Vie de Freud

La vie de Freud (1856-1939) est marquée par l’élaboration de son invention, la psychanalyse, fondée sur la découverte de l’inconscient. Médecin neurologue viennois, marié à Martha Bernays et bientôt père de quatre enfants, il s’intéresse très vite à l’étiologie des névroses. Après un séjour à Paris (1885), où il prend connaissance du travail de Charcot avec les hystériques à l’hôpital de la Salpêtrière, il ouvre son cabinet à Vienne et reçoit ses premières patientes hystériques. Avec Josef Breuer, il publie les Études sur l’hystérie (1895), dans lesquelles il peut exposer la nouvelle méthode cathartique suivie de résultats thérapeutiques délivrant les patientes de leurs symptômes.

Dès lors, Freud, tel un conquérant explorant un monde sauvage, poursuit sa recherche, bien que Breuer, dépassé par leur découverte commune, préfère s’en éloigner. Freud entre dans le XXe siècle en publiant L’Interprétation du rêve (1900), œuvre qui révolutionne toute l’approche du psychisme humain en dévoilant la logique inconsciente des productions psychiques oniriques. Freud s’appuie aussi bien sur son auto-analyse que sur les rêves de ses patients et même sur les récits de son entourage pour nourrir sa recherche et démontrer sa théorie nouvelle.

À partir de 1907, avec Abraham, Rank, Eitingon, Bleuler, Jung, Ferenczi, Jones et quelques autres, il fondera le mouvement psychanalytique en Europe. À l’invitation de Stanley Hall, président de la Clark University, Freud se rendra même en Amérique du Nord en 1909 afin de faire connaître sa création outre-Atlantique. Il est soucieux de diffuser la psychanalyse mais aussi de ne pas laisser sa puissante découverte être dévoyée. Il jugera ainsi nécessaire de fonder une Association Psychanalytique Internationale « afin de prévenir les abus qui pourraient se commettre au nom de la psychanalyse, une fois qu’elle serait devenue populaireII ».

Il affronte de tous côtés les critiques à l’encontre de la psychanalyse, qui bouleverse radicalement les croyances traditionnelles, parfois puritaines, à l’égard de l’existence humaine, de la sexualité, de la connaissance et de la morale. Ses avancées seront à l’origine de certaines ruptures, notamment avec Carl Gustav Jung en 1913 (médecin au Burghölzli à Zurich) qui refusa de reconnaître la thèse de Freud sur le caractère sexuel de la libido (1905). Freud rend compte des résistances que la psychanalyse rencontra dans Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique (1914). La disparition accidentelle et prématurée en 1925 de Karl Abraham, président de la Société psychanalytique de Berlin, affectera profondément Freud, ce dont témoigne la correspondance (1907-1925) entre les deux hommes.

La Première Guerre mondiale le conduit à s’interroger dans ses Considérations actuelles sur la guerre et la mort sur le rapport de l’être humain à la destruction. Ainsi, tout en avançant dans sa conception de la cure analytique, il étend ses recherches à la civilisation et à ses impasses. Avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933, Freud analyse déjà dans Psychologie des foules et analyse du Moi (1921) le rapport hypnotique au leader, dont ses découvertes sur l’identification et l’idéal du Moi rendent compte de façon inédite. Dans Le Malaise dans la civilisation en 1930, il s’inquiète à plusieurs reprises de la possibilité d’une politique d’extermination, pressentant l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale et de ses ravages. En 1938, il est obligé de quitter Vienne avec sa famille, car le régime nazi condamne ses théories. Avec l’aide de Marie Bonaparte, il rejoint la France, puis s’installe à Londres où il parvient à poursuivre sa pratique, jusqu’à sa mort, la même année.

Clotilde LEGUIL

I.

S. Freud, « Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », trad. S. Jankélévitch, Cinq leçons de psychanalyse, Paris, Payot, « Petite Bibliothèque Payot », 1990, p. 69.

II.

Ibid., p. 119.