Les services de référence plient sous la tâche. Il faut préciser que ces services ont été créés pour faire face à quelques intrusions épidémiques, dans le sillage du SRAS et de la grippe H5N1. Notamment pour réguler les vagues annuelles de grippe dont l’ampleur n’est pas prévisible. Le principe est de regrouper les malades et les compétences. Et d’isoler les patients. Le modèle va s’avérer totalement dépassé par la vague de Covid. Dans les deux centres de référence d’Île-de-France, les plus jeunes sont déjà au bord du burn-out. Une solidarité s’organise pour aller leur prêter main-forte. Dans l’un d’entre eux, ce sont 40 appels par nuit, 20, puis 30 puis 40 diagnostics virologiques par la technique dite PCR, ou amplification du génome viral, par jour. Il n’y a encore que 11 lits équipés en pression négative censés assurer une meilleure protection pour ces virus à transmission respiratoire. Donc, très vite, on oublie la nécessité d’une chambre à pression négative. Il ne reste que l’impératif de la chambre seule. Les centres de référence appellent de plus en plus à l’aide : « 2 cas suspects sur 8 sont des cas possibles qui nécessitent une prise en charge. » On y ferme les autres activités comme l’hôpital de jour, on arrête les avis d’antibiothérapie sur le reste de l’hôpital. S’organise avant tout le circuit des personnes dépistées : retour en taxi lorsque c’est possible ou en transport en commun avec un masque et une solution hydroalcoolique.
Le compte rendu est clair :
« Les sites Pitié et Bichat sont débordés et ont besoin d’aide à la fois pour :
— répondre aux appels du SAMU afin de classer les cas suspects en cas possibles en journée de 9 heures à 20 heures ;
— réaliser les prélèvements des patients par PCR pour identifier les rares cas confirmés et à transférer vers les centres de référence et exclure les autres cas. »
Il est précisé aussi combien nous avons besoin d’échanger dans cette période qui s’annonce difficile : « Une communication régulière entre nous est nécessaire pour échanger sur les sujets Covid-19. »
C’est aussi le jour où l’on discute de l’extension des zones à risque pour le Covid-19 : Chine (Chine continentale, Hongkong, Macao), Corée du Sud, régions de Lombardie et de Vénétie. Et de cette modification du dépistage qui va être déterminante pour notre hôpital : « Effectuer devant tout Syndrome de détresse respiratoire aiguë et en l’absence de diagnostic étiologique établi un prélèvement virologique pour recherche de Covid-19. »
Pourtant le doute s’installe quant à la communication par temps de crise dans une spécialité, l’infectiologie, peu habituée à parler d’une seule voix : « C’est trop difficile de communiquer. La vérité d’un jour n’est plus celle du lendemain. Et nous risquons d’y laisser une certaine énergie alors que nous n’avons pas de temps pour nous », écrit un des responsables de centre de référence. Tout en précisant que la « communication » est muselée par le ministère : « Nous ne devons pas communiquer, même aux collègues… La communication des cas possibles/confirmés se fait par le ministre ou par le directeur général de la santé. »
Ce n’est pas encore la médecine de catastrophe, mais le vent souffle fort.