Chapitre 4
Mistigris
Il y a maintenant près d’un mois que Mistigris, la chatte de Magalie, est disparue. Un beau soir, elle est partie se promener comme à son habitude, toute vêtue de son indépendance de chat, mais elle n’est jamais revenue à la maison. Magalie et William l’ont cherchée partout dans le quartier, en compagnie de Pierre, de Marie et de Xavier, mais en vain.
Cette soirée-là a été bien triste pour Magalie. Lorsqu’ils ont mis fin aux recherches parce qu’il faisait trop noir, noir comme dans le fond d’un tiroir, elle a gardé espoir de la revoir le lendemain matin. Elle a très mal dormi, elle se réveillait et pensait à Mistigris, aux nombreux pièges qui pouvaient l’attendre au coin d’une rue, aux voitures qui pourraient l’écrabouiller comme une galette à la mélasse.
Comme la nuit peut faire peur parfois ! Les pensées sont toujours plus terribles, tout est plus gros, c’est comme regarder la vie à travers une loupe. Heureusement qu’au réveil tout reprend sa taille réelle.
Magalie s’était donc levée très tôt le lendemain du drame, avait avalé un bol de céréales en vitesse, puis recommencé les recherches en appelant Mistigris, tantôt la voie chargée d’angoisse, tantôt tout en douceur et en finesse. Finalement elle l’avait appelée d’un ton chargé de colère. Et, avec une boule au fond de la gorge, elle était rentrée bredouille. Elle avait beaucoup pleuré la perte de Mistigris.
Elle y repense encore souvent, mais elle n’en dit rien à personne. Elle ne veut pas ennuyer inutilement ses parents avec sa peine.
Mistigris était une chatte indépendante mais affectueuse à ses heures, surtout lorsque Magalie était maussade, préoccupée, comme ces temps-ci, ou malade. On aurait dit qu’elle sentait son malaise et venait alors se frotter le long de ses jambes pour ensuite se blottir à ses pieds. Mistigris avait un beau poil gris et lustré, soyeux au toucher. Parfois elle rencontrait des moufettes sur son chemin, ce qui lui arrivait deux ou trois fois par été à cause de son tempérament aventurier. Magalie devait alors lui faire prendre un bain de jus de tomate, même si Mistigris détestait ça et se démenait.
Cela ne dérangeait pas Magalie de s’occuper de sa chatte, de lui prodiguer les soins journaliers essentiels et de bien entretenir la litière. C’était l’entente qu’elle avait conclue avec ses parents afin d’acquérir cette chatte qu’elle avait vue dans l’animalerie du quartier. Magalie avait ressenti un vrai coup de foudre pour sa Mistigris. Et comme elle s’en était toujours bien occupée, le pacte avec ses parents avait tenu, à la bonne surprise et à la grande satisfaction de ces derniers. Ils avaient aussi remarqué que Magalie était devenue plus responsable depuis qu’elle s’occupait du petit animal. Elle s’acquittait des autres corvées de la maison sans bougonner et sa chambre était beaucoup plus ordonnée. La venue de cette fine bête n’apportait que du positif dans la vie de Magalie.
Ses parents savent bien toute la peine que Magalie a ressentie à la disparition de Mistigris. Ils l’ont entendue pleurer plusieurs nuits d’affilée et la tristesse de leur fille leur fend le cœur, mais ils se sentent impuissants devant un tel chagrin.