La scène qui se déroule devant moi est issue de mon pire cauchemar. La petite silhouette de Liz se tient au bord de la falaise, son arme étrange serrée dans ses mains. Les metlaks – des créatures sauvages et imprévisibles – l’entourent. Je les ai vus déchirer un chasseur, membre par membre, en quelques secondes, et je les ai vus passer devant un autre comme s’il n’existait pas. Ils sont impossibles à comprendre, et sauvages lorsqu’on les provoque.
Et un petit se tient près de la jambe de Liz, ce qui est assurément considéré comme une provocation.
— Cours, lui ordonné-je à nouveau, mais cette tête de mule n’écoute pas.
À la place, elle lève l’une de ses flèches en os et vise, attendant. Une fureur protectrice m’envahit lorsque l’un des metlaks montre ses grandes dents jaunes dans ma direction. Ils pensent faire du mal à ma compagne ? Me la prendre après l’avoir attendue si longtemps ? Je leur briserai les os et j’écraserai leurs peaux crasseuses sous ma botte avant de les laisser la toucher. Un grognement féroce s’échappe de ma gorge et je sors un de mes couteaux en os mortels de son étui, ma lance dans mon autre main.
Liz fait un autre pas en arrière, toujours plus près du bord de la falaise. Mon cœur martèle ma poitrine, une vague de pure terreur m’envahit.
— Liz, aboyé-je alors qu’un des metlaks rôde vers elle. Cours devant moi. Vas-y maintenant. Je vais les distraire. Vite !
— Je ne te laisse pas, crie-t-elle sans détourner le regard de la créature la plus proche d’elle.
— Ne sois pas stupide, grogné-je tandis qu’il fait un pas de plus vers elle.
Plus que deux, et il pourra l’atteindre avec ses longs bras, elle doit faire vite.
— Viens, Liz…
Mon cœur s’arrête lorsqu’il s’élance vers elle. Je crie et bondis en avant, ma lance volant dans les airs. Elle finit par heurter le flanc du metlak qui cherche à atteindre ma précieuse compagne. Il titube puis tombe en avant, essayant toujours de l’atteindre. Je hurle de colère et traverse la neige en trombe, me plaçant devant elle.
Une autre créature mugit et commence à se frapper la poitrine, envoyant un appel furieux à travers les neiges. Les autres metlaks répondent, et l’un d’eux charge en avant. J’ai déjà vu ces tactiques auparavant. Ils nous précipiteront du bord de la falaise et ramasseront nos carcasses plus tard, une fois qu’ils sauront que nous sommes morts. Je refuse de me replier.
Sssssthok.
Une des aiguilles en os de Liz passe et atterrit dans l’orbite de l’un des plus gros mâles. Il gémit et tombe dans la neige en se tordant. Son tir est magnifique, et je vois le potentiel de l’arme.
— Fais attention à ton bras, me lance-t-elle alors qu’elle lève une autre flèche et vise.
Lorsqu’un autre bondit vers nous, elle tire à nouveau, et une fois de plus, son aiguille en os atteint sa cible. Le metlak est mort avant de toucher le sol.
C’est une chose de toute beauté à voir, et une fierté féroce pour ma compagne surgit en moi.
Puis, les metlaks restants crient et chargent d’un seul coup.
Mes instincts aiguisés par des années de chasse, le besoin de protéger est féroce en moi, je m’élance vers eux en criant. J’entends Liz pousser un petit cri de surprise, mais cela ne fait qu’encourager ma fureur.
Ils ne s’approcheront pas d’elle. Ils devront d’abord me passer sur le corps.
Je me jette sur le premier avec fureur, ma lame en os tranchant son cou laineux avec une telle violence qu’il est presque sectionné. Je m’élance vers le suivant et, au lieu de me combattre, il s’esquive. Un autre atterrit sur mon dos, tirant sur mes cheveux et mes vêtements. Des dents acérées s’enfoncent dans mon épaule et j’entends Liz crier. Je plante mon couteau dans celui qui est devant moi, tandis que celui qui est sur mon dos glisse au sol. Je baisse les yeux et vois une autre des fines flèches en os de Liz qui sort de sa gorge.
— Il ne m’en reste plus qu’une, crie-t-elle derrière moi.
Deux autres me sautent dessus et un troisième m’attaque de face. En un contre un, ils ne seraient pas un problème. Mais les metlaks sont des créatures sauvages. Leurs griffes et leurs dents s’enfoncent déjà dans ma peau, me déchirant. Je grogne de douleur quand l’un d’eux me transperce le visage et que le sang me voile la vue.
— Raahosh ! crie-t-elle au loin. Tu t’approches trop près du rebord ! Je… Recule !
Son avertissement laisse transparaître la peur dans sa voix, je grogne et me tourne pour la voir. Trois d’entre eux se dirigent vers elle, avançant rapidement dans sa direction, en montrant les dents. Celui qui est dans mon dos me mord furieusement le cou, et je sens des ondes de choc traverser mon bras alors même que ma lame s’enfonce dans la poitrine d’un autre.
Je dois sauver ma compagne.
Cette pensée résonne dans ma tête, encore et encore.
Il faut sauver Liz.
Elle est tout.
Avec un cri brutal, j’attrape les deux metlaks devant moi. Mes doigts s’enfoncent dans des poignées de fourrure hirsute et je tangue vers la falaise.
— Raahosh ! Fais attention ! crie-t-elle.
Mais elle ne comprend mon plan que trop tard. J’entends le hurlement d’angoisse de Liz alors que je bascule par-dessus la falaise, emportant avec moi cinq des créatures sauvages.
Je vais égaliser les chances de cette façon. Elle pourra peut-être échapper aux deux ou trois qui restent.
Le souvenir du visage de Liz défile dans mon esprit quelques instants avant que je ne heurte le sol dans un craquement écœurant, et tout devient noir.