Le courrier est arrivé ce matin. Je n’en ai rien dit à Julien, pas la peine de guetter le facteur à deux, et puis je veux être seule lorsque j’ouvrirai l’enveloppe. Mon avenir s’écrit en signes dissimulés sous un pli, un code de chiffres et de lettres qui annonce qu’un enfant et un père seront unis par les liens sacrés du sang, pour le meilleur et pour le pire.
Je prends la lettre et ma main tremble. Quand j’ouvre l’enveloppe, je dois me faire violence pour déplier la feuille, poser mes yeux dessus, déchiffrer les mots, les phrases qui scellent mon destin à tout jamais.
Ne pas savoir est un châtiment de tous les instants.
J’inspire profondément, puis je replie la lettre et la range dans son enveloppe.
Voilà, maintenant, je sais. Et cette fois, savoir est un soulagement.
Alors je m’installe à mon bureau, je prends une feuille blanche et j’écris une lettre. Une lettre dans laquelle je décris ma journée, mon état d’esprit, mes émotions, mes espoirs. Une lettre que Julien et moi, nous pourrons relire dans quelques années et dans laquelle nous retrouverons, intact, le décor de notre existence telle que nous la vivons en cet instant précis. J’explore déjà le futur.
Je la mets sous enveloppe et prévois de me rendre à la poste afin de l’envoyer plus tard dans la journée. Et comme je suis déjà installée, je décide de poursuivre sur ma lancée.
J’ai deux semaines pour rédiger ce roman. C’est peu. Pas de temps à perdre donc, d’autant que mon éditrice exige un minimum de deux cent cinquante pages, c’est dire si je suis à la bourre. Deux cent cinquante pages alors que j’entame tout juste la première, waouh, c’est pas du gâteau, faut s’accrocher, ne pas laisser tomber les bras, enchaîner les mots, les phrases, les paragraphes et les chapitres.
Si je veux être sincère, j’ai hésité. Pas bien longtemps à vrai dire, je n’avais de toute façon pas grand-chose d’autre à faire et l’histoire était déjà écrite, pas besoin de me creuser les méninges pour trouver quelque chose à raconter… Il me suffisait tout simplement de me souvenir.
Les souvenirs… Bien sûr, c’est si simple. Grimper dans le vaisseau qui me sert de mémoire et arpenter les contrées de mon passé. La machine à explorer le temps. Mettre le cap sur la semaine qui vient de s’écouler.
Alors j’ai allumé mon ordinateur et j’ai ouvert un nouveau fichier. Je l’ai intitulé : « La brûlure du chocolat ».
Voilà, je me lance et je prends conscience que rien qu’en racontant les affres de ma création littéraire, j’ai déjà écrit une demi-page.
Allez, courage, plus que deux cent quarante-neuf et demie !