Les Établissements de santé de référence (ESR), dits centres de référence, nous appellent au secours. Ils sont déjà débordés, à la limite de l’asphyxie, et souhaitent que d’autres services, non encore envahis par le Covid, viennent prêter main-forte. Plusieurs médecins du service, bien que nous soyons en nombre réduit à cause de deux congés maternité, se sont déplacés à Bichat ou à la Pitié-Salpêtrière. Un de nos médecins revient du centre de référence qu’il a aidé en doublant la réponse téléphonique. C’est la fin d’ailleurs des premières lignes, des deuxièmes, des troisièmes. Car le virus s’invite sans préavis, aux urgences, dans les services de médecine, les services de chirurgie, les services de gériatrie, les EHPAD, dans les services techniques, chez les ambulanciers, les kinésithérapeutes, les brancardiers, les personnels d’accueil. Sans distinction, sans sélection et sans préavis. Et sans respecter le programme de gestion de crise mis en place par la Coordination opérationnelle risque épidémique et biologique (COREB) bâti après la crise H5N1 pour accueillir quelques centaines de malades. Pas des dizaines de milliers.
Un débat de politique sanitaire se poursuit. L’ordre de la Direction générale de la santé est de transférer vers les centres experts, les Établissements de santé de référence. La première ligne précisément. Pourtant cela n’a plus de sens. Les ESR débordent, mais ils sont accrochés à leur rocher d’expertise et continuent à se remplir jusqu’à l’overdose. Cela n’a pas, cela n’a plus de sens à cette heure sauf pour les familles concernées. En transférant impérativement en centre spécialisé, cela signifie rupture avec l’équipe de soins, perte de repères. Et aussi interdiction des visites. Dans les centres experts, des patients en fin de vie transférés au dernier moment meurent du Covid-19 sans autorisation de visite, sans enfants, sans petits-enfants, sans rites funéraires. La solitude de la solitude pour un virus qui était censé rester chinois. Ces patients se voient voler leurs dernières heures faute de présence familiale. Solitude pour cause de santé publique.
C’est le jour de la fin de cette organisation. Tous les hôpitaux, la médecine de ville, les EHPAD, les foyers pour migrants, les maisons de retraite sont désormais concernés. Un médecin italien sur nos réseaux WhatsApp précise : « Le pire ce sont les gens qui meurent seuls, qui supplient pour pouvoir dire au revoir à leurs enfants. »