Un mail nous transperce tous. Il émane du chef de service du SAMU 68 aux urgences de Mulhouse.
« Chers collègues,
Je me permets de m’adresser à vous pour un petit retour d’expérience de ce que nous traversons depuis trois semaines d’épidémie Covid-19. Les multiples appels téléphoniques que j’ai eus depuis trois jours de collègues de l’ensemble du territoire montrent que l’importance de la situation semble totalement sous-estimée. Nous sommes à plus de quinze jours de vraie phase épidémique dans le Haut-Rhin et plus précisément sur l’agglomération de Mulhouse. Nous avons aujourd’hui dans l’établissement 130 lits dédiés Covid occupés, 25 patients Covid ventilés en réanimation. Le Plan blanc est activé depuis le 7 mars et nous avons organisé la déprogrammation de toutes les activités médicales et chirurgicales programmées. (…)
Depuis trois jours, nous sommes submergés aux urgences par un flux incessant de patients ayant des critères d’hospitalisation : altération de l’état général, hypoxémie importante, pneumopathies bilatérales… Le taux d’hospitalisation après passage aux urgences est de 40 % (avec un ralentissement de l’activité d’urgence conventionnelle flagrant).
L’ouverture des lits Covid ne suffit plus, et l’établissement est quasi à bout des moyens qu’il peut déployer. La solidarité des établissements périphériques s’organise doucement. Les lits de réanimation de la région sont saturés, et il est impossible de trouver des respirateurs pour ouvrir de nouveaux postes de réanimation. Depuis hier, la mortalité dans les secteurs de gériatrie est majeure, et les cas symptomatiques dans les EHPAD sont très nombreux, occasionnant des difficultés de régulation. (…) En vingt-quatre heures, nous avons une vingtaine de décès Covid + au sein de l’établissement. Les équipes commencent à s’épuiser, avec un absentéisme qui grandit lié à des cas positifs, même si la solidarité est importante. Durant ces quinze derniers jours, toutes les mesures que nous avons prises ont été dépassées et donc insuffisantes dans la journée même, tant la cinétique est rapide. Il est primordial que nos établissements se préparent rapidement, et profitent de cette période pour anticiper tous les problèmes liés à cette crise sanitaire sans précédent. Merci d’insister par tous vos relais, pour que chacun puisse s’y préparer au mieux (…).
Je reste à votre disposition.
Bien cordialement,
Dr Marc NOIZET »
On attendait le virus à Nice, voie d’entrée privilégiée de la filière italienne. C’est à Mulhouse qu’il est apparu en masse. Les premiers cas sont enregistrés dans la semaine du 24 février au 1er mars. L’épidémie s’étend ensuite dans les 10 départements de la région, affectant particulièrement le Haut-Rhin, les Vosges, la Moselle et le Bas-Rhin. Il est possible que les autorités sanitaires aient regardé le Haut-Rhin comme l’Italie du Nord : de loin.