C’est spectaculaire, comment une information qui peut être une très bonne nouvelle scientifique devient un sujet d’inquiétude. L’enrichissement des eaux usées en coronavirus dû aux porteurs peu ou pas symptomatiques en est un exemple. La présence du virus sous forme de matériel génétique dans les eaux non potables a été révélée dans différentes publications, notamment par une étude hollandaise publiée sur le portail MedRxiv. Cette revue qui n’en est pas une sera au centre de la crise du coronavirus. Elle publie des manuscrits scientifiques, en pré-print, qui n’ont donc pas été sélectionnés par les pairs. De l’information brute, en quelque sorte, et invérifiée. La même découverte sur les eaux usées est établie à Paris dans un travail de collaboration entre les Eaux de Paris et l’université Paris-Sorbonne. Sur 27 prélèvements faits sur des eaux usées, traitées par les stations d’épuration, 4 s’avèrent positifs au coronavirus.
Plusieurs éléments sont rassurants. D’abord, c’est un phénomène classique que l’on connaît en France et à l’étranger dans le suivi des épidémies, notamment de germes à circulation fécale, les gastro-entérites hivernales, les bactéries multirésistantes aux antibiotiques, certains virus digestifs… Une utilisation régulière en est faite dans certaines villes pour surveiller les consommations de drogues par l’évacuation de celles-ci dans les eaux usées. Ce qui permet de suivre les pratiques en surface. Deuxième facteur de tranquillité, on ne sait rien en termes de contagiosité de ces fragments de génome du virus obtenus sur les eaux usées traitées, avec dans l’immense majorité des cas un effet de destruction de la particule virale au contact de l’eau. C’est un véritable jeu de pistes qui s’ouvre aux scientifiques attelés à cette question, la mécanique est assez simple et triviale : le Covid de toutes les personnes, qu’elles soient asymptomatiques, très symptomatiques, hospitalisées, excrète dans les selles le virus (autour de 25 % des cas selon les publications). Le tout part à l’égout puis dans les stations d’épuration où il y a une élimination partielle essentiellement des éléments organiques. Au bout du compte, on retrouve à la fois les produits de triage sous forme de boue qui sont réutilisés comme compost et les eaux usées traitées dans lesquelles on peut faire moult études. Ces eaux usées servent à l’arrosage des rues et des jardins et se retrouvent évidemment dans les eaux de la Seine ou du canal de l’Ourcq. La bonne nouvelle, c’est que le coronavirus va renforcer le concept selon lequel on peut utiliser ces eaux comme un réseau sentinelle des infections de tous types, qu’elles soient virales, bactériennes ou parasitaires. Avec une banque de données « d’eaux usées » conservées sur une période longue. Système sentinelle qui permettrait peut-être de prévoir les épidémies de virus à transmission digestive comme c’est le cas aussi du coronavirus. Ce que personne n’a su faire dans la crise du Covid-19 devenu Covid-20 et peut-être un jour Covid-21.