Six membres de la Direction de la sécurité civile du ministère de l’Intérieur, notamment son patron, ont été testés positifs au coronavirus. L’affaire embarrasse la place Beauvau : ils étaient membres de la cellule interministérielle de crise qui pilote la lutte contre la pandémie.
Depuis longtemps, les réunions présentielles sont bannies. Je me souviens de la dernière en février. Irréaliste. Certains nous avaient réunis pour établir combien de malades Covid + leurs services accepteraient… la réunion se terminera sur un consensus d’un tiers de Covid +. Les services en question seront pour la plupart presque totalement envahis.
Christophe, le chanteur dandy hors d’âge, est officiellement décédé ce jour d’un « emphysème pulmonaire » après avoir été transféré dans un service hospitalier de Brest qui accueillait le trop-plein francilien de patients victimes du coronavirus. Si le communiqué annonçant sa mort, publié par son épouse, indiquait que le chanteur avait bien succombé à un emphysème pulmonaire, plusieurs médias évoquaient que le Covid-19 était en réalité la cause de son décès. Qu’importe. Ce matin, l’émotion emmagasinée pendant ce premier round de la guerre contre le Covid s’est libérée un peu. Seul au petit matin devant un thé et sa mort, je me suis laissé aller. Et cela m’a fait tant de bien. J’ai traîné un peu avant de retourner à Covidland en écoutant les reprises de ses chansons par Christine and the Queens ou Raphaël.
Durant la première cellule de crise quotidienne, celle de 11 heures pour notre hôpital qui précède celle du groupe hospitalier de midi, il m’est venu une idée. Depuis des semaines, on compte les Covid + à l’hôpital, en réanimation, en médecine générale ou dans les EHPAD. Cela reste de la comptabilité derrière laquelle se cachent le parcours de soins, les trajectoires de vie, les drames vécus par les familles, la souffrance aussi des malades. Parmi les alertes majeures et les signaux envoyés par la cellule de crise au reste de l’hôpital, il en est trois qui resteront gravés dans nos mémoires : l’extension contrainte de la salle funéraire, la création d’une équipe mobile de psys pour les soignants du Covid et le travail itinérant de l’équipe mobile de soins palliatifs. Cette comptabilité des lits Covid + nous pèsera à la longue. À l’égal de la litanie du point presse gouvernemental sur les morts, les réanimés, les hospitalisés. Une idée, entre délire impensable et espoir : pourquoi pas un grand concert dans cette magnifique cour d’honneur de l’hôpital Tenon en l’honneur des soignants ? Dès que la guerre sera finie.
Je sais combien ce qui paraît simple pour le public peut être complexe pour un artiste dès lors qu’on sort du cadre des salles de spectacle. J’ai le souvenir bien ancré de Barbara que j’accompagnais en prison pour des messages de prévention contre le sida dans les années 1990. Et comment l’un des concerts les plus difficiles avait eu lieu dans une minuscule salle de spectacle de la Maison d’arrêt des femmes de Loos, à peine 60 femmes et seulement un piano demi-queue. Cette proximité, ce public restreint, avaient été très complexes pour l’artiste. Comme je me souviens de Tchéky Karyo venu chanter à l’occasion d’une journée mondiale contre le sida pour une poignée de malades hospitalisés dans mon service.
Premier test auprès de la direction qui pense un temps à une décompensation sur le mode mégalomaniaque. Puis s’inquiète ensuite de la faisabilité. Et de la date possible. Tenon a payé un lourd tribut au coronavirus avec plus de 700 personnels dépistés et 220 soignants contaminés. Même si, contrairement à d’autres hôpitaux, aucun des soignants n’ira en réanimation. Ou ne décédera.
Ma première pensée s’est tournée vers le chanteur Raphaël. Je connais un peu sa famille après avoir travaillé pour son père, Joël, dans la presse médicale. Sur Facebook, Raphaël, qui compte nombre de médecins parmi ses proches, a tout de suite adhéré au projet : « Cher Gilles, c’est topé à distance pour le concert d’après la guerre dans la cour d’honneur. Merci pour tout ce que vous faites, portez-vous bien. Amitiés. Raphaël. » D’autres viendront peut-être fêter les personnels de l’hôpital.