Contre-visite dans la salle Covid-19 du 4e étage : 9 malades sur 12 lits. Mais ce jour-là, aucune place n’est disponible en réanimation. Dans le secteur médical Covid + de 124 lits, seules 10 places sont vacantes. On doit compter une infirmière et une aide-soignante pour 6 lits. Si le compte n’y est pas, on n’accepte pas plus de patients. Et ce week-end-là, le compte n’y était pas la nuit. Il a suffi d’une infirmière qui n’a pas pu se déplacer pour raison personnelle au dernier moment. La direction des soins fait son maximum pour gérer l’imprévisible. À ces 9 patients s’ajoutent les 10 présents dans l’unité créée de toutes pièces lorsque l’épidémie a pris son envol. Patients qu’on récupère des espaces hospitaliers laissés vacants dans le sillage de la fermeture des lits faute de personnel. Ces unités fonctionnent comme celles des services qui n’ont pas fermé, c’est l’un des miracles de cette réorganisation de crise. Sur les 9 malades présents au 4e, il y a 3 femmes et 6 hommes, la moyenne d’âge est de soixante-quatre ans, le plus jeune a vingt-quatre ans et le plus vieux… est né en septembre 1920. Le Covid a abrasé toute extraterritorialité. Les patients viennent de la proximité, essentiellement du xxe, du xixe, et du 93.
On fait le point sur les entrants du week-end.
À la chambre 1, se trouve un homme de soixante-quinze ans, entré par les urgences. Il a de nombreux antécédents dont une insuffisance rénale, un diabète et une fièvre depuis quinze jours avec frissons, douleurs dans les muscles, et diarrhées. Il n’a pas de signes pulmonaires. Le test naso-pharyngé se révélera négatif, pourtant le scanner est évocateur de Covid-19. Il sera considéré comme tel et traité avec ce que l’on peut.
Au 4, il y a une femme de soixante-sept ans, avec aussi des antécédents sévères dont une sclérose en plaques. Elle est alimentée par une gastrostomie, ce tuyau qui, posé chirurgicalement directement au travers de la peau, au niveau de l’estomac, permet de s’alimenter quand il n’est plus possible d’avaler, et a une sonde urinaire. Elle, c’est le cas inverse : le scanner pulmonaire est complètement normal, mais le test de dépistage du Covid s’avère positif. Elle vient d’une structure adaptée à son handicap et l’enquête de l’ARS établira si oui ou non elle a contaminé d’autres patients de son institution.
La chambre 6 est occupée par un homme de soixante et onze ans. Il n’a pas de facteur de risque à part une élévation modérée du cholestérol. Il est entré avec des signes plutôt mineurs : mal à la tête, dégoût alimentaire et grande fatigue. Pourtant quand il se présente aux urgences, il a besoin de 4 litres d’oxygène. Lui aussi s’avérera négatif au test de dépistage dont on rappelle que dans 30 % des cas il passe à côté du diagnostic, alors que le scanner est considéré comme un scanner pulmonaire de Covid-19. Il sera présenté aux réanimateurs dès le lendemain pour un éventuel transfert en cas d’aggravation. Sa place en réanimation sera assurée, pas certain que ce soit à Tenon compte tenu du taux d’occupation de 200 % avec 42 lits.
Demain, ce sera le retour de deux internes mis en quarantaine pour cause d’infection au Covid-19, guéris. Ils seront affectés à la prise en charge des patients atteints de la même maladie qu’eux, dans une forme plus sévère.