité fut tout autre puisque l’avis de l’avocat général fut posté le lendemain même. Je vous démontre que ces informations étaient totalement erronées. Elles ne pouvaient donc émaner de gens légalement informés. Une fois encore, c’étaient des bruits de couloir.

 

Toujours dans la même conversation, à quoi fait référence la phrase « et qui concluent à la saisie des agendas présidentiels » ?

Je n’en sais rien car c’est totalement hors sujet.

 

Les seuls documents pouvant contenir ce type de conclusion sont soit l’avis confidentiel du rapporteur, soit les réquisitions de l’avocat général. Peut-il s’agir d’un de ces deux documents ?

Je n’en sais rien puisque je n’ai jamais, au grand jamais, vu aucun de ces deux documents. Et je ne pense pas que Thierry Herzog les ait jamais eus entre les mains.

 

Dans la continuité de cette conversation, Thierry Herzog précise que Gilbert a déjeuné avec l’avocat général. De quel avocat général s’agissait-il ?

Je ne sais pas.

 

Thierry Herzog poursuit en indiquant au sujet de Gilbert Azibert : « Il a bien bossé !!! » En quoi Gilbert Azibert a bien bossé au point que Thierry Herzog se sente obligé de vous en référer ?

Thierry Herzog ne « m’en réfère » pas. C’est une conversation à bâtons rompus. Je me demande d’ailleurs en quoi Gilbert Azibert « a bien bossé » si j’en juge par le résultat de la Cour de cassation. Qu’est-ce que ça serait s’il avait mal bossé !

 

Thierry Herzog précise encore ses propos en indiquant concernant Gilbert Azibert : « Et surtout, ce qu’il a fait, c’est le truc à l’intérieur quoi… » Quel truc fait par Gilbert Azibert a-t-il suffisamment d’importance pour que Thierry Herzog vous en rende compte ?

Il ne m’en rend pas compte. C’est une conversation quotidienne, on dirait « de bistrot » si elle ne se tenait pas au téléphone, sans élément précis, et qui est fondée sur l’optimisme impénitent de mon ami Thierry Herzog qui est enthousiaste et qui veut me faire plaisir. Mais tout ceci a été contredit à chaque étape de la procédure par les faits.

 

Dans la conversation no 24 en date du 30 janvier 2014, Thierry Herzog affirme que Gilbert Azibert avait eu accès à « l’avis qui ne sera jamais publié du rapporteur, destiné à ses collègues ». Comment expliquez-vous que Gilbert Azibert ait pu avoir accès à ce document couvert par le secret du délibéré, auquel même Claude Mathon n’a pas eu accès ?

Je ne me l’explique pas. Ma conviction étant que jamais Gilbert Azibert ne l’a jamais eu entre les mains. Je pense que Thierry Herzog confond le rapport du rapporteur et l’avis du rapporteur. Le rapport du rapporteur, on en a eu connaissance le 27, mais l’avis du rapporteur, jamais Thierry Herzog n’en a parlé et je pense qu’il confond le rapport et l’avis.

 

Voici les propos que Thierry Herzog vous adresse (com. no 24 du 30 janvier 2014) : Thierry Herzog : « Bon, alors, j’ai eu Gilbert ce matin. Nicolas Sarkozy : Humm hummm. Thierry Herzog : Il me dit que d’après lui, oui. Parce qu’il a eu accès à l’avis qui ne sera jamais publié du rapporteur, destiné à ses collègues, euh… et que cet avis conclu que pour toi à la cassation, et à la… au retrait de toutes les mentions relatives à tes agendas. »

Ces propos ne laissent que peu de place au doute. Pourquoi Gilbert Azibert communique à Thierry Herzog l’opinion confidentielle du conseiller rapporteur ?

Posez la question à Gilbert Azibert ou à Thierry Herzog, mais moi je n’en sais rien. J’observe que ça ne correspond pas à la réalité puisqu’à ma connaissance la Cour de cassation a dit non. Et c’est rarissime quand la Cour de cassation désavoue son rapporteur. Donc je ne crois pas que Gilbert Azibert ait eu connaissance de cet avis. Et sauf à me démontrer que cet avis positif existait, à ma connaissance la chambre criminelle a dit non, c’est donc que le rapporteur n’avait pas un avis favorable.

 

Toujours dans cette conversation no 24, après que Patrice Spinosi a transmis le réquisitoire de Claude Mathon à Thierry Herzog, ce dernier l’aurait interrogé sur les chances d’aboutir du pourvoi. Thierry Herzog vous précise : « Alors je lui ai dit, sans savoir ce que je sais, je lui dis : Quand c’est comme ça, c’est qu’on a des chances sérieuses d’après toi ? » Que savait Thierry Herzog à ce moment-là et qu’il ne fallait pas confier à Patrice Spinosi, si ce n’est des informations internes à la Cour de cassation obtenues par le biais de Gilbert Azibert ?

Il n’y a aucune information qui ait été obtenue puisque toutes les informations de Thierry concluaient à une réponse favorable de la Cour de cassation. C’est le contraire qui s’est passé. Je résume. Gilbert Azibert dit à plusieurs reprises à Thierry Herzog que la Cour de cassation va statuer dans le sens du pourvoi que j’ai déposé. Or la Cour de cassation statue dans le sens inverse. Quelles conclusions faut-il en tirer si ce n’est que les informations communiquées par Gilbert Azibert n’étaient pas des informations mais des bruits de couloir, étayés sur aucun fait. Soit on communiquait à mon avocat les bonnes informations, et dans ce cas-là, j’aurai dû gagner devant la Cour de cassation. Soit les informations données à mon avocat n’étaient pas des informations fiables, donc ne provenaient pas de personnes ayant un devoir de secret, parce que au final, nous avons perdu devant la Cour de cassation. Donc tout au long de cette procédure, j’ai été alimenté par mon avocat d’informations qui se sont avérées fausses. J’en tire la conclusion qu’elles n’étaient pas des informations au sens où vous l’entendez, mais des bruits de couloir qui ne correspondaient à aucune réalité.

 

Dans la conversation no 24, vous évoquez avec Thierry Herzog un ami, qui a une femme un peu compliquée, qui a eu accès aux conclusions de l’avocat général. Ces simples précisions suffisent à Thierry Herzog pour comprendre à qui vous faites référence. De qui s’agit-il ?

Je ne vois pas.

 

Dans la conversation no 24, vous indiquez que cet ami vous aurait confié que pour « le conseiller-rapporteur, ça se présentait bien aussi ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Je n’en sais rien.

 

Toujours concernant cet ami, Thierry Herzog indique qu’il est passé le voir à son cabinet le jeudi, probablement le jeudi 30 janvier. À l’occasion de cette visite, Thierry Herzog aurait choisi de ne pas lui parler de « l’autre correspondant ». Qui est cet autre correspondant dont Thierry Herzog voulait dissimuler le rôle ?

Je ne vois pas.

 

Cet ami aurait évoqué avec Thierry Herzog des bruits, évoquant du lobbying de certains… Pouvez-vous préciser ?

Il s’agit de lobbying contre moi. Il y en a plein la presse.

 

Dans la conversation no 57, Thierry Herzog vous indique que Gilbert Azibert a rendez-vous avec un des conseillers « pour bien lui expliquer ce qu’il faudrait… ». Comment avez-vous compris cette formule ?

Tout ceci ne correspond à aucune réalité, comme l’a montré la suite.

 

Pourquoi ne pas avoir tenté, via Thierry Herzog, de dissuader Gilbert Azibert d’influencer les conseillers chargés du dossier Bettencourt ?

Je n’ai jamais pensé que Gilbert Azibert influençait qui que ce soit. J’ai toujours pensé que Thierry était bien gentil d’accorder un crédit important à ce qui lui était raconté.

 

Toujours dans cette conversation no 57, vous demandez à Thierry Herzog de confirmer un point concernant la conversation qu’il vient d’avoir quelques minutes auparavant avec Gilbert Azibert : « Mais il confirme que le rapporteur est pour nous ? » Que signifient ces propos ?

Ils signifient d’abord que je n’ai aucune certitude quant à l’avis du rapporteur. Si j’avais eu cet avis, pourquoi poserais-je cette question ? Cela confirme aussi que je n’attache pas de crédit aux informations que me rapporte Thierry. J’essaye de comprendre et de connaître la réalité des pressions exercées sur la Cour à ce moment-là par ceux qui ne veulent pas que mon pourvoi prospère. Je suis informé qu’il y a des pressions. Je veux savoir quelle est l’ambiance à ce moment-là.

 

« Rechercher l’ambiance », cela inclut-il d’obtenir l’avis personnel du conseiller-rapporteur ?

L’avis, à l’évidence non.

 

Lorsque vous demandez si le rapporteur est pour vous, cela ne signifie-t-il pas que vous cherchez à connaître l’opinion de ce magistrat ?

Cela signifie surtout que je n’ai pas l’information. Donc que je n’ai pas eu accès à un avis, donc il n’y a pas eu violation du secret professionnel. Mais si je cherchais à les connaître, c’est que je ne les avais pas. Je n’ai jamais eu accès à l’avis du rapporteur. Ni avant, ni pendant, ni après. Par simple déduction, et avec un peu d’expérience, je sais que, dans toutes les cours, l’avis du rapporteur a tendance à être suivi, ce qui est normal puisque de tous les magistrats qui ont à statuer sur une affaire, le rapporteur est celui qui connaît le mieux le dossier. Thierry Herzog me passe l’information, tout au long de la procédure, que le rapporteur serait pour l’accueil de mon pourvoi. À l’arrivée, la Cour est contre. Je n’en tire pas la conclusion que l’avis du rapporteur allait dans le même sens, mais il y a quand même quelque chose qui ne va pas ? Si j’en crois ces informations qui n’en sont pas : l’avocat général est pour le pourvoi, le rapporteur serait pour le pourvoi. À l’arrivée, le pourvoi est rejeté. Il y a peut-être quelque chose qui ne va pas.

 

Thierry Herzog peut-il avoir pris votre demande pour une instruction l’invitant à obtenir communication de cet avis ?

Depuis trente ans que Thierry Herzog est mon avocat, jamais je ne lui ai demandé de faire quelque chose d’illégal. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer pour le seul motif d’obtenir satisfaction à un pourvoi auquel je n’attachais pas une grande importance. D’ailleurs Thierry Herzog est trop honnête pour lui-même me proposer quelque chose d’illégal.

 

Dans la conversation no 38, vous informez Thierry Herzog des informations vous étant remontées selon lesquelles les magistrats enquêtant sur la Libye envisageraient une perquisition chez vous. Vous demandez alors à votre conseil de prendre contact avec « nos » amis pour qu’ils soient attentifs. Qui sont ces amis qui doivent être attentifs aux projets de perquisition que vous vous attendez à subir ?

Je ne me souviens plus de mes propos. Pouvez-vous me lire la conversation ?

 

Nous vous donnons lecture de la conversation no 38 du 1er février 2014. Nous renouvelons la question. Qui sont ces amis ?

J’observe tout au long de la conversation que je ne crois pas du tout à la réalité de cette perquisition. Je dis « ça m’étonne », « ça me semble très bizarre ». Quand je dis « prends contact avec nos amis », c’est avec les journalistes qui suivent ça avec attention, avec lesquels Thierry Herzog est en contact et qui ont montré qu’ils étaient très informés des initiatives de certains magistrats.

 

Qui sont ces journalistes ?

Ça je ne peux pas le dire.

 

Vous précisez que pour effectuer une perquisition, « ils sont obligés de passer par lui ». Il semble qu’il ne s’agisse pas de journalistes. Cette phrase ne renvoie-t-elle pas à quelqu’un d’autre ?

À qui ?

 

Vous êtes avocat. Le bâtonnier doit être nécessairement informé. Vos amis peuvent-ils faire partie de l’ordre des avocats ?

Mes locaux de la rue de Miromesnil ne sont pas couverts par mon statut d’avocat. D’ailleurs si j’avais des informateurs, j’aurais été avisé de la perquisition que vous avez réalisée chez Thierry Herzog.

 

Dans cette conversation, pour vous rassurer, Thierry Herzog s’engage à rappeler son correspondant pour qu’il soit attentif. Ce correspondant a-t-il été contacté par MHerzog ? Comment ?

Je n’en sais rien. Mais comme il n’y a pas eu de perquisition…

 

Vous semblez inquiet de la façon dont Thierry Herzog procède. Ce dernier vous rassure en indiquant « j’ai un discours avec lui qui est prêt… quand je l’appelle… il comprend tout de suite de quoi on parle ». Que cachent ces techniques de langage codé fréquemment utilisées par le grand banditisme si ce n’est une recherche d’information privilégiée dont la communication est pénalement réprimée ?

À ma connaissance, je ne suis pas dans le grand banditisme. Et je n’ai pas l’intention d’entamer une nouvelle carrière. Quant à Thierry Herzog, avec plus de trente ans d’ancienneté au Palais, il connaît beaucoup de gens avec qui il a sa propre manière de communiquer. Pour conclure, j’ai choisi de répondre à vos questions avec le plus d’honnêteté possible, le plus de précision possible pour que la vérité soit approchée le mieux possible. J’aurais pu avoir une autre attitude compte tenu des craintes que j’ai évoquées au début de mon interrogatoire sur la partialité de la justice et surtout sur la violation des droits de la défense que constitue à mes yeux la retranscription des écoutes entre mon avocat et moi. J’ai passé outre à tout cela par respect pour l’institution que vous représentez et parce que je vous demande de me croire, et je n’ai rien à cacher. Je n’ai sollicité de personne la violation du secret professionnel. Je n’ai vendu mon influence, vraie ou supposée, à personne. Je n’ai trafiqué avec personne. Je n’ai jamais trahi la confiance que les Français m’ont témoignée. Avec mon avocat, j’ai essayé de me défendre. Nous sommes seuls face à un mur médiatique et un sentiment que nous ressentons de persécution judiciaire, persécution qui ne se dément pas. Pourtant je reste confiant dans l’honnêteté de ceux qui auront à dire la vérité. Vous m’avez entendu pendant neuf heures. Je n’ai consulté aucune note, je n’ai récité aucun bréviaire. Je n’ai préparé avec personne cette audition. Je vous donne ma parole d’honneur que je me suis comporté en honnête homme. Je n’ai rien d’autre à déclarer.

Annexe 2

Interrogatoire de Nicolas Sarkozy le 2 juillet 2014

Dans le cadre de l’affaire Azibert, Nicolas Sarkozy a été mis en examen par Patricia Simon et Claire Thépaut, dans la nuit du 1er au 2 juillet 2014, pour « recel de violation du secret professionnel », « corruption active » et « trafic d’influence actif ». Voici la déclaration, in extenso, de l’ex-président de la République devant ses juges.

« Je vais faire des déclarations. J’ai le plus grand respect pour l’institution judiciaire, c’est la raison pour laquelle j’ai accepté de répondre à toutes les questions qui m’ont été posées. J’ai répondu avec précision aux questions des officiers de police, je n’ai fui aucune question et j’ai apporté des éléments incontestables infirmant les accusations scandaleusement infondées que vous venez de me présenter. Le recel de violation du secret de l’instruction est grotesque puisque le téléphone utilisé pour converser avec mon avocat a fait l’objet d’une acquisition en juillet 2012. La corruption, c’est injurieux, puisque les autorités monégasques ont affirmé que je n’ai procédé à aucune intervention. Vous-mêmes possédez des interceptions téléphoniques, dans lesquelles je précise à Thierry Herzog que je n’ai pas fait d’intervention en faveur de M. Azibert. Quant au trafic d’influence, je ne sais pas en quoi il consiste puisque contrairement aux informations qui m’ont été données par mon avocat, la Cour de cassation a rendu des décisions qui m’ont été systématiquement défavorables. En résumé, M. Azibert n’a pas obtenu satisfaction à Monaco, je n’ai pas fait d’interventions pour M. Azibert et la Cour de cassation ne m’a jamais donné satisfaction. Ces faits sont avérés et je n’ai pas l’intention de m’expliquer plus avant sur le sujet. En revanche, je veux faire une déclaration qui présente un degré de gravité extrême. Je ne suis pas un justiciable au-dessus des autres, mais je ne suis pas un justiciable en dessous des autres, j’ai droit à une justice impartiale. Or, je me retrouve devant deux magistrates dont une au moins appartient à une organisation syndicale qui m’a combattu avec une violence inouïe non pas simplement lorsque j’ai été président mais également dans mes fonctions de ministre. J’ai versé au dossier une lettre que m’a adressée le Syndicat de la magistrature, qui est un tissu d’injures, où je suis pris à parti avec des propos qui sont indignes d’un magistrat. Six jours après, j’ai versé au dossier un article de Mediapart citant les propos recueillis auprès de Mme Thépaut précisant que celle-ci appartenait au Syndicat de la magistrature et déclarant qu’elle aspirait comme tous ses confrères, maintenant que M. Hollande avait été élu, à la confiance et à la sérénité, suggérant explicitement qu’avec moi il n’y avait ni confiance ni sérénité. Enfin, je vous informe que je me suis constitué partie civile dans l’affaire dite du “Mur des cons” où je suis la cible centrale compte tenu de la taille de la photo qui m’est réservée et sur l’emplacement central sur le mur dudit syndicat. L’institution judiciaire étant composée dans son immense majorité de magistrats non engagés, il s’en est trouvé certains de la mise en examen dudit syndicat. Comment voulez-vous dans ces conditions que je puisse penser une minute que mon droit formel à une justice impartiale m’est aujourd’hui garanti ? Qui peut imaginer qu’appartenant à un syndicat proférant de telles injures à mon endroit, on puisse instruire à charge certes, mais à décharge à l’endroit du justiciable que je suis ? Dans ces conditions, je ne peux pas répondre à vos questions. Je considère que mes droits sont violés, que mes droits essentiels ne sont pas garantis. Vous vous livrez à un simulacre de justice, il m’appartiendra d’en tirer les conséquences procédurales. Je vous rappelle que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme indique, pour qu’il y ait récusation, qu’il suffit qu’une des parties au procès ait un doute sur l’impartialité de son juge. Pour moi, ce n’est hélas pas un doute, c’est une certitude. »

Annexe 3

Audition de Nicolas Sarkozy le 10 octobre 2013

Nicolas Sarkozy a été entendu, le 10 octobre 2013, en qualité de partie civile, par le juge René Cros, qui instruit avec Emmanuelle Legrand sa plainte pour « faux, usage de faux et recel » contre Mediapart. Le 28 avril 2012, le site internet avait publié un document évoquant un projet de financement de la première campagne présidentielle de Sarkozy, en 2007, par la Libye de Mouammar Kadhafi. Voici l’intégralité de son audition.

LE JUGE : Confirmez-vous les termes de votre plainte ? Quelles déclarations souhaitez-vous faire ?

Je confirme les termes de ma plainte. C’est la première fois que je dépose plainte contre un organe de presse, attaché que je suis à la liberté de la presse, mais j’ai considéré que nous étions là devant une manipulation aux conséquences très graves. J’ai choisi délibérément de déposer plainte pour faux et usage de faux et recel, et non pas pour diffamation car la diffamation est un fait faux que l’on allègue, là il s’agissait d’un faux grossier que l’on a jeté en pâture à l’opinion entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012. Dois-je préciser que si j’avais la moindre chose à me reprocher dans mes rapports avec M. Kadhafi, je ne me serais pas constitué partie civile et n’aurais pas demandé que deux juges enquêtent sur ce document. Je veux rappeler que j’ai été l’organisateur et l’animateur de la coalition internationale lors de l’intervention militaire en Libye, il y avait au Sommet de Paris cinquante-six États mais j’ai été encore une fois l’animateur de cette coalition. Je rappellerai que l’intervention internationale en Libye, qui a démarré pour protéger Benghazi des folies de ce tyran, a duré dix mois et si M. Kadhafi, qui était toujours en place dans cette période, avait eu des documents de cette nature, s’agissant d’un virement prétendu de 52 millions et d’un document de cette nature, on ne comprend pas pourquoi il ne l’aurait pas sorti. Je veux préciser également que Mediapart a publié ce document qui est un faux grossier à deux reprises, une première fois le 28 avril 2012 entre les deux tours de l’élection présidentielle et la deuxième fois en juin 2013. Je ferai observer que la première publication du 28 avril 2012 est intervenue alors que, je tenais un meeting à Clermont-Ferrand, meeting présidé par Brice Hortefeux qui apparaît sur le document publié comme ayant participé à une réunion le 6 octobre 2006 en quelque sorte comme mon mandataire, alors que d’après ce que m’a indiqué mon conseil, l’enquête des services de police a démontré qu’à cette date il avait un certain nombre de rendez-vous et d’obligations en Auvergne, mais c’est sans doute une « coïncidence » si Mediapart a publié ce document le 28 avril 2012. Mon conseil m’a donné bien évidemment connaissance des éléments du dossier et pour moi, il est un élément qui démontre la mauvaise foi de MM. Plenel et Laske [respectivement directeur de la publication et journaliste de Mediapart]. Il apparaît en effet qu’ils ont présenté le document qu’ils s’apprêtaient à publier à un certain Mabrouk Jomode Elie Getty, que pour ma part je ne connais absolument pas et qui semble-t-il a eu la possibilité de consulter des milliers de documents de l’ancien régime libyen, or ce monsieur, qu’à l’évidence MM. Plenel et Laske considéraient comme un « expert », déclare qu’il leur a indiqué qu’il s’agissait d’un faux grossier, précisant même qui selon lui l’avait réalisé. Or, la réaction de Mediapart a été de se fâcher avec cette personne dont ils attendaient évidemment qu’il confirme l’authenticité du document et non le contraire. J’ajoute que ce témoin a déclaré avoir dit aux journalistes de Mediapart qu’ils étaient aveuglés par leur haine à mon égard. C’est pour moi un problème fondamental pour notre démocratie que de publier un faux grossier, de salir l’honneur d’une personne à huit jours du deuxième tour de la présidentielle, d’alléguer ensuite du secret des sources et de la liberté d’informer, n’est-ce pas en réalité la liberté de désinformer ? J’ajoute également que ce document qui est un faux grossier fait état d’un virement de 52 millions d’euros, comment serait-il possible que le virement d’une telle somme n’ait laissé aucune trace dans une banque, d’autant qu’il existe des systèmes de contrôle comme Tracfin, à moins que l’on prétende qu’il s’est agi de caisses de billets, aisément transportables, et je dois pour ma part subir cela depuis un an et demi et je devrais prouver que je n’ai pas de compte à l’étranger, ce qui est évidemment impossible à prouver, c’est en quelque sorte un renversement de la charge de la preuve. Le préjudice est pour moi considérable puisque l’on accole à mon nom celui de la Libye pour le financement de ma campagne, et c’est cela que l’on appellerait la liberté d’informer. J’ai décidé de me constituer partie civile pour obtenir la vérité car l’enquête préliminaire n’avançait pas, j’ai donc voulu que deux juges enquêtent pour déterminer si c’était vrai ou si c’était faux. Il va de soi que pour moi il s’agit d’un faux grossier.