LUNDI 30 DÉCEMBRE 2019 – APRÈS-MIDI

Premier message d’alerte venu de Chine

Sur la boîte mail Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), en provenance de ProMED que diffuse l’International Society for Infectious Diseases, s’affiche un message d’alerte. Il fait état « d’une dizaine de patients hospitalisés pour une pneumonie atypique, peut-être virale, en Chine ». 10 cas sur 1,38 milliard d’habitants : and so what ? En France, seul le Pr Arnaud Fontanet semble y prêter attention. Il dirige l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur. C’est l’un de ceux qui conseilleront ensuite le président de la République au sein du conseil scientifique. Son acuité et sa compétence de veilleur sanitaire sont sollicitées. Plus tard, il me dira : « Pour ma part, jusqu’au 10 janvier c’est une simple curiosité. Puis c’est la mise en route de la machine pasteurienne pour les tests diagnostiques à partir de cette date. Je réalise qu’il y avait une vraie menace avec les cas thaïlandais et japonais les 13 et 15 janvier, de mémoire. J’envoie le 16 janvier un mail à la direction scientifique de l’Institut Pasteur pour organiser une réunion de chercheurs qui s’est tenue mercredi 22 janvier au soir avec une bonne quinzaine d’équipes. Depuis : six heures de sommeil par nuit, sept jours sur sept. Mais probablement pas grand-chose par rapport à ce que vous vivez dans les hôpitaux. »

D’aucuns se souviennent des signaux d’alerte passés au sujet du virus du sida le 8 juin 1981, à Los Angeles. Cependant bien peu ont laissé leur nom dans l’histoire. Qui connaît le nom de la pharmacienne qui alerta son administration californienne entre octobre 1980 et mai 1981, en constatant une augmentation de la consommation de Pentamidine, un médicament jusque-là utilisé pour traiter une infection grave du poumon, apanage des immunodéprimés ? Ce sera le début du sida, une pandémie qui fera plus de 32 millions de morts. Un début qui sera parfois comparé à la crise du Covid-19. Comme certains feront un parallèle inique entre le scandale des masques et l’affaire du sang contaminé.

Le mail d’alerte de ProMED se confirme. Le Dr Ai Fen, la cheffe des urgences de l’hôpital central de Wuhan, fait une inquiétante découverte. Depuis plusieurs semaines, de nombreux patients sont soignés pour une étrange infection pulmonaire jusque-là inconnue. Information qui circulait déjà durant le mois de décembre sur les réseaux sociaux chinois, notamment sur WeChat (微信), l’équivalent de Facebook en Chine.

Elle apprend avec stupeur que le laboratoire chargé des tests affirme qu’il s’agit d’un coronavirus similaire au SRAS. Elle prend en photo les résultats d’analyse, les entoure d’un cercle rouge, et transfère l’image à des collègues, ainsi qu’au Centre national pour le contrôle et la prévention des maladies infectieuses, le CCDC. Parmi les destinataires de ce message se trouve le Dr Li Wenliang, ophtalmologue à l’hôpital de Wuhan.

Le même jour, il alerte ses collègues sur un forum de discussion en ligne des dangers de ce nouveau virus, comparable, selon lui, au SRAS de 2003.